Homélie de Mgr André Vingt-Trois – 26e dimanche du temps ordinaire - Consécration de l’église Saint-Ferdinand des Ternes

Saint-Ferdinand des Ternes - Dimanche 30 septembre 2007

"Voilà la question pour nous : sommes-nous capables d’ouvrir les portes de nos églises pour que les gens qui sont dehors voient ce qui se passe dedans ? Nous essayons de vivre quelque chose qui a un certain intérêt pour eux mais sommes-nous capables d’ouvrir les portes de nos églises pour en sortir et aller rencontrer les gens là où ils sont ? Aller au plus près de ceux qui sont le plus loin, aller à proximité de ceux qui ne viendront pas à nous, devenir témoins de l’Évangile dans ce monde !"

Frères et sœurs, vous savez que David voulait construire une maison pour Dieu parce qu’il trouvait anormal de bénéficier, lui, d’un palais magnifique à Jérusalem tandis que l’Arche de Dieu continuait d’être hébergée sous une tente comme au désert. Vous savez que le prophète l’a arrêté dans son projet en lui rappelant que ce n’était pas lui, David, qui allait construire une maison pour Dieu mais que Dieu allait construire une maison pour David.

Je vous rappelle cet épisode de l’Écriture au moment où nous consacrons cette église et après que le Père Schwab a rappelé les différentes étapes qui ont marqué son édification, les commencements, les destructions, les reconstructions pour arriver au stade où nous en sommes aujourd’hui. Evidemment, nous avons toujours le sentiment que c’est nous qui construisons ! Et ce sentiment est d’autant plus fondé que c’est nous qui payons ! Même si nous voulons bien croire dans la foi que c’est Dieu qui construit, dans la réalité de la construction il faut financer. On peut facilement glisser de cette obligation de trouver les moyens de construire notre église à l’illusion que nous construisons l’Église. D’où cette expression plutôt malheureuse que nous entendons trop souvent : « Nous allons faire l’Église » ! Que celui qui veut faire l’Église vienne se présenter à moi et j’essaierai de m’entendre avec lui !
Ce n’est pas nous qui faisons l’Église, pas plus que nous ne construisons l’Église. Nous la recevons et nous essayons d’accueillir ce don que Dieu nous fait et de mettre en œuvre les moyens nécessaires pour que le plus possible d’hommes et de femmes de notre temps puissent accueillir ce don à leur tour. D’où la nécessité d’avoir des équipements, non seulement des églises dignes et si possible même, belles, mais des équipements pour l’action de l’Église. D’où la nécessité de nous mobiliser pour mettre en œuvre ces moyens et faire en sorte que la communauté à laquelle nous appartenons ne vive pas dans la médiocrité faute de pouvoir agir. Vous avez entendu toute cette semaine, par exemple, les annonces qui ont été faites quant au réaménagement du temps scolaire. Quelle que soit la solution finale adoptée, elle demandera de notre part un effort d’adaptation et un renouveau des moyens mis en œuvre pour accueillir les enfants.
Un certain nombre d’entre eux sont entourés, accompagnés, attendus, reconduits, pris en charge par leur famille ou leur entourage et je ne m’inquiète pas pour eux, ça continuera, mais nous savons aussi qu’un certain nombre d’enfants ne pourront jamais accéder à la connaissance du Christ, tout simplement parce que nous n’avons pas les moyens de les prendre en charge toute la journée, ni les moyens pratiques ni les moyens financiers. Nous avons donc besoin de rassembler ces moyens pour le faire.
C’est un exemple que je vous donne mais il y en aurait quantité d’autres. Du coup, une question m’est adressée, à moi en tant qu’archevêque à Paris : « Y-a-t-il deux catégories d’Églises dans Paris ? » Une Église qui a les moyens et une Église qui ne les a pas. Pour faire face à cette question, je n’ai pas beaucoup d’autres possibilités que de mettre en œuvre des moyens de solidarité, c’est-à-dire faire appel aux communautés qui ont les moyens financiers pour venir en aide à celles qui ne les ont pas. Ainsi la paroisse Saint Ferdinand des Ternes là l’égard de Notre Dame de la Croix de Ménilmontant ou de Saint Jean Baptiste de Belleville, paroisses qui n’ont absolument pas les ressources nécessaires pour un certain nombre d’équipements et sont obligées de faire appel à la solidarité diocésaine

Il ne servirait à rien que notre lieu de prière, notre espace communautaire, notre lieu chrétien soit bien aménagé, si nous devions reconstituer ainsi entre nous les données de la parabole que nous venons d’entendre. Si nous avions mis en œuvre toutes les conditions d’un certain confort spirituel sans nous inquiéter de ceux qui, à quelques quarts d’heure de nous, attendent de pouvoir bénéficier des miettes qui tomberont de la table du riche.
Je veux rendre hommage à la communauté de Saint Ferdinand des Ternes qui a non seulement contribué à la construction de ce lieu mais qui a aidé d’autres paroisses à aménager leur propre église. Mais nous devons aller encore un petit peu plus loin. Car la question du partage des moyens économiques que je viens d’évoquer est plus profondément la question du partage de la richesse de la Révélation que nous avons reçue. Là je dois dire que les différences de moyens économiques ne jouent pas beaucoup. Nous sommes tous dans la même situation, nous sommes un peuple rassemblé par une Bonne Nouvelle et immergé dans un tissu urbain où beaucoup de nos contemporains sans être nécessairement hostiles à cette Bonne Nouvelle en sont plus largement ignorants ou y sont indifférents. Alors, comment allons-nous vivre cette situation ? Allons-nous simplement, ce qui est déjà beaucoup et il faut nous réjouir que ce soit possible, allons-nous simplement leur donner le signe visible de notre existence à travers le monument de notre église ? Quand celui qui passe sur le boulevard ou à la croisée des rues se trouve devant un monument de cette importance, il se dit peut-être qu’il doit se passer là-dedans des choses considérables ! Et parfois la curiosité peut aller jusqu’à lui faire pousser la porte, comme le disait le Père Schwab tout à l’heure.

Mais devons-nous nous contenter de donner ce signe assez passif, finalement, ou bien devons-nous plus positivement nous interroger pour savoir si les conditions que nous avons réunies pour la vie de l’Église serviront à quelqu’un. Comment cela se fera-t-il si personne ne l’annonce ! Il n’est pas écrit dans le ciel que la foi chrétienne se transmettra automatiquement de génération en génération et qu’il suffit d’attendre tranquillement que les clients viennent pour chercher la Bonne Nouvelle.

Voilà la question pour nous : sommes-nous capables d’ouvrir les portes de nos églises pour que les gens qui sont dehors voient ce qui se passe dedans ? Nous essayons de vivre quelque chose qui a un certain intérêt pour eux mais sommes-nous capables d’ouvrir les portes de nos églises pour en sortir et aller rencontrer les gens là où ils sont ? Aller au plus près de ceux qui sont le plus loin, aller à proximité de ceux qui ne viendront pas à nous, devenir témoins de l’Évangile dans ce monde !

Le Père Schwab a évoqué tout à l’heure le congrès pour l’évangélisation de Budapest où nous étions la semaine dernière. Vous savez que c’était le dernier congrès après Paris Toussaint 2004. Nous avons à nouveau entendu et vu comment cette question était vécue par les habitants de Budapest et il faut nous demander encore et toujours comment nous la vivons, nous, à Paris ; comment nous poursuivons l’élan donné par Paris Toussaint 2004 et comment nous mettons en œuvre les moyens, non pas simplement d’embellir et de stabiliser notre église comme bâtiment mais, n’ayons pas peur de le dire, les moyens de la remplir. Si le curé Leclerc pleurait de ce que quantité de gens restaient à la porte faute de trouver de la place à l’intérieur, je crois que nous avons encore un peu de marge ! Il y a un grand espace ici ! Nous pouvons encore faire entrer du monde ! Et nous n’avons pas à rougir de vouloir faire entrer du monde. Si vraiment ce que nous croyons est utile pour les hommes, si cela nous rend heureux et si cela nous fait du bien, je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas le partager avec les autres et pourquoi nous ne souhaiterions pas qu’ils puissent en bénéficier eux aussi !

 Nous rendons gloire à Dieu pour tout ce qu’il a réalisé ici depuis cent soixante ans. Nous rendons gloire à Dieu pour la vitalité de cette communauté, pour la chance qu’il nous donne que la foi chrétienne dans ce quartier manifeste son dynamisme. Nous prions pour que nous soyons de mieux en mieux capables d’ouvrir les portes de notre église afin que ceux du dehors puissent y entrer et que ceux du dedans puissent en sortir.

_Amen

André Vingt-Trois, archevêché de Paris

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