Homélie du cardinal André Vingt-Trois – 7e dimanche de Pâques - Année A

Saint-Georges dimanche 4 mai 2008

Rencontre avec la communauté Haïtienne – avec confirmations.

Evangile selon Saint-Jean 17, 1-11

Homélie du cardinal André Vingt-Trois

La liturgie nous fait entendre en ces dimanches d’après Pâques les discours que Jésus a prononcés, selon le récit de saint Jean, avant d’être arrêté et traduit en jugement. Vous imaginez bien, non seulement que ces dernières paroles prononcées par le Christ ont pris une importance particulière pour ceux qui les ont entendues, mais aussi que ces dernières paroles prononcées par le Christ tiennent une place particulièrement importante pour ceux qui viennent après eux, comme nous : tous les disciples les recueillent comme ce qui peut être considéré comme l’essentiel du message du Christ.

Nous venons de l’entendre, au moment de quitter ses apôtres, les dernières paroles du Christ ne s’adressent pas à eux, elles s’adressent à son Père. Ses dernières paroles sont une prière que vous pourrez aller relire dans votre évangile au chapitre 17 de l’évangile selon saint Jean. Avant de quitter les siens, Jésus prie longuement pour eux. Il est évidemment intéressant pour nous d’écouter et de comprendre ce qu’il demande pour eux.

D’abord, il demande que Dieu les remplisse de sa vie. Car il est venu dans le monde pour que les hommes aient la vie en plénitude. C’est cette plénitude de vie que Jésus demande pour ses disciples en nous donnant ce commentaire : « La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ ». Ainsi il nous donne une clef pour nous aider à découvrir par quel chemin il veut nous entraîner.
Qu’est-ce qui va nous permettre de connaître la plénitude de la vie ? Qu’est-ce qui va nous permettre d’atteindre le plein épanouissement de ce que nous pouvons être et de ce que nous pouvons faire ?
Qu’est-ce qui va nous permettre de devenir vraiment des hommes et des femmes selon le cœur de Dieu ?
Qu’est-ce qui va nous permettre d’accomplir notre mission et notre vocation en ce monde ?
C’est de connaître Dieu et celui qu’il a envoyé : Jésus-Christ. Si bien que le premier commandement que Dieu donne à son peuple au Mont Sinaï : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toute ta force, de toute ton âme et de tout ton esprit », est, nous le comprenons, vraiment la clef de toute la réussite de l’existence humaine.

Être chrétien, ce n’est pas quelque chose en plus, à côté, qui ne changerait pas grand chose à notre manière de vivre.
Etre chrétien, c’est vraiment devenir l’homme ou la femme que Dieu veut que nous soyons. « La vie éternelle, c’est qu’il te connaisse, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ ». Cela veut dire aussi que la plus grande richesse que nous possédons et que nous pouvons essayer de transmettre à ceux qui nous suivent, aux plus jeunes d’entre nous, c’est cette connaissance de Dieu et de celui qu’il a envoyé, Jésus-Christ. Notre premier devoir de chrétiens, c’est d’agir et de vivre dans la connaissance de Dieu et de transmettre cette connaissance de Dieu, de devenir témoins de cette volonté de Dieu de faire vivre tous les hommes.

La deuxième chose que dit le Seigneur Jésus, c’est qu’il prie pour eux, non pas pour qu’ils soient retirés du monde, mais pour qu’ils soient préservés du mal. Jésus prie pour ses disciples. Il ne demande pas qu’ils soient arrachés à leur existence humaine, mais, au contraire, il demande qu’ils soient pleinement libres de mener cette existence en sachant que Dieu les protège et les accompagne tout au long de leur vie. Croire en Dieu, ce n’est pas croire en quelqu’un qui n’a rien à faire avec nous.
C’est croire en quelqu’un qui vit avec nous, qui est venu vivre avec nous dans la personne de Jésus et qui continue de vivre avec nous par l’Esprit-Saint qu’il nous envoie. De la même manière que Jésus a pris le chemin des hommes pour mener l’existence humaine et apporter la Bonne nouvelle à tous les hommes de ce monde, il continue d’accompagner le chemin des hommes. Dire que Dieu est un Dieu d’amour, dire que Dieu a fait alliance avec l’humanité, cela veut dire d’abord qu’il ne se désintéresse pas de ce qui nous arrive et qu’au contraire, il demeure proche de nous. Il veut nous faire sentir cette proximité en nous protégeant de ce qui peut nous détruire. Évidemment, ce n’est pas une protection automatique qui fonctionnerait comme si nous étions des petits animaux enfermés dans des boîtes sous la protection d’un soigneur ; c’est une protection qui respecte notre liberté humaine. Il ne nous protège pas malgré nous ou contre nous ou sans nous, il nous protège en nous éclairant et en nous donnant sa force pour que nous soyons capables de mener vraiment une existence humaine digne de ce nom.

Ainsi, celles et ceux qui sont baptisés dans le Christ entrent dans le chemin où Jésus est venu partager notre vie pour que nous puissions partager la sienne. Comme les apôtres au jour de la Pentecôte, recevant la plénitude de l’Esprit-Saint, vont être envoyés à travers le monde pour devenir témoins de cette Bonne nouvelle de l’amour de Dieu cheminant avec les hommes, les chrétiens et les chrétiennes qui reçoivent le don de l’Esprit, sont constitués témoins de cette Bonne nouvelle.

Celles et ceux d’entre vous que je vais confirmer à l’instant, ont cheminé pendant de longues années depuis leur baptême. Ils ont découvert la vie du Christ dans son Église et dans le monde. Ils ont communié au Corps du Christ en recevant l’eucharistie. Au terme de ce chemin d’initiation ils ont souhaité recevoir la plénitude des dons de l’Esprit-Saint.
Que peut-on attendre de cette plénitude des dons de l’Esprit ? La lumière et la force.

La lumière pour nous aider à discerner notre chemin à travers les événements de notre vie, à travers les événements du monde. Chaque jour que nous vivons nous met dans des situations nouvelles, imprévues, où nous sommes invités à découvrir ce que Dieu attend de nous, ce qu’il souhaite que nous fassions. Comment pouvons-nous être mieux fidèles à sa volonté, à son amour ? Comment devons-nous décider les choses de notre vie pour être vraiment chrétiens ?
L’Esprit Saint nous apporte sa lumière pour nous aider à voir clair, à comprendre et à découvrir le chemin. Mais il ne suffit pas de voir clair et de savoir ce qui est bien, il faut encore avoir la force de le faire. Dans l’une de ses épîtres, l’épître aux Romains, saint Paul nous dit qu’il y a deux hommes en lui : il ne fait pas le bien qu’il voudrait et il fait le mal qu’il ne voudrait pas. Eh bien, notre intelligence nous permet de savoir ce qui est bon, ce qui est bon pour nous, et ce qui est bon pour les autres, ce qui est bon pour l’humanité toute entière. Nous le savons de façon plus ou moins savante selon nos capacités, mais nous en savons assez pour vivre. Nous savons ce qu’il faut faire pour être un honnête homme et une honnête femme. Nous savons ce qu’il faut faire pour être vraiment chrétien. La question, la difficulté de notre vie, ce n’est donc pas de savoir, c’est une fois qu’on le sait, de faire. Il ne suffit pas d’admirer le beau chemin que Jésus a tracé devant nous, reste à avoir la force de poser nos pas sur ce chemin et d’avancer avec lui.

Cette force, l’Esprit de Dieu nous la donne. Il est un Esprit de force, un Esprit de dynamisme, un Esprit de persévérance. Il est un Esprit de confiance, un Esprit de sérénité et de paix. Cet Esprit-Saint, vous allez le recevoir par l’imposition de mes mains et par l’onction du saint chrême. Il va vous aider à atteindre la plénitude de votre personnalité chrétienne.

Quand vous aurez reçu l’Esprit Saint par la confirmation, vous serez pleinement membres de l’Église ; vous aurez les moyens que Dieu vous donne pour vivre cette vie de membres de l’Église. C’est pourquoi celles et ceux qui vous entourent aujourd’hui et qui ont déjà fait l’expérience de cette présence vivante de l’Esprit Saint dans nos vies, qui ont découvert cette lumière et cette force, vont prier avec vous pour que vous le receviez. C’est pourquoi aussi celles et ceux qui n’ont pas encore reçu ce don de l’Esprit-Saint doivent bien regarder et bien écouter pour se dire : « Moi aussi, je peux devenir pleinement chrétien en étant confirmé ». Ensuite, ils iront voir le prêtre et ils lui diront : « J’ai compris, moi aussi je veux être confirmé ».

Alors, durant quelques instants de silence, nous allons prier pour celles et ceux qui vont recevoir la confirmation, pour l’Église dans laquelle ils vont apporter la nouveauté de leur don de l’Esprit et pour le bonheur de tous. Amen.

+André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris

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