Homélie du cardinal André Vingt-Trois – Messe d’installation du Père Jean Courtès Lapeyrat

Dimanche 28 septembre 2008 à St Eloi (Paris XII)

 Ez 18, 25-28
 Ph 2, 1-11
 Mt 21, 28-32

Frères et sœurs, chers amis,

De quels signes avons-nous besoin pour croire que la Parole de Dieu est active et efficace, et qu’elle produit ce qu’elle annonce ? Des signes, nous en avons sans cesse. Et je voudrais simplement rappeler quelques-uns de ceux qui nous sont les plus proches ou les plus quotidiens. J’évoquais tout à l’heure la visite du Pape Benoît XVI. Bien évidemment, nous avons été heureux de le voir et de l’entendre. Mais nous avons surtout pu constater à l’occasion de sa visite, combien notre Église est vivante et capable de se rassembler et de se resserrer dans l’unité de la foi. Oui, la Parole de Dieu est à l’œuvre en nous et autour de nous. Elle nous aide à surmonter nos faiblesses, nos lenteurs et nos refus. Elle nous conduit dans la communion avec le Christ. Hier j’ai présidé la messe de rentrée de 14 jeunes hommes à la Maison Saint-Augustin. Ils ont fait le premier pas dans la formation pour devenir prêtres. Ces hommes entre 18 et 35 ans sont un signe de la générosité, de la vigueur et de la force de la foi, qui nous rend capable de mobiliser et d’appeler des gens généreux pour le service de l’Église. Samedi prochain, à Notre-Dame de Paris, j’ordonnerai 9 diacres permanents pour le diocèse de Paris. Ces hommes qui viennent de tous les quartiers de la capitale, ont eux aussi entendu l’appel de Dieu. Et ils y ont répondu avec leur épouse et leur famille. Mais les signes de la force et de la vitalité de la Parole de Dieu ne sont pas seulement spectaculaires comme ceux que je viens d’évoquer. Ce sont aussi des signes très proches de chacun de nous : ceux que nous donnent des hommes et des femmes qui essayent de vivre quotidiennement selon l’Evangile et qui acceptent que leur vie soit ainsi transformée. Il y en a parmi nous, il y en a autour de nous. Les jeunes et les enfants qui vont venir pour suivre cette année le catéchisme ou participer aux activités de l’aumônerie soutenus par leur famille, sont donc capables de décider qu’il y a un enjeu qui mérite qu’ils renoncent à autre chose. Pour eux, connaître le Christ, le découvrir avec des garçons et des filles de leur âge, sera plus important que d’être un champion de judo ou un expert, ou une experte, de la danse rythmique. Cela demande une vraie décision : « Qui voulez-vous servir ? Qui voulez-vous aimer ? » Car on ne peut pas à la fois disposer librement de tout son temps et donner du temps pour reconnaître le Seigneur. Je pense encore à ces hommes et à ces femmes qui ont traversé des périodes difficiles dans leur vie conjugale, qui se sont renforcés et appuyés sur leur foi pour tenir et pour surmonter les crises. Je pense à ceux qui sont atteints dans leur santé, dans leur chair ou dans leur esprit et qui assument avec courage la souffrance et la difficulté de la maladie. Je pense à toutes ces personnes qui discrètement veillent et assurent, chacun à sa mesure, une présence auprès des plus démunis de nos villes. Quand ces gens sont animés par la foi, tous ils montrent la force et la vitalité de la Parole de Dieu.

Quand nous voyons, quand nous entendons, quand nous regardons ces signes de la force de la foi, nous y recevons un appel à nous convertir. C’est l’appel que le Christ nous adresse dans l’Evangile. Est-ce que nous voulons vivre comme des gens pleins d’assurance parce qu’ils ont dit oui un jour, il y a bien longtemps ? Comme des gens qui ne s’inquiètent pas si depuis ce jour où ils ont dit oui, en fait ils vivent non ? Comme des personnes qui ont dit oui mais ne mettent pas en pratique la Parole de Dieu ? Ou bien sommes-nous de ces gens que Jésus nous présente dans l’Evangile, dont la vie a été tumultueuse, parfois coupable ou malsaine, mais qui ont été éblouis par la promesse du Pardon de Dieu ? De ceux qui après avoir dit non finissent pas rejoindre la vigne du Père ? « Il y a plus de joie dans le ciel pour un pécheur qui se convertit que pour quatre vingt dix neuf justes qui n’ont pas besoin de pénitence » (Lc 15,7). C’est à chacun de nous que cet appel est adressé, pour que nous apprenions à discerner ce que nous devons changer dans notre vie, à la lumière de l’efficacité de la Parole et de la puissance de la foi. Car nous devons, nous devrons changer quelque chose ! Nous le savons bien pour nous-mêmes : nous avons toujours quelque chose à changer dans notre vie. Mais c’est également vrai pour notre Église et pour les communautés que nous constituons. Et c’est aussi un appel pour notre société : nous savons que notre modèle de vie ne pourra pas perdurer indéfiniment, qu’il faudra revoir les priorités, qu’il faudra apprendre à vivre de manière plus modeste, plus pauvre peut-être, et découvrir que la solidarité ne se vit pas simplement avec nos amis, mais aussi avec les hommes et les femmes à travers le monde qui ont besoin de notre aide pour travailler et pour manger. On ne peut pas continuer à vivre comme si nous étions dans une bulle protégée - protégée par qui ? Si nous reconnaissons que nous sommes dans un univers qui a toujours été un univers de défi pour l’homme, nous devons cependant relever ce défi non pas en veillant à protéger ce que nous avons, mais en mettant tout ce que nous avons dans la balance pour essayer de faire avance quelque chose pour nos frères et pour nous-même.

Semaine après semaine, quand nous entendons la Parole du Christ dans nos célébrations eucharistiques, nous sommes invités à avoir ce courage d’affronter la réalité et de nous appuyer sur la puissance de la foi et de la Parole de Dieu. C’est vers cela que nous portent nos communautés chrétiennes, lorsque la Parole que nous entendons nous ravive, nous réveille et nous relance notre motivation. C’est à cela que je dois vous appeler au nom du Christ en raison de la Mission qui m’a été confiée. C’est à cela que les prêtres doivent veiller dans le ministère qui est le leur, et qu’ils vont exercer parmi vous.

L’arrivée d’un nouveau curé est encore un signe. C’est un signe de la vitalité de notre Église. Evidemment quand vous le recevez vous n’oubliez pas, nous n’oublions pas, son prédécesseur, Jean-Pierre. Nous prions pour lui et nous lui exprimons notre amitié fidèle. Mais le changement de personne est une occasion de renouveler notre propre implication, de changer quelque chose, d’être plus impliqué et en tout cas plus disponible pour exercer la mission de l’Église. Que le Seigneur donne à cette paroisse d’éprouver la fécondité de la Parole de Dieu, la puissance de la foi et l’appel du Christ à une vie nouvelle. Amen.

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