Homélie du cardinal André Vingt-Trois – 5e dimanche de Carême année A - La résurrection de Lazare

Dimanche 9 mars 2008 - Notre-Dame de Paris

Homélie du Cardinal André Vingt-Trois

Evangile selon saint Jean au chapitre 11, versets 1-45

Frères et sœurs,

avec la résurrection de Lazare, la catéchèse qui conduit au baptême trouve son épanouissement et son achèvement. Dans son dialogue avec la Samaritaine, Jésus annonce l’eau vive qui jaillira en source de vie éternelle du cœur des croyants comme elle jaillira du cœur transpercé du Christ sur la croix. Dans la guérison de l’aveugle né, Jésus se désigne lui-même comme la lumière du monde, celui qui apporte l’espérance dans la nuit de l’humanité, celui qui éclaire le chemin des hommes. Par la résurrection de Lazare, il se manifeste comme le maître de la vie et de la mort : « Je suis la résurrection et la vie, celui qui croit en moi ne mourra pas ». C’est la figure de ce Sauveur, source d’eau vive, lumière du monde, vie et résurrection qui est proposée à celles et à ceux qui s’acheminent vers le baptême qu’ils recevront au cours de la vigile pascale. C’est la figure de ce Sauveur, source d’eau vive, lumière du monde, vie et résurrection qui nous est proposée à nous pour revenir aux sources de la vie que nous avons reçue dans le baptême.

Dieu, notre Dieu, n’est pas le Dieu des morts, il est le Dieu des vivants. Dieu, notre Dieu, ne veut pas la mort de l’homme, pas plus qu’il n’a voulu l’extermination de son peuple. Comme il a fait échapper son peuple à l’extermination de l’Egypte en lui faisant traverser la Mer Rouge, comme il a fait échapper son peuple à la mort de soif dans le désert et à la faim en lui donnant l’eau du rocher et la manne, comme il l’a fait échapper à la mort par les serpents en dressant le serpent d’airain, Dieu ouvre les tombeaux. Il arrache l’homme au pouvoir de la mort pour l’aspirer dans le règne de la vie. Il ne veut pas que l’homme soit anéanti, ni par la violence, ni par le mépris, ni par le mal, ni par le péché. Il ne veut pas que la liberté humaine soit dominée par l’esprit du mal. Il ne veut pas que nous revenions à l’esclavage après avoir connu la liberté. Ce qu’il veut pour nous, c’est nous faire sortir du tombeau, non pas pour quelques mois ou quelques années, comme ce fut le cas pour Lazare, mais pour toujours.

Comme il appelle Lazare à sortir du tombeau, comme il le fait apparaître encore empêtré des bandelettes qui entourent son corps, il appelle l’humanité à sortir de l’ombre de la mort pour resplendir de la lumière de la vie. Comme Lazare, nous n’avons pas encore récupéré toutes nos capacités ; comme Lazare, nous sommes encore empêtrés dans les liens anciens qui sont liés à notre mort ; comme Lazare, nos membres sont encore attachés par des bandelettes et notre visage recouvert, mais comme pour Lazare, Jésus dit : « Déliez-le, libérez-le de ses liens, rendez-lui la vie ». Le Christ veut que nous soyons déliés de tout ce qui nous rattache encore à la mort. C’est pourquoi il a donné à son Église le pouvoir et la mission de délier l’homme du péché. Comme Jésus le demande à Marthe, il nous demande aujourd’hui : « Crois-tu ? » Crois-tu que je peux te faire vivre ? Crois-tu que la puissance de mon amour est plus forte que les liens de la mort ? Crois-tu que la délivrance jaillie du cœur du Christ est plus vaste que les regrets, la culpabilité ou la faute ? Crois-tu que Dieu est plus grand que ton cœur ? Crois-tu qu’il peut te relever ? Crois-tu qu’il peut t’appeler et te dire : « Sors » ? Crois-tu que tu peux sortir ?

Cette question de la foi est évidemment la question centrale du baptême. Nous y serons invités au cours de la Vigile pascale : nous devrons renouveler la profession de foi de notre baptême au Dieu Trinité, Père éternel, source de toute vie, Fils unique égal au Père envoyé en ce monde pour le salut des hommes, Esprit de sainteté, Esprit d’amour qui construit le corps ecclésial à travers les siècles. C’est le renouvellement de cette profession de foi que nous sommes invités à préparer par notre contemplation du Christ, la Résurrection et la vie. C’est le renouvellement de notre profession de foi en la capacité du Christ à nous délier de tout ce qui nous retient au tombeau. C’est le renouvellement de notre profession de foi dans la puissance du Christ qui nous libère. Telle est la question de confiance qui nous est posée par Dieu et par les hommes sur notre avenir : qu’allons-nous devenir ? Allons-nous devenir des morts ? Ou la foi nous introduit-elle pour toujours dans la vie ? « Celui qui croit en moi ne connaîtra pas la mort, même s’il meurt ».

Frères et sœurs, en ces derniers jours de préparation à la célébration de la fête de la Résurrection, prions le Seigneur : qu’il ravive en nous la conviction que Dieu, notre Dieu, ne veut pas la mort du pécheur mais sa conversion et sa vie. Que cette certitude ouvre nos cœurs pour accueillir la miséricorde et le pardon de Dieu, afin que nous soyons capables de demander à Dieu de nous pardonner en recevant le sacrement de la réconciliation : « Va en paix et ne pèche plus ».

+André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris

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