Au sujet de la laïcité

Paris Notre-Dame du 26 février 2015

P.N.-D. – L’actualité récente a remis le sujet de la laïcité au cœur des débats. Quelle lecture serait à privilégier d’après vous ?

P. Laurent Stalla-Bourdillon, curé de Ste-Clotilde (7e) et directeur du Service pastoral d’études politiques.
© Juan David Verdon

P. Laurent Stalla-Bourdillon – Il est vrai que la question de la laïcité est de plus en plus présente dans le débat public et s’impose comme un sujet politique. Lorsque la laïcité est invoquée pour contenir la place des religions, cela traduit notre difficulté croissante à comprendre le rôle des religions et leur contribution à la vie personnelle et sociale. Ce ne sont pas tant les religions qui évoluent dans leurs doctrines, mais c’est l’effet d’une intense sécularisation qui fait perdre à notre pays tous ses moyens pour assumer et défendre l’apport spécifique des religions sur les grandes questions touchant la vie humaine : le mal, la mort, l’au-delà, et le sens de la vie et son accomplissement… Moins nos représentants comprennent ce qu’est une religion et plus ils sont tentés d’y substituer par un laïcisme. C’est ce que nous voyons. Tout autre chose est la République laïque qui se doit d’être gardienne de la liberté d’expression de tous, et garante de la liberté de conscience de chacun.

P. N.-D. – Mgr André Vingt-Trois a dit qu’il vaudrait mieux donner sa place à la religion à l’école que déployer beaucoup de moyens pour ouvrir des postes d’aumôniers musulmans dans les prisons. Concrètement, qu’est-ce que cela signifie ?

P. L. S.-B. – Cela signifie qu’il faut veiller en priorité à l’épanouissement intellectuel, affectif et spirituel des jeunes. C’est un seul acte éducatif. Il faudrait redécouvrir que les religions ne sont pas des refuges pour des personnes crédules. Les traditions religieuses pluriséculaires sont riches d’un formidable héritage de la raison. Enseigner les religions comme des réponses à l’énigme de la vie pourrait éviter des dérives sectaires, ou même le simple recours à des voyants et à de la superstition. La foi appelle la raison, et la raison grandit par l’accueil de ce que la foi propose. Moins de vérités et d’instructions n’augmente pas la tolérance, au contraire. L’illettrisme culturel et religieux est devenu vertigineux dans notre société, et même chez des catholiques, et en moi aussi. La pauvreté culturelle empêche l’homme de grandir et de s’ouvrir au monde.

P. N.-D. – Sur quel sujet et de quelle façon les religions sont-elles légitimes pour prendre la parole dans le débat public d’après vous ?

P. L. S.-B. – Il n’y a aucun sujet qui soit a priori en dehors de son champ d’observation et d’intérêt. Par son sens de l’homme et de l’histoire, l’Église doit contribuer à l’édification de la société. Devant les difficultés que rencontrent aujourd’hui nos institutions (les couples pour durer, les familles pour éveiller à la vie sociale, l’école pour instruire des élèves, l’État pour former des citoyens), l’Église les défend et reste la seule institution qui annonce l’identité la plus profonde de toute personne : sa vocation à la sainteté d’enfant de Dieu ! L’Église reste la seule pour qui la mort participe pleinement à notre accomplissement et non à notre anéantissement. L’Église de France prend le temps d’accompagner les acteurs de la société, de les appeler à dialoguer en les interrogeant. Elle le fait sur toutes les questions comme celle sur la fin de vie que nos députés vont prochainement travailler, mais encore sur les questions de justice sociale, d’éducation, d’économie. Les défis sont mondiaux, et le pape François appelle l’Église universelle à incarner partout selon les lieux, l’espérance du monde nouveau en servant avant tout l’unité de l’unique famille humaine. • Propos recueillis par Ariane Rollier

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