Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Veillée de prière dans le cadre de Mission Métropole 2012 « Hosanna dans la ville ! »

Vendredi 30 mars 2012 - Cathédrale Notre-Dame de Paris

Il est difficile d’annoncer un Messie crucifié. La mission de l’Eglise ne s’appuie jamais sur la supériorité de ses moyens humains, mais sur la Parole de Dieu, inspirée par l’Esprit Saint dans le cœur de pauvres pécheurs.

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 Ga 4, 4-7 ; Ps 40 ; Jn 19, 25-27

Frères et Sœurs,

Ne croyez pas qu’il soit facile d’annoncer un Messie crucifié ! Ne croyez pas qu’il soit facile de montrer Jésus en croix comme le signe du salut ! Ne croyez pas qu’il soit facile aux hommes de reconnaître la vie dans ce signe de mort ! Saint Paul, au long de ses voyages à travers le Bassin Méditerranéen, a souvent été confronté à cette difficulté d’annoncer un Messie crucifié : « scandale pour les Juifs, folie pour les païens » (1 Co 1, 23).

Tous, tous les hommes sont à la recherche de celui qui peut leur apporter le bonheur. Tous veulent trouver celui qui pourra dominer les forces mauvaises qui abiment le monde, les puissances qui détruisent l’univers et broient les âmes et les cœurs. Mais tous, ils attendent celui qui va maitriser le monde à la manière dont ils comprennent la maitrise du monde. Ils cherchent un tout-puissant qui écrase ses ennemis.

Dans l’Évangile, à plusieurs reprises, les disciples eux-mêmes entendent Jésus annoncer qu’il va à Jérusalem pour y être crucifié, pour mourir et pour ressusciter. Mais ils ne comprennent pas. Ils ne peuvent pas concevoir que la victoire sur le péché et sur la mort passe par l’offrande que Jésus fera de sa vie. De même, la petite foule des hommes et des femmes groupés sur le Golgotha, au moment de la crucifixion, ne pouvaient pas imaginer que la condamnation et l’exécution de Jésus n’était pas la signature de son échec, mais le premier pas de sa victoire. Ils se moquaient de lui. Ils le provoquaient : « S’il est le Christ de Dieu qu’il se sauve lui-même ! » (Lc 23, 35) ; « S’il est le roi d’Israël, qu’il descende maintenant de la croix et nous croirons en lui » (Mt 27, 42). Nous-mêmes, dans ces jours où nous vivons la longue méditation de la Passion du Christ, nous sommes confrontés à cette tentation : croyons-nous vraiment que l’amour jusqu’à l’extrême et jusqu’au don de sa propre vie est victorieux du malheur et de la mort ?

Sans doute ne pouvons-nous pas venir seuls au pied de la croix. Nous ne pouvons pas regarder seuls le Christ crucifié si nul ne nous tient la main et nous permet d’ouvrir les yeux et le cœur. Marie, au pied de la croix, traverse l’épreuve que vit son Fils. Au pied de la croix, elle représente l’humanité elle-aussi éprouvée par la mort. Le disciple que Jésus aimait est la figure de l’humanité en attente, dont les yeux sont encore voilés sans pouvoir comprendre complètement ce qui se passe. Jésus confie le disciple qu’il aimait à sa mère. Il nous confie nous aussi à sa mère, pour qu’elle se tienne à nos côtés quand nous nous tournons vers le Christ crucifié. Et Jésus confie sa mère au disciple qu’il aimait pour que l’Église prenne soin de celle qui allait rester seule.

Missionnaires d’Hosanna dans la ville, à l’appel de l’Église, vous vous efforcez, d’annoncer un Messie crucifié pendant ces trois jours. Vous voulez témoigner que le sacrifice du Christ est un signe éclatant de l’amour de Dieu, et non pas le signe dégradant de l’indifférence de Dieu à l’égard de son Fils. Vous faite vôtre cette parole de Jésus : « Celui qui veut me suivre, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive » (Mt 16, 24). Vous ne cherchez pas à prouver que vous êtes plus forts, plus saints ou plus croyants que les autres. Vous annoncez plutôt que, dans votre faiblesse, votre péché et les questions qui habitent votre cœur, vous êtes soutenus par la Vierge pour accueillir, comme elle, la puissance de l’Esprit et devenir capable de prononcer les mots de Dieu. Vous n’êtes pas invités à une entreprise de propagande ou de démarchage toute humaine, mais à une entreprise de foi. Ce que Dieu peut réaliser à travers notre faiblesse, il peut le réaliser dans le cœur de tout homme. Pour tous ceux et celles que vous rencontrez sur le parvis de la cathédrale ou dans les alentours, et qui seront surpris peut-être de vous voir si heureux d’être témoins d’un Messie crucifié, vous apprenez peu à peu à devenir témoins de la puissance de l’Esprit qui a relevé le Christ d’entre les morts, et qui nous a délivrés de la mort par notre baptême.

Ce n’est donc pas une forme de recherche morbide qui nous conduit à vénérer les signes de la Passion : la couronne d’épines, un morceau de la vraie croix, un clou. Nous puisons dans notre foi la conviction que celui qui a été mis à mort est ressuscité pour notre Salut, et qu’il a envoyé son Esprit Saint sur ses disciples pour étendre la mission de l’Église à la terre entière. Aussi, en nous approchant pour vénérer la Sainte Couronne d’épines, nous avançons avec humilité, pour que notre démarche exprime le désir de notre cœur, pour qu’elle nous permette de grandir dans la foi et nous fortifie dans la capacité de devenir témoins de la Bonne Nouvelle.

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris

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