Homélie du Cardinal André Vingt-Trois – Deuxième Dimanche du Temps Ordinaire – Année B

Dimanche 15 janvier 2012 - Saint-Albert-le-Grand (Paris XIIIe)

On ne découvre pas Dieu tout seul. Chacun a besoin d’être guidé par l’Eglise pour répondre à l’appel de Dieu. Ainsi, le Christ vient vers nous et nous invite à demeurer avec lui.

 1 S 3, 3b-10.19 ; Ps 39, 2.4.7-11 ; 1 Co 6, 13b-15a/17-20 ; Jn 1, 35-42

Frères et Sœurs,

Aujourd’hui nous commençons le parcours des dimanches du Temps ordinaire, qui nous conduira jusqu’à la fin du mois de novembre 2012 et nous fera parcourir semaine après semaine la vie publique du Christ. Á travers l’évangile de saint Marc (principalement), nous suivrons Jésus pour entendre à nouveau son enseignement et redécouvrir les gestes qu’il a faits et les signes qu’il a donnés. Avant d’entrer dans ce long récit, la liturgie de ce jour, à travers l’évangile de Saint Jean, veut nous aider à adopter une attitude première, qui nous permettre d’entrer dans la relation avec le Christ, d’accueillir ce qu’il dit et de nous attacher à sa personne.

Cette démarche pour (re)fonder notre relation au Christ est engagée quand Jean-Baptiste désigne Jésus à ses disciples en leur disant : « Voici l’Agneau de Dieu » (Jn 1, 36). Ceci nous fait comprendre une première chose : on ne découvre pas Dieu tout seul. C’est d’ailleurs ce que la première lecture du livre de Samuel nous annonçait. On peut désirer rencontrer Dieu et le chercher de toutes sortes de façons. Ce qui nous atteint et ce que nous entendons peut nous donner le sentiment d’un appel et peut rejoindre notre désir de donner un sens et une lumière à notre vie. Mais tout cela restera inopérant si nous n’apprenons pas petit à petit à interpréter ces événements et ces paroles, et à comprendre qu’à travers eux, nous ne sommes pas dans une sorte de rêve (comme pouvait le croire Samuel), mais devant une parole qui vient de Dieu.

Pour le jeune Samuel, le prêtre Élie va être celui qui l’aidera à comprendre le sens des mots qu’il a entendus. Dans son sommeil, il a été appelé par son nom et croit que c’est Élie qui a besoin de lui. Á trois reprises, il se lève et va vers le vieux prêtre. Celui-ci comprend alors que Samuel ne rêve pas, mais que la parole qu’il entend vient de la part de Dieu. Élie lui explique alors comment y répondre, en disant : « Parle, Seigneur, ton serviteur écoute » (1 S 3, 9).

Dans la construction de notre relation avec Dieu, nous percevons des signes et des paroles. Mais nous ne savons pas trop qu’en faire. Nous croyons qu’il s’agit simplement des échos des événements de notre vie ou des paroles que nous échangeons. Nous ne sommes pas préparés ni prêts à y reconnaître un appel de Dieu, soit que nous ne le connaissions pas encore très bien, soit que nous l’ayons connu puis oublié, soit que nous ne sachions pas le reconnaître et l’identifier. Nous voyons des choses et nous entendons des mots. Mais où est Dieu dans tout-cela ?

Il faut bien que nous soyons aidés pour reconnaître sa présence. Nous avons besoin de cette première initiation qui nous éclaire sur le sens de ces événements et de ces paroles. Quelqu’un doit nous guider (nous tenir par la main) pour nous introduire dans la relation avec Dieu et nous dire : « Tu diras : ‘Parle, Seigneur, ton serviteur écoute’ ».

Cette aide qui nous introduit à la rencontre avec Dieu, nous la recevons dans notre vie en Église, à travers la célébration de l’Eucharistie, dans le partage de la Parole de Dieu en groupe, dans nos vies d’équipes chrétiennes, ou, pour les enfants et les jeunes, dans leurs rencontres du catéchisme et de l’aumônerie.

Dans l’Évangile de saint Jean, c’est Jean-Baptiste qui remplit ce rôle. Il est venu en avant de Jésus pour préparer l’accueil du Messie d’Israël. Il a rassemblé des disciples autour de lui. Il a été témoin d’un signe de Dieu au moment du baptême de Jésus. C’est pourquoi, lorsque Jésus passe, il dit : « Voici l’Agneau de Dieu » (Jn 1, 36). Jean ouvre à ses disciples le chemin d’accomplissement de ce qu’il avait dit : « Il faut que lui grandisse et que moi je diminue » (Jn 3, 30). Il les invite à se tourner non pas vers celui qui indique la direction (le poteau indicateur), mais vers le but que celui-ci désigne. Jean oriente ses disciples vers un autre, vers celui qui est le véritable terme de leur vie. Et parmi les disciples de Jean (combien étaient-ils ?), deux d’entre eux s’approchent de Jésus.

Pour suivre Jésus dans sa vie publique et comprendre qu’il accomplit les promesses de Dieu, il nous faut aller vers lui. C’est lui alors qui prend la parole et nous demande, comme il demande aux deux disciples : « que cherchez-vous ? » (Jn 1, 38). Nous sommes comme les deux disciples de Jean-Baptiste. Conduits par l’Église et par ceux qui nous ont appris ce qu’était la vie chrétienne et avec qui nous avons découvert le chemin de la foi, nous nous sommes approchés peu à peu du Christ. Et chaque année, chaque semaine ou chaque jour, il nous interroge : « Que cherchez-vous ? »

Nous tous, rassemblés aujourd’hui dans cette église comme l’étaient les disciples du Baptiste au bord du Jourdain, nous voulons aller vers le Christ et nous entendons sa question : Que cherchez-vous ? Qu’espérez-vous pour votre vie ? Que demandez-vos au Seigneur ? Nous pouvons entrer dans la réponse des disciples à Jésus et la rencontre qui s’en suit : « Maître, où demeures-tu ? Jésus leur dit : « Venez, et vous verrez ». Ils l’accompagnèrent, ils virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui » (Jn 1, 38-39). C’est là le chemin de la vie chrétienne, toujours ouvert devant nous : Où es-tu Seigneur ? Où demeures-tu ? Où pouvons-nous te rencontrer ? Et en réponse, Jésus nous invite à nous joindre à lui, à rester avec lui, à cheminer avec lui.

Nous qui sommes invités à découvrir la présence du Christ dans notre vie, nous apprenons à faire corps avec lui. Peu à peu sa parole, ses signes et ses gestes, deviennent notre parole et nos gestes. Nous devenons des signes pour ceux et celles qui nous entourent. C’est ce mouvement que j’ai voulu encourager en appelant les paroisses de Paris à développer leur expérience de la mission. Chaque communauté chrétienne, lorsqu’elle se réunit le dimanche autour du Christ, renforce sa conscience d’être envoyée par Dieu pour témoigner de sa présence. Nous demeurons avec lui et nous restons en communion avec lui dans la célébration de l’Eucharistie, par la méditation de sa Parole et par notre prière quotidienne. Mais nous entrons aussi en communion avec lui quand nous nous tournons vers celles et ceux qui nous entourent, dans nos immeubles, notre travail, nos familles et nos relations et quand nous apprenons à découvrir la présence du Christ dans ce monde.

Frères et sœurs, à nous qui sommes venus pour célébrer cette Eucharistie, le Christ adresse un appel et une invitation : « Que cherchez-vous ? », « Venez et voyez ». Il nous propose à nouveau d’être et de demeurer avec lui, pour qu’avec lui nous annoncions la Bonne nouvelle à l’univers entier.

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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