Avez-vous déjà entendu parler de Nouadhibou ?

Nouadhibou est une ville portuaire située sur une presqu’île dans le Nord de la Mauritanie.

Est-ce que vous avez déjà entendu parler de Nouadhibou ? Nouadhibou est une ville portuaire située sur une presqu’île dans le Nord de la Mauritanie. Vu sa proximité relative des iles Canaries, elle attire depuis des décennies des candidats à l’émigration vers l’Europe. Cela saute aux yeux quand on regarde l’assemblée des fidèles lors des messes dominicales. On est tout de suite frappé par le pourcentage élevé de jeunes gens, tous venus à Nouadhibou pour y tenter leur chance de partir vers l’Europe via les îles Canaries.

Une tradition que j’ai trouvée en arrivant en Mauritanie en 1995 veut, que l’évêque célèbre la fête de l’Ascension à Nouadhibou. Pendant la messe solennelle on célèbre en général des premières communions et des confirmations. Après, c’est l’occasion pour toute la petite communauté de passer la journée ensemble et de partager un bon repas. C’est ainsi que cette année j’ai passé, entre la messe et le déjeuner, d’un groupe à l’autre pour saluer les connaissances et aussi les nouveaux visages.

Bernard K., un jeune Malien qui a tenté de rejoindre les "Canaries" en pirogue

C’est ainsi qu’un jeune Malien m’a abordé pour me dire à peu près ceci : Je m’appelle Bernard K. Je suis Malien et l’aîné de la famille. J’ai un jeune frère qui est diacre et qui sera ordonné prêtre encore cette année. Moi-même, je viens de terminer avec succès une formation en comptabilité et gestion. Maintenant, je cherche du travail pour pouvoir aider mes parents. Par Internet, j’ai pu trouver un travail au Canada. Le problème est maintenant le voyage pour m’y rendre…

Quelques semaines plus tard, j’ai retrouvé mon Bernard à la sortie de la messe à Nouakchott. Il était certes content que je le reconnaisse tout de suite, mais il avait un air penseur et pas très heureux. Alors j’ai demandé comment les choses s’étaient passées pour lui depuis notre rencontre à Nouadhibou. Et voilà, en résumé, ce qu’il m’a dit :

Peu après que l’on se soit vu à Nouadhibou, j’ai eu l’occasion de me joindre à un groupe d’une vingtaine de jeunes gens qui avait tout préparé pour joindre les îles Canaries en pirogue. Comme ils avaient fait le nécessaire, nous n’avons pas eu trop de mal à passer entre les mailles de la police et des douanes et on était très vite en haute mer. Le temps aussi était favorable : pas trop de vent, pas de vagues très fortes ! Mais le troisième jour le premier moteur nous a lâché, puis ce fut le tour du deuxième ! Au bout d’un certain temps passé à la dérive, nous n’avions plus ni eau ni nourriture. Plusieurs de mes camarades d’infortune sont morts de soif et nous avons dû confier leurs corps à la mer. C’était horrible ! Finalement un bateau de pêche nous a repérés et accueilli les survivants à son bord. Le capitaine nous a ramenés à Nouadhibou.

Bernard l’a échappé belle !

Bernard, qui est un garçon intelligent, a entre-temps monté une petite entreprise de ferrailleur. Ces affaires marchent si bien qu’il a pu faire venir un de ses frères du Mali et à eux deux, ils sont en mesure d’aider leur parents. Il va sans dire qu’il aurait préféré travailler dans sa spécialité, mais il ne se plaint pas.

Bernard l’a échappé belle ! Mais est-ce que nous nous rendons compte qu’à peu près la moitié de ceux qui quittent Nouadhibou dans des embarcations de fortune pour rejoindre les iles Canaries n’y arrivent jamais. Bien plus, ils sont conscients du risque qu’ils prennent, mais ils ne voient pour eux pas d’autre alternative.

Il est certainement vrai de dire que l’Europe ne peut pas accueillir tous les gens qui se mettent en route pour y chercher leur fortune. Il est vrai aussi que, contrairement à ce qu’ils peuvent penser, la vraie solution à leur problème ne se trouve, pour beaucoup de candidats à l’émigration, ni en Europe, ni en Amérique.

Se rappeler ce qu’ont fait beaucoup
d’Européens au 19è siècle

Mais il est vrai aussi qu’en fin du 19ème et en début du 20ème siècle beaucoup d’Européens se sont mis en route pour chercher fortune ailleurs, surtout aux Etats Unis et au Canada. Il est surtout vrai que la plupart des Africains qui quittent leur chez eux, poussés par la guerre, une situation politique instable ou d’autres raisons, ou bien ne quittent pas leurs pays ou bien cherchent refuge dans un autre pays africain. Il est vrai aussi qu’il y a beaucoup plus de migrants qui arrivent de manière tout à fait illégale en Europe par la voie terrestre ou par les aéroports que par la mer !

« La grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. C’est elle qui nous apprend à rejeter le péché et les passions d’ici-bas, pour vivre dans le monde présent en hommes raisonnables, justes et religieux… » (Tite, 2, 11+12)

Les évêques italiens ont fâché leur gouvernement il y a quelques mois en disant que beaucoup de catholiques s’étaient rendus coupables en regardant ailleurs, en préférant ne rien voir et surtout ne rien savoir pendant l’Holocauste. Ils se demandent et ils nous demandent s’il n’y a pas quelque chose de similaire qui se produit sous nos yeux, quand il y a des milliers d’Africains qui perdent leur vie en essayant de traverser la Méditerranée ou l’Océan Atlantique pour rejoindre l’Europe. Avec les évêques italiens j’affirme que cela nous regarde !

La petite Eglise de Mauritanie essaye comme elle peut ...

La petite Eglise de Mauritanie, composée exclusivement de non Mauritaniens, essaye comme elle peut, d’être près de ceux qui viennent frapper à nos portes pour demander aide et assistance. Des fois cette aide et notre accompagnement amènent l’un ou l’autre candidat à l’émigration à renoncer à son projet. A certains nous avons pu donner une formation professionnelle qui leur permet de rentrer chez eux avec un plus… D’autres continuent à vouloir partir, alors là aussi, nous leur restons proches.

L’apôtre Paul, dans le passage de sa lettre à Tite que nous lisons à Noël et que j’ai mis en tête de cette lettre de Noël, nous rappelle que Noël, ce n’est pas d’abord quelque chose qui s’est passé il y a deux mille ans, mais un évènement qui veut continuer à changer le cours des choses et qui surtout veut changer notre comportement envers notre prochain !

Oui, puissions-nous vivre chaque jour de l’an 2010 dans le monde présent en hommes raisonnables, justes et religieux !

Joyeux Noël et Bonne Année 2010
Père Martin Happe, Evêque
Merci au Père Jacques Delattre qui
nous a communiqué ces nouvelles !

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