Homélie du cardinal André Vingt-Trois – Appel décisif des catéchumènes 2008

Cathédrale Notre-Dame de Paris - samedi 9 février 2008

Au début du Carême, l’Appel décisif marque le début du cheminement définitif vers le batême qui aura lieu pour tous ces adultes lors de la Vigile Pascale.
Dans les semaines précédant cette célébration, chacun a envoyé une lettre à l’archevêque pour lui dire pourquoi il souhaitait être baptisé.
Les catéchumènes ont été invités à la cathédrale où l’archevêque les a appellés chacun par leur nom et les a accueilli l’un après l’autre. Puis ils ont inscrit leur nom sur des registres qui ont étés confiés à la prière des moniales des communautés contemplatives de Paris.

Evangile selon Saint Marc au chapitre 10, versets 46 à 52

Homélie du Cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris

Chers amis,
en lisant chacune des lettres que vous m’avez adressées j’ai mesuré à quel point ce temps où vous étiez comme Bartimée, assis au bord du chemin attendre la lumière, avait pu être long. Pour certains, quelques années ; pour d’autres, plusieurs dizaines.

Certes, comme Bartimée, vous aviez entendu parler de Jésus. Comme pour lui, les bruits de son passage dans la vie des autres pouvaient parvenir jusqu’à vous. Mais il a fallu un événement ou plusieurs pour qu’enfin, vous aussi, vous puissiez crier : « Seigneur, aie pitié de moi ». Ces événements ont pu être des événements malheureux qui ont traversé votre existence, ils ont pu être aussi des événements heureux qui vous ont fait mesurer à quel point l’amour déborde nos limites et nos étroitesses de cœur. En tout cas, un jour est venu où vous ne vous êtes plus contentés d’entendre parler du Christ ni seulement d’avoir quelques pensées de temps en temps. Vous avez pris votre courage à deux mains et vous avez osé, quelle hardiesse, franchir le pas d’une église. Bâtiment mystérieux dont vous ne connaissiez pas forcément tout le sens. Dans cette église, vous êtes allé rencontrer quelqu’un à qui vous avez exprimé le cri de Bartimée vers Jésus : « Seigneur, prends pitié de moi ». Heureux êtes vous si la personne qui vous a reçu, à la différence de celles et de ceux qui entouraient Bartimée près de Jéricho, n’a pas essayé de faire obstacle entre vous et le Christ, mais au contraire vous a dit sa joie de vous accueillir et de vous recevoir en son nom.

Mais ce premier pas franchi, et il n’est pas le moins difficile à franchir, ce premier pas franchi, il vous restait encore un long chemin à parcourir que peut-être vous n’aviez pas soupçonné. Car il ne suffit pas de crier « Seigneur prends pitié de moi », il faut encore découvrir à qui ce cri s’adresse, apprendre à connaître le Christ par les évangiles, apprendre à connaître sa manière d’agir avec chacun et chacune d’entre nous, apprendre à reconnaître sa voix dans la profondeur de nos cœurs parmi tous les bruits qui meublent notre vie. Apprendre à passer du temps avec lui, simplement, pour l’écouter et lui parler. De plus, en découvrant qui est le Christ, vous découvriez en même temps ce qu’il est venu annoncer aux hommes : un nouveau chemin de bonheur qui ne correspond pas au chemin de bonheur que trace le monde autour de nous. Il ne s’agit pas pour nous de prendre la première place en écrasant les autres ; il ne s’agit pas pour nous d’utiliser celles et ceux qui nous entourent pour notre satisfaction ; il ne s’agit pas pour nous de nourrir la rancune et la haine. Il s’agit pour nous de découvrir l’appel à l’amour et au pardon. Cet appel à l’amour et au pardon transforme notre vie, transforme notre regard sur le monde, transforme notre regard sur nous-mêmes. Il transforme notre manière d’être avec les autres.

Tout au long du chemin de votre catéchuménat, de ces mois que vous venez de vivre, vous avez approfondi l’appel du Christ à l’amour de Dieu et à l’amour de nos frères. Vous avez trouvé votre joie dans l’appel à pardonner et à mener une vie nouvelle. Vous avez fortifié en vous le désir d’entrer dans la communion pleine avec le Christ. Vous avez voulu achever le chemin en demandant à participer aux sacrements de l’Église. Vous êtes aujourd’hui au cœur de cette Église pour y être accueillis avec une joie très profonde, non seulement par moi qui en suit le Pasteur mais par toute l’Église, toutes celles et tous ceux dont vous avez peu à peu découvert l’existence, celles et ceux que vous avez appris à connaître, celles et ceux qui vous ont précédés dans le chemin de la vie chrétienne.

Oui, nous sommes heureux que vous nous rejoigniez. Nous sommes heureux que vous deveniez des nôtres. Nous sommes heureux d’ouvrir pour vous les portes de notre famille. Entrez sans crainte dans cette famille, elle est comme toutes les familles, habitée à la fois par l’amour et par d’autres sentiments. Elle est comme toutes les familles un lieu de joie et de paix, un lieu de discussion et parfois de contradictions et même de souffrances. Par votre baptême, vous devenez un membre de cette famille de façon définitive et indissoluble.
Pour un certain nombre d’entre vous ce chemin s’est ouvert à l’occasion de la naissance d’un enfant ou du mariage, de la découverte de l’amour d’un homme ou d’une femme. Vous avez découvert ainsi que l’amour vécu conduit à la reconnaissance de Dieu et à la foi. C’est cet amour vécu qui va être nourri et amplifié par la grâce du sacrement et par l’eucharistie à laquelle vous participerez.

Frères et sœurs, aujourd’hui, nous tous qui sommes ici, nous prions pour vous. Ce soir et demain j’espère que dans les églises de Paris l’on priera pour vous. Je vous demande de recevoir notre invitation et notre appel comme une grâce que Dieu vous fait aujourd’hui : il vous appelle par votre nom, chacune et chacun d’entre vous, pour que vous deveniez les enfants de son Église. En ma personne il vous accueille dans cette Église pour vous donner votre place. Avec vous, nous devons travailler sans cesse et sans relâche pour que l’amour soit mieux connu, mieux aimé, mieux servi, pour que le témoignage de l’Evangile soit mieux connu, mieux aimé et mieux accepté dans ce monde. Tout à l’heure, après que vous aurez inscrit vos noms dans le livre des catéchumènes, je donnerai ce livre aux religieuses qui représentent les communautés contemplatives de Paris. Elles les emporteront dans leur communauté et, chaque jour jusqu’à Pâques, elles prieront pour vous, elles vous porteront dans la prière, elles seront des sœurs qui vous accompagnent dans l’ultime étape de ce chemin.
Bienvenue à chacune et à chacun d’entre vous. Que la joie du Christ apaise vos cœurs. Amen.

+André, cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris

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