Homélie du cardinal André Vingt-Trois – Consécration Episcopale de Mgr Alain Castet

Cathédrale de Luçon, dimanche 29 juin 2008

Homélie du Cardinal André Vingt-Trois

Frères et Sœurs,

L’ouverture de l’année Saint Paul est une circonstance exceptionnelle tout à fait favorable pour entrer dans le Collège Apostolique comme le fait aujourd’hui votre nouvel évêque, Mgr Alain Castet. En effet, les lectures de cette fête, en nous rappelant les tribulations des premiers Apôtres au début de la mission de l’Église, éclairent d’un jour singulier la mission confiée à leurs successeurs. Il ne s’agit ici ni d’une promotion à l’ancienneté ou au mérite, ni d’une récompense pour services rendus, ni d’un pouvoir administratif ou politique sur une population. Il s’agit d’un appel et d’une consécration de la personne à suivre le Christ, à le suivre dans sa mission évangélisatrice, à le suivre jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’au don intégral de sa vie par amour pour Dieu et pour le peuple qu’Il confie à notre vigilance pastorale. Pour Pierre, comme pour Paul, la suite du Christ aboutira au martyre. Mais l’histoire, y compris l’histoire récente, nous enseigne que le martyre n’est pas une spécialité qui relèverait des mythes fondateurs de notre Église. Il est l’actualité de notre mission. Tout au long du XX° siècle, des disciples du Christ ont payé de leur vie leur fidélité à la mission reçue. Il serait malheureusement fastidieux d’évoquer la longue liste des pays concernés sur les cinq continents. Pour nous en tenir à notre Europe, comment ignorer les victimes du nazisme et du bolchévisme parmi lesquelles les chrétiens de toutes confessions ont tenu une place de choix ?

Si j’évoque ces événements dramatiques, ce n’est pas pour assombrir la joie de notre célébration, ni non plus pour réveiller les souvenirs anciens particuliers à la Vendée. Dans l’Écriture, le récit des épreuves subies par Pierre et par Paul est une occasion de fortifier la foi des chrétiens en leur rappelant que leur mission en ce monde n’est pas une œuvre humaine parmi d’autres, mais vraiment une œuvre de Dieu dont Dieu Lui-même assure le déroulement et l’aboutissement par sa puissance. C’est l’ange de Dieu qui a délivré Pierre de ses chaînes et qui lui a ouvert la porte de fer vers la liberté. Paul nous dit sur sa propre histoire : « Le Seigneur m’a assisté. Il m’a rempli de force pour que je puisse jusqu’au bout annoncer l’Évangile et le faire entendre à toutes les nations païennes. »

La profession de foi de Pierre : « Tu es le Messie (le Christ), le Fils du Dieu vivant ! » est reconnue par Jésus comme un don de la grâce du Père : « Ce n’est pas la chair ni le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est au cieux. ». De même, le témoignage que nous sommes appelés à rendre au Christ dans tous les domaines et la mission de l’annoncer à l’univers entier ne sont pas des matières à option qui dépendraient de nos choix particuliers ou de nos penchants personnels. Ils sont un don de la grâce de Dieu à son Église et une mission qu’Il lui confie.

Mon cher Alain, en vous imposant les mains avec mes frères évêques ici présents, en vous consacrant avec le Saint-Chrême, je vais vous conférer au nom de Dieu la mission de conduire cette Église particulière dans l’accomplissement de sa mission. Vous le savez bien, cette mission n’est pas une œuvre personnelle que vous auriez à réaliser selon vos qualités et vos limites, ni même selon vos idées et vos convictions. Il s’agit d’être un fidèle intendant de la grâce du Seigneur à l’œuvre en son Église du XXI° siècle. Il s’agit de faire progresser la communion entre les membres du diocèse de Luçon et de les entraîner tous dans la communion de l Église universelle. Il s’agit de lutter jour après jour contre les forces néfastes de fermeture et d’enfermement pour que l’Évangile soit annoncé à nouveau en cette terre vendéenne comme à travers le vaste monde. Il ne m’appartient pas de définir les priorités apostoliques de ce diocèse. Elles ont été largement établies par le synode diocésain des années passées. Je voudrais seulement relever quelques-unes des conditions nécessaires à leur mise en œuvre et qui doivent qualifier et orienter, non pas vos objectifs, mais la manière de les atteindre.

Comme évêque, vous devenez le père commun d’un diocèse qui a son histoire et ses traditions. Vous ne réécrirez pas l’histoire et si vous souhaitez faire évoluer les traditions, comme c’est normal, vous le ferez en bon père de famille, c’est-à-dire sans brutalité, avec le souci de faire progresser et de faire grandir ceux qui vous sont confiés. Vous êtes le père du presbyterium : vos prêtres sont vos collaborateurs les plus précieux. Vous devez devenir leur ami plus que leur patron. Ils sont encore nombreux en Vendée. Prenez le temps de les connaître, de les estimer et enfin de les aimer. Parmi eux, il y a sans doute des vedettes, vous les connaîtrez vite. Mais il y a surtout des prêtres modestes et discrets, les piliers de la vie pastorale. Ceux-là, il faudra aller les chercher pour les connaître et les aimer. Et il en est bien sûr qui sont faibles, blessés ou défaillants. Plus que les autres, ils auront besoin de vous. Ne rêvez jamais d’un presbyterium idéal qui n’existe nulle part. Réjouissez-vous de ce presbyterium et rendez grâce à Dieu qui vous le confie.

Avec ces prêtres, vous avez la charge pastorale de tout le peuple de Dieu, les diacres permanents, les religieux, les religieuses les femmes consacrées et toute l’assemblée nombreuse des fidèles du Christ. Vous êtes liés indissolublement à ce peuple comme à une épouse très chère dont rien ne peut vous dissocier, que rien ne peut vous autoriser à rejeter. Vous allez parcourir les nombreuses communautés de ce diocèse et présider la prière de ce peuple. Dimanche après dimanche, vous parcourrez vos paroisses. Ils ont tous besoin de voir leur évêque, de le toucher, de lui parler, de le reconnaître. Soyez heureux de les rencontrer et de découvrir leur fidélité à la foi de leurs pères.

Comme tous les baptisés, les catholiques de Vendée ont besoin d’être exhortés et encouragés à vivre leur mission de chrétiens dans le monde. Je disais tout à l’heure que nous étions appelés à rendre témoignage à l’Évangile dans tous les domaines. Cet appel auquel nous répondons par la force de l’Esprit-Saint, force que vous donnerez largement par le sacrement de la Confirmation, nous pousse à sortir du confort de nos communautés pour aller à la rencontre de celles et de ceux que Dieu met sur notre route. Nous les rencontrons chaque jour dans nos insertions sociales : au travail, dans les loisirs, dans les activités associatives, sociales et politiques, dans nos vies familiales, dans les associations de parents, dans notre environnement proche, etc. C’est là que nous avons à rendre témoignage au Christ par la qualité évangélique de notre manière de vivre comme par notre disponibilité à nous déclarer disciples du Christ, membres de son Église. L’Évangile ne s’annonce pas dans les sacristies, il s’annonce sur les lieux de vie de l’humanité. Vous défendrez vos communautés de la tentation de mobiliser les forces disponibles pour faire fonctionner nos services particuliers. Vous appellerez les chrétiens les plus dynamiques pour la mission en plein vent.

Enfin, vous aurez à défendre et à développer la tradition missionnaire de ce diocèse. Dans les siècles écoulés, la Vendée a été la source généreuse d’un nombre considérable de laïcs, religieux, religieuses et prêtres qui sont partis au service de la mission universelle. En voyant cette assemblée riche et vivante qui représente le diocèse, je n’ai aucune raison de croire que cette générosité serait tarie ou que la Vendée se serait repliée sur son pré carré. Vous aurez à appeler sans relâche des jeunes pour la mission, pour la mission ici et ailleurs dans le monde. Pour vous aider à commencer, permettez-moi aujourd’hui, comme Président de la Conférence des évêques de France, d’adresser un appel particulier aux jeunes de notre assemblée.

Chers amis, pour beaucoup d’entre vous, l’avenir semble problématique et incertain. Il suscite des conduites de protection et de sécurité. C’est très compréhensible. Alors, je vais vous donner un conseil amical. Si vous cherchez la meilleure manière d’engager votre vie pour le bien de l’humanité, ne fermez pas votre porte et votre cœur aux appels du Seigneur. La sécurité n’est pas un bien que l’on reçoit des autres, c’est une réalité que l’on construit en se donnant soi-même, sans réserve. La sécurité de l’amour est dans le don définitif qu’un homme et une femme se font l’un à l’autre sans esprit de retour. La sécurité de toute notre vie dépend de notre disponibilité à nous donner sans arrière-pensée. Celles et ceux qui sont appelés à tout quitter pour le service de l’Évangile et le service de leurs frères ne risquent ni le chômage ni l’ennui, je vous le garantis. Ceux que Dieu appelle à devenir les prêtres de son Église sont appelés à une vie bien remplie et à la joie du service de tous en devenant compagnons du Christ. Pensez-y !

Pour finir, je voudrais vous partager quelques instants la joie qui m’habite aujourd’hui. Joie de cette magnifique célébration et du partage de la vitalité de votre Église de Vendée, joie de consacrer votre nouvel évêque dont j’ai dû être le professeur, il y a maintenant bien longtemps, mais, par-dessus tout, joie de recevoir aujourd’hui avec vous l’annonce de la Bonne Nouvelle et de contribuer à cette annonce. La foi chrétienne n’est pas un chemin de tristesse, elle est un chemin de joie. Nous sommes dépositaires de l’espérance de l’humanité et nous trouvons notre bonheur à partager cette espérance. Les difficultés quotidiennes de notre vie, nous les partageons avec tous nos contemporains. Nous devons aussi partager avec eux la force qui nous permet des les assumer sans défaillir.

« Le Seigneur m’a assisté. Il m’a rempli de force pour que je puisse jusqu’au bout annoncer l’Évangile. » ; « Heureux es-tu…ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux. »

Soyons heureux de ce que nous recevons et que notre bonheur illumine chacune de nos existences. Que notre lumière brille aux yeux des hommes. Amen !

+ André cardinal Vingt-Trois, Archevêque de Paris

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