Discours du Président Hollande aux autorités religieuses du 5 janvier 2016

Le texte du discours, décrivant l’interaction des religions avec les événements de l’année 2015. « Tel était le sens des vœux que je voulais vous adresser aujourd’hui. De la gratitude pour ce que vous faites pour favoriser la compréhension entre nos concitoyens et pour dissuader tous ceux qui veulent entretenir un message de haine. Et en même temps je vous appelle à vous exprimer autant qu’il est possible pour faire en sorte que ceux qui doutent parfois, ceux qui s’interrogent souvent, ceux qui craignent d’être victimes puissent trouver espoir et confiance. Si nous voulons écarter les surenchères, les amalgames, les stigmatisations qui peuvent produire des discriminations, nous devons aussi rappeler à chaque fois que la religion est un message de paix et qu’elle doit contribuer à unir les hommes et non pas à entretenir la haine de l’autre. »

Je vous adresse tous mes vœux. Je suis attaché à cette cérémonie. Elle manifeste la relation harmonieuse que la République entretient avec les religions.

Elle est aussi une marque de considération pour ce que vous représentez au sein de notre société. Et un symbole d’attention au regard que vous portez sur les grands problèmes de notre temps.

Mais cette rencontre prend cette année une signification particulière, alors que le pays est encore sous l’emprise du deuil et qu’il doit se rassembler pour affronter une menace redoutable. Celle du terrorisme islamiste.

En janvier comme en novembre, vous avez su, conformément à vos traditions et à vos rites, trouver les mots et les gestes pour exprimer votre compassion à l’égard de toutes les victimes, de leurs familles et de leurs proches. Vous avez aussi appelé à la cohésion afin que personne ne se laisse gagner « par l’affolement et par la haine » comme l’a dit très justement Mgr André Vingt-Trois.
Ainsi, le Cardinal archevêque de Paris a célébré une messe solennelle à Notre-Dame le dimanche 15 novembre, au cours de laquelle les grandes orgues de la cathédrale ont interprété de façon particulièrement émouvante notre hymne national.

Les Juifs de France, qui ont payé un lourd tribut à la barbarie djihadiste avec l’attaque de l’Hyper Cacher où je me suis rendu ce matin, ont voulu manifester leur chagrin le 11 janvier dernier à la Grande synagogue de la Victoire. J’y étais présent avec le chef du Gouvernement israélien, Benjamin Netanyahou. Vous y avez dit, Monsieur le Grand Rabbin de France, que notre pays avait retrouvé ce jour-là les valeurs qui avaient fait de lui le phare du monde. Nous nous souviendrons longtemps des 17 bougies allumées tour à tour en mémoire des victimes des attentats, dont la dernière fut allumée conjointement par deux figures emblématiques du courage et de l’amour maternel blessé que sont Latifa Ibn Ziaten et Éva Sandler. Une autre cérémonie a été organisée en ce même lieu le 15 novembre pour porter le deuil de 130 nouvelles victimes.

Dans ce contexte dramatique, il était particulièrement nécessaire d’écarter d’emblée tout amalgame entre la religion de paix que pratiquent les Musulmans de France et les utilisations odieuses de l’islam par les assassins commandités par Daech. C’est ainsi que le Conseil français du Culte musulman, après avoir condamné avec force les attentats du mois de janvier, a appelé à prononcer le vendredi 20 novembre, dans toutes les mosquées de France, un prêche pour « dire et de redire haut et fort que l’islam authentique se trouve à des années-lumière de l’idéologie de haine des criminels terroristes ». Et quelques jours plus tard, ce sont la quasi-totalité des institutions représentant les Musulmans de France qui ont adopté à l’Institut du monde arabe un « Manifeste citoyen » pour dire leur attachement à la République.

Je tiens à vous dire à mon tour aussi haut et aussi fort que vous l’avez fait que les Français de confession musulmane, par le sang qu’ils ont versé pour la défense de la patrie, par leur travail au service du pays, par leurs talents, font pleinement partie de notre histoire et de notre nation. Jamais la République ne tolérera que l’on s’en prenne à eux dans le combat que nous livrons, avec eux, contre le terrorisme.

Je veux aussi signaler d’autres gestes :
La Fédération protestante de France a appelé l’ensemble de ses membres à s’unir dans la prière, ainsi « qu’à cultiver inlassablement la fraternité et la solidarité au cœur de la société française ».
Au nom de l’Assemblée des évêques orthodoxes de France, vous avez invité, Monseigneur Emmanuel, tous vos fidèles à prier pour les victimes et pour tous les pays touchés par le terrorisme. Je veux rappeler ici que les chrétiens d’Orient qui sont présents dans cette région depuis des siècles et des siècles contribuent à l’équilibre et à la diversité si nécessaire et à l’harmonie entre les hommes.

Enfin, l’Union bouddhiste de France, fidèle à son message de non-violence, a invité tous ses membres à dédier leurs pratiques quotidiennes aux victimes et à la paix.
Tous ces gestes ont été une source de réconfort pour tous les Français. Qu’ils soient croyants ou non, ils y ont vu le signe de l’unité nationale qui doit nous rassembler dans les temps d’épreuves.

J’ai également voulu avec le Premier ministre que l’ensemble des lieux de culte qui pourraient faire l’objet d’attaques soient protégés par les forces de sécurité, dans le cadre d’un dispositif concerté avec toutes les autorités religieuses. Il a démontré son efficacité à l’occasion des fêtes de Noël. Mais nous avons vu à Valence qu’il y avait eu aussi une tentative pour attaquer nos soldats auprès d’une mosquée. Mais la concorde nationale et les règles de sécurité ne nous dispensent pas de procéder à un examen de conscience.

L’invocation de la religion comme prétexte aux massacres d’innocents, le fait même que les assassins soient prêts à sacrifier leur propre vie pour accomplir leur projet criminel et augmenter le nombre de leurs victimes, nous ramène à des temps les plus obscurs et les plus lointains de notre histoire et pourtant, pour plusieurs d’entre eux, les assassins qui ont commis ces abominations ont grandi ici. Ce sont de jeunes Français qui rejoignent les groupes terroristes en Syrie et en Irak. Ceux-là mêmes qui ont été élevés dans les écoles de la République. Ce qui exige de redoubler d’efforts pour la transmission, l’éducation et l’accompagnement. Il nous faut aussi faire preuve de la plus grande vigilance face à la radicalisation, qu’elle soit produite sur Internet ou entretenue par les prêcheurs de haine. Je le confirme ici : leurs auteurs seront implacablement poursuivis.

Nous ne pouvons pas accepter non plus que des enfants soient déscolarisés, ni davantage tolérer que certains établissements puissent délivrer des enseignements contraires à nos lois. C’est pourquoi j’ai demandé avec le Premier ministre à la ministre de l’Éducation nationale de renforcer les procédures de contrôle des établissements d’enseignement hors contrat, et de mobiliser l’administration et les collectivités pour éviter que des enfants ne soient soustraits à l’obligation scolaire au nom de raisons incompatibles avec les valeurs de la République.

Je n’accepte pas non plus que la belle notion de laïcité soit instrumentalisée par certains, en vue de combattre l’expression publique d’un culte ou pour stigmatiser tel ou tel groupe de croyants.

La laïcité est un principe juridique de neutralité, qui s’impose à l’État et à ses représentants. Ce principe garantit à chacun le droit de croire ou de ne pas croire, ainsi que le droit d’exercer son culte dans des conditions dignes et paisibles. « La Laïcité, comme l’a dit Émile Poulat, c’est une société qui donne place à tous. »

Et c’est faire un bien mauvais usage de la laïcité que de tenter de rendre impossible l’exercice de la pratique religieuse en s’opposant par exemple à la construction de lieux de prière dès lors que ce qui s’y produit ne trouble pas l’ordre public et que les règles de financement sont claires.

J’ai voulu que la lutte contre le racisme et l’antisémitisme soit érigée en grande cause nationale. Auprès du Premier ministre, un plan de lutte interministériel, coordonné par le préfet Gilles Clavreul, a été adopté et doté de moyens significatifs, publics et également privés de façon à mobiliser autant qu’il est possible les ressources pour agir, pour informer, pour dissuader, mais aussi pour lutter contre tout ce qui entretient le racisme et l’antisémitisme. Lamartine avait eu cette belle phrase : « Je suis de la couleur de ceux qu’on persécute. » Cette phrase n’a rien perdu de son actualité.
Les agressions racistes, antisémites, ne concernent pas simplement leurs victimes et les proches, mais la communauté nationale dans son ensemble.

Je sais ce qu’est votre engagement et notamment le dialogue que vous avez entre vous pour lutter contre toutes les formes de racisme et d’antisémitisme. Je sais aussi ce que vous faites pour favoriser la concorde et la fraternité.

Les organisations d’inspiration religieuse apportent à notre société une solidarité à l’égard des plus démunis et également envers les migrants qui parviennent sur notre sol après avoir survécu à de terribles épreuves. Et dans l’accueil des réfugiés, comme dans la lutte contre la pauvreté, c’est vrai que les pouvoirs publics sont les premiers concernés. Mais vous, je le sais, vous êtes les premiers mobilisés avec des milliers de bénévoles qui agissent auprès des personnes en détresse d’où qu’elles viennent et quelle que soit leur foi. C’est ensemble que nous devons agir en faisant en sorte de faire respecter les lois, c’est notre devoir, notamment par rapport à cette question majeure qu’est celle des réfugiés et que vous puissiez également apporter votre concours pour soulager la détresse des plus démunis.

Je veux enfin saluer ce qu’a été la contribution des autorités religieuses au succès de la Conférence sur le climat qui s’est tenue à Paris à la fin de l’année dernière. J’avais réuni, à l’initiative de Nicolas Hulot, un Sommet des consciences et vous vous y êtes tous associés ; je vous remercie parce que cela a été un moment rare où, venant du monde entier, toutes les forces spirituelles ont pu exprimer leur attente, leur exigence mais également leur mobilisation. Et vous avez à cette occasion-là exprimé que l’être humain peut faire son bonheur, mais aussi participer à son propre malheur. Il construit et il détruit en même temps. Vous savez aussi mieux que d’autres que l’envie du présent n’est pas toujours fidèle à l’obligation d’avenir, même si nous savons que la planète est unique et qu’il faut donc la préserver. Nous en sommes les dépositaires non pour la consommer, mais pour l’humaniser.

Ainsi, s’il appartient aux responsables politiques de prendre les décisions qui relèvent des États, il revient à toutes les forces spirituelles de concourir à élever les nations et les peuples au-delà de leurs seuls intérêts matériels et à agir pour la paix et pour la tolérance.

Tel était le sens des vœux que je voulais vous adresser aujourd’hui. De la gratitude pour ce que vous faites pour favoriser la compréhension entre nos concitoyens et pour dissuader tous ceux qui veulent entretenir un message de haine. Et en même temps je vous appelle à vous exprimer autant qu’il est possible pour faire en sorte que ceux qui doutent parfois, ceux qui s’interrogent souvent, ceux qui craignent d’être victimes puissent trouver espoir et confiance. Si nous voulons écarter les surenchères, les amalgames, les stigmatisations qui peuvent produire des discriminations, nous devons aussi rappeler à chaque fois que la religion est un message de paix et qu’elle doit contribuer à unir les hommes et non pas à entretenir la haine de l’autre.

Voilà pourquoi la République entretient cette relation avec les religions. Nous sommes chacun à notre place mais, tout en ayant des démarches différentes, nous participons au même objectif : unir notre pays et concourir à la paix.
Meilleurs vœux à vous, à tous vos proches et à vos fidèles.

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