Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Messe de rentrée de la Maison Diocésaine – 24e Semaine du Temps Ordinaire – Année A

Jeudi 18 septembre 2014 - St Jean Bosco (Paris XXe)

La scène de la pécheresse qui s’approche de Jésus chez Simon le Pharisien nous amène à comprendre que ce qui peut nous délivrer de notre fardeau, c’est la confiance et l’amour que nous mettons en Jésus. Cette conviction nous empêche de poser sur notre prochain un regard de jugement et transforme notre mission de service en témoignage rendu à la miséricorde de Dieu.

 1 Co 15, 1-11 ; Ps 117, 1-2, 16-17, 28.21 ; Lc 7, 36-50

Frères et Sœurs, nous pourrions nous demander combien nous devons à Jésus ! Car nous le voyons à travers cette scène du repas chez Simon le Pharisien, c’est celui qui a la dette la plus forte qui est le mieux placé pour exprimer sa foi et sa confiance en celui qui peut le délivrer.

Spontanément nous avons plutôt tendance à sous-estimer notre dette, à penser que nous serions plus présentables si nous étions meilleurs et que nous serions mieux reçus si nous avions moins de fardeau sur nos épaules. Et pourtant Jésus nous le dit, c’est non pas la hauteur de la dette qui compte, mais la manière de nous situer par rapport à lui. Ce qui délivre cette femme, c’est la foi qu’elle a mise dans le Christ, c’est sa confiance, c’est l’amour qu’elle lui manifeste. Le Pape François nous rappelle souvent que la mission de l’Église en ce monde est d’être témoin de la miséricorde de Dieu et acteur de cette miséricorde. Cela veut dire que nous ne jugeons pas les autres à partir de ce que nous estimons être leurs fautes, mais bien plus, que nous ne nous jugeons pas nous-mêmes. Car devant le Seigneur, ce n’est pas à nous de dire qui est délivré et qui ne l’est pas, c’est à lui. Cela veut dire qu’il y n’y a pas dans la vie d’un homme ou d’une femme, un seuil en-deçà duquel il ne peut plus lever les yeux vers le Seigneur. Et cela veut dire surtout que le regard que nous portons sur le Christ, comme le regard de cette femme, est un regard d’espérance.

Comme saint Paul nous le rappelait dans son épître, c’est le Christ qui par sa mort et sa résurrection apporte aux hommes la délivrance. C’est lui qui vient rejoindre tout être vivant au cœur de sa souffrance, c’est lui qui reçoit avec bienveillance tous les signes d’amour que l’on peut lui adresser, même s’ils sont maladroits ou imparfaits, c’est lui qui pose sur nous son regard d’amour et de miséricorde.

Une conviction doit habiter notre cœur : c’est par sa grâce que nous sommes sauvés, c’est par son amour que nous sommes remis debout et que nous pouvons avancer. Cette conviction transforme le regard que nous portons les uns sur les autres et nous rend capables de ne pas projeter notre jugement sur nos frères. C’est ce regard qui va chercher au cœur de chacun l’étincelle qui reflète l’espérance, même si beaucoup de cicatrices ou de saletés ont marqué notre vie. C’est cette étincelle d’espérance qui nous rend capables de nous présenter devant le Christ.

Si nous vivons dans cette conviction que son amour est plus grand que notre faiblesse, que lui seul peut venir nous rechercher là où nous en sommes de notre vie, alors nous sommes déjà délivrés de ce sentiment d’impuissance et de culpabilité qui accable tant de nos contemporains. Nous sommes déjà délivrés parce que nous savons qu’il peut nous affranchir de la mort, qu’il peut apporter à tout homme un chemin de liberté, qu’il peut répondre avec générosité au moindre signe de confiance et de repentance exprimé envers lui. Cette certitude qui transforme nos angoisses en sérénité, qui transforme nos agressivités en gestes d’amour, qui transforme même nos faiblesses en signe de force, c’est cela que nous devons mettre au service de nos frères, dans les relations que nous avons les uns avec les autres, comme aussi dans le service que nous accomplissons au cœur de l’Église pour que celles et ceux qui ont affaire à nous comprennent qu’à travers nous, c’est quelque chose de la miséricorde de Dieu qui s’approche de leur vie.

Frères et sœurs, chers amis, je suis heureux de cette occasion qui nous est donnée de nous présenter ainsi au repas du Seigneur, ensemble, et de reconnaître devant lui que c’est de lui que viennent le regard et la parole d’amour que nous devons porter sur nos frères. Je suis heureux de vous exprimer à cette occasion, la reconnaissance du diocèse pour le travail que vous accomplissez au service de son Église, et surtout au service de la mission de cette Église, qui est d’être pour tous les hommes un signe d’espérance. Je suis heureux de vous associer, avec toutes les communautés du diocèse, à la mission que nous allons accomplir pendant l’Avent 2014, qui sera précisément un effort de notre part pour annoncer cette bonne nouvelle : le Christ est venu pour libérer le monde, pour libérer chacun et chacune de nos contemporains. Qu’il nous donne la joie d’être les porte-paroles de ce message d’amour.

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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