Dieu ouvre des chemins – Itinéraires en suivant l’Évangile de saint Matthieu

Cardinal André Vingt-Trois

Dans son nouveau livre le cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris propose à ses lecteurs de revisiter une trentaine d’épisodes de l’Évangile de saint Matthieu à l’aide des commentaires que ceux-ci lui inspirent.

Ce texte qui réunit les versions écrites d’homélies prononcées par l’archevêque de Paris se présente comme un guide de lecture et de méditation à l’usage des chrétiens qui veulent savourer les Écritures, soit en solitaire soit en groupes de partage d’évangile.

Parution janvier 2015, éditions SALVATOR, 224 pages, 18.90 €

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Extrait.

Chapitre 1er, versets 1 à 18 : Dieu parmi les hommes

L’évangile de saint Matthieu s’ouvre avec la généalogie humaine de Jésus [1]. Nous pouvons ainsi, du moins de façon symbolique selon la tradition des anciens, le situer dans l’histoire humaine : comme descendant de David (verset 1) et fils de Marie (verset 18). Cependant, cette généalogie ne nous donne pas la clef du sens, car si Dieu agit pour l’humanité en prenant une chair dans la personne du Christ, ce n’est pas pour seulement accomplir la destinée de la descendance de David. C’est pour apporter dans l’histoire des hommes quelque chose qui va changer le monde : sa propre présence, Dieu avec nous, Dieu parmi les hommes, Dieu sauveur, Jésus de Nazareth. Homme parmi les hommes, il a une ascendance humaine et il s’inscrit dans l’histoire commune de l’humanité. Mais, en tant que Fils unique de Dieu, envoyé par le Père pour guérir et sauver les hommes, il échappe à cette généalogie humaine en survenant dans l’histoire de façon imprévisible pour renouveler le monde. Car Dieu veut changer quelque chose à l’histoire des hommes. Il a mis l’homme dans le monde pour qu’il vive et qu’il soit au service de la vie, et non pour qu’il meure et soit au service de la mort. Pour le rendre à sa vocation première, pour lui permettre de retrouver l’élan originel par lequel Dieu l’a appelé à la vie, il faut une intervention divine en la personne du Christ.

Dieu envoie son Fils dans le monde pour que le monde vive, et cette décision ne s’accomplit pas selon les critères habituels de la notoriété et de la puissance. Bethléem est une des dernières villes où l’on pouvait s’attendre à voir surgir la source du Salut de l’humanité, même si cela était annoncé par les prophètes. Marie est une jeune fille inconnue quand l’appel de Dieu saisit son existence dans l’accomplissement de ce plan de Salut.

Si nous observons ces éléments : d’un côté la relative impuissance (pour ne pas dire le néant) de la toute petite réalité que représente le point d’appui humain – Marie, l’humble « servante du Seigneur » [2] – , et d’un autre côté la puissance de Dieu à l’œuvre dans le monde, nous devons constater que cette puissance se manifeste à travers la faiblesse de celles et de ceux qu’il choisit pour accomplir son œuvre.

Mieux peut-être qu’à d’autres époques, nous sommes imprégnés d’une multitude d’informations sur les drames de l’humanité. Par le biais des communications modernes, par les facilités de notre culture, nous savons infiniment plus de choses qu’il n’en parvenait aux oreilles de nos devanciers. Nous sommes informés des massacres, des famines, des épidémies, des catastrophes à l’autre bout du monde, et nous connaissons dans notre propre pays les difficultés auxquelles les hommes sont confrontés.

Alors, le risque ou la tentation qui nous guette, c’est de dire : « Je n’y peux rien, cela dépasse mon échelle ! Ce qui arrive en Inde, je n’y peux rien. Ce qui va mal en Afrique, je n’y peux rien. Ce qui se passe en Amérique latine, je n’y peux rien… ». Et faudrait-il encore dire : « Ce qui défraie la chronique en France ou le malaise dans les cités des périphéries des grandes villes, je n’y peux rien ! Que suis-je, pour imaginer que ce que je pense ou fais peut changer quelque chose dans le monde ? Il y a des puissants pour ça ! Et qu’ils le soient devenus par héritage, par élection, par désir, par ambition ou par souci de se mettre au service des autres, ils ont les moyens ! Alors qu’ils s’y mettent ! Mais moi, je n’ai pas de pouvoir, je ne suis qu’un fétu de paille dans tout cela ! » ?

Si nous abordons la réalité de notre temps avec ce sentiment d’impuissance et d’illégitimité, avec la conviction résignée que nous avons dévolu la responsabilité à d’autres et que nous ne sommes pas armés pour faire face aux défis de ce monde, alors le désespoir est à notre porte : désespoir de mesurer que nos désirs généreux, notre volonté de venir en aide à nos frères ou simplement d’assumer notre existence..., tout cela est voué à une sorte d’échec final.

Le message que nous livre la vocation de Marie est au contraire celui-ci : le levier qui peut changer quelque chose dans le monde, ce n’est ni la notoriété ni la puissance ; c’est l’amour, c’est la paix, c’est la réconciliation. Et de l’amour, de la paix et de la réconciliation, chacune et chacun d’entre nous est à la fois porteur et comptable. Chacune et chacun d’entre nous peut devenir agent de paix, de réconciliation et d’amour. Chacune et chacun d’entre nous peut devenir témoin de la puissance de l’amour – à travers la modestie ou la médiocrité de notre existence, à travers l’ignorance de ce que nous faisons pour le reste du monde. Nous n’avons pas été choisis, consacrés par Dieu pour devenir des vedettes, mais pour devenir des ferments d’amour et de paix.

Alors, en accueillant ce rappel que le Fils éternel de Dieu a été envoyé dans notre histoire pour le Salut de tous, ouvrons nos cœurs à la puissance de l’amour et offrons la pauvreté de notre vie pour changer le monde.

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Table des matières

Chapitre 1er, versets 1 à 18 : Dieu parmi les hommes
Chapitre 1er, versets 18 à 24 : Joseph accueille et protège Marie et son enfant
Chapitre 2, versets 1 à 12 : les rois mages
Chapitre 3, versets 1 à 12 : l’appel du Baptiste à la conversion
Chapitre 3, versets 13 à 17 : le baptême de Jésus
Chapitre 4, versets 1 à 11 : Jésus tenté au désert
Chapitre 4, versets 12 à 23 : Jésus commence sa mission
Chapitre 5, verset 1 à 12 : les Béatitudes
Chapitre 5, versets 13 à 16 : sel de la terre et lumière du monde
Chapitre 5, versets 17 à 37 : « On vous a dit… Eh bien ! moi, je vous dis… »
Chapitre 5, versets 38 à 48 : l’appel à la perfection
Chapitre 6, verset 1 à 6 et 16 à 18 : l’aumône et le jeune en secret
Chapitre 6, versets 7 à 15 : « Quand vous priez, dites… »
Chapitre 6, versets 19 à 23 : où est notre trésor ?
Chapitre 6, versets 24 à 34 : Dieu ou l’argent ?
Chapitre 7, versets 7 à 12 : la prière de demande
Chapitre 7, versets 21 à 27 : ce n’est pas en disant : « Seigneur, Seigneur… »
Chapitre 9, versets 9 à 13 : Jésus vient chercher ceux qui sont loin
Chapitre 9, versets 27 à 31 : croire pour voir
Chapitre 9, versets 32 à 38 : les ouvriers de la moisson
Chapitre 10, versets 24 à 33 : la mission des disciples
Chapitre 11, versets 2 à 11 : la dernière question du Baptiste
Chapitre 11, versets 25 à 30 : le fardeau si léger
Chapitre 13, versets 3 à 23 : la parabole du semeur
Chapitre 14, versets 22-33 : « Seigneur, fais-moi marcher sur les eaux »
Chapitre 15, versets 13 à 25 : la confession de Pierre à Césarée
Chapitre 17, versets 1 à 9 : la Transfiguration
Chapitre 18, versets 1 à 5 : redevenir comme un petit enfant
Chapitre 18, versets 15 à 20 : la communion dans l’Église
Chapitre 18, versets 21 à 35 : combien de fois faut-il pardonner ?
Chapitre 19, versets 16 à 21 : le jeune homme riche
Chapitre 20, versets 1 à 16 : les ouvriers de la onzième heure
Chapitre 20, versets 17 à 28 : qui veut être le premier doit servir
Chapitre 21, versets 28 à 32 : les deux fils envoyés travailler à la vigne
Chapitre 22, versets 15 à 21 : que doit-on à César ?
Chapitre 22, versets 34 à 40 : quel est le plus grand commandement ?
Chapitre 24, versets 34 à 44 : veiller, car nul ne sait le jour ni l’heure
Chapitre 25, versets 14-30 : la parabole des talents
Chapitre 25, versets 31 à 36 : le jugement dernier
Chapitre 27, versets 32 à 44 : le Messie crucifié
Chapitre 28, versets 1 à 15 : le tombeau vide
Chapitre 28, versets 16 à 20 : baptiser au nom du Père, du Fils et de l’Esprit

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[1L’évangile de saint Luc (3, 23-38) offre également une généalogie de Jésus.

[2Luc 1, 38.

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