Homélie du Cardinal André Vingt-Trois - Messe à ND – Vigile Pascale – Année B

Samedi 4 avril 2015 - Notre-Dame de Paris

C’est en se rendant au tombeau de Jésus pour prendre soin du corps que les femmes vont découvrir quelles sont les pierres qui encombrent notre accès au Christ vivant aujourd’hui. Les adultes qui reçoivent le baptême et l’eucharistie durant la vigile reçoivent la vie de Dieu lui-même, qui va porter leur propre vie à son maximum.

 7 lectures de la Vigile ; Rm 6, 3b-11 ; Psaume 117 ; Mc 16, 1-7

Frères et Sœurs,

Christ est ressuscité ! C’est la bonne nouvelle que nous recevons cette nuit et que nous sommes invités à transmettre à ceux qui nous entourent.

Christ est ressuscité ! C’est une bonne nouvelle car c’est l’annonce que le plan inauguré par Dieu au moment de la création du monde est entré dans sa phase ultime : le Dieu des vivants a surmonté la mort. Cette bonne nouvelle est comme le cri de ralliement de tous les chrétiens, et c’est pourquoi la proclamation de cette bonne nouvelle de la résurrection par un officiant de l’Eglise grecque dans la langue originale de l’évangile est un signe de notre communion dans la même foi au Christ ressuscité. C’est une espérance que nous pouvons progresser vers l’unité visible de nos Eglises. C’est un cri de ralliement, pour nous qui sommes rassemblés ce soir dans cette cathédrale, venant de toutes parts, mais en particulier, comme chaque année, avec une paroisse de Paris. Ce soir, la paroisse Saint-Jacques-Saint-Christophe de la Villette, dans le XIXe arrondissement, accompagne ses catéchumènes. Elle est en communion avec son curé, malheureusement encore retenu par la maladie et qui ne peut pas être avec nous ce soir. C’est le cri de ralliement de toutes celles et de tous ceux qui sont unis à notre prière grâce à KTO Télévision. C’est le cri de ralliement de la multitude des chrétiens à travers le monde et en particulier ce soir, des communautés chrétiennes éprouvées dans leur foi par la persécution, par la mise à mort de leurs membres, par la négation de leur liberté de croire et de professer leur foi. Je pense évidemment à nos frères chrétiens d’Orient, du Moyen-Orient, mais aussi à nos frères chrétiens d’Afrique, d’Ukraine, d’Asie, à toutes ces communautés à travers le monde pour qui, annoncer le Christ ressuscité n’est pas simplement une formule liturgique mais un engagement de vie. Là où on annonce la victoire de la vie sur la mort, ceux qui sont les serviteurs de la mort ne peuvent pas supporter ce témoignage d’espérance, ils veulent faire taire la bonne nouvelle de la résurrection. Mais nous-mêmes, pour qui cette annonce est une bonne nouvelle, sommes-nous tellement sûrs de vouloir la porter et en vivre ? L’évangile nous dit que Marie-Madeleine et Marie, mère de Jacques et Salomé, se sont mises en route pour aller apporter leur soin au cadavre du Christ. Elles vont chercher parmi les morts celui qui est vivant. Elles croient, elles espèrent qu’elles vont retrouver celui qu’elles ont connu, Jésus de Nazareth, lui qui a parcouru les routes de Judée et de Galilée, qui a enseigné, fait des miracles, donné les signes que les promesses faites par les prophètes étaient en train de s’accomplir. Il ne leur restait plus qu’à rouler la lourde pierre qui clôturait le tombeau. Derrière cette pierre, elles étaient sûres de retrouver son corps. Or voici que la pierre a été roulée, et cela, non par leurs efforts, non parce qu’elles seraient capables par elles-mêmes de redonner vie à celui qui est mort. Voici qu’elles ne trouvent plus Jésus parmi les morts, parce qu’aujourd’hui il est vivant, comme il l’avait annoncé.

Cet épisode doit nous faire réfléchir sur notre propre manière de chercher le Christ ressuscité. Est-ce que nous le cherchons parmi les morts, les traces, les souvenirs d’un Jésus plus ou moins connu ? Est-ce que nous le cherchons parmi quelques phrases restées du catéchisme de notre enfance ? Est-ce que nous le cherchons dans le tombeau de nos espérances déçues ? Quelles lourdes pierres avons-nous à déplacer pour avoir accès à ce tombeau ? Quelles pierres bouchent le chemin pour que les hommes puissent rencontrer le Christ ? Quelles pierres sont les obstacles qui nous séparent de l’annonce du Ressuscité ? Les pierres de chacune de nos vies, les pierres qui encombrent notre cœur tant qu’il n’est pas converti, les pierres que Dieu lui-même peut enlever pour tracer un chemin à sa bonne nouvelle, le cœur de pierre qu’il peut remplacer par un cœur de chair, les pierres des résidus de nos erreurs, de nos fautes, de nos lâchetés, de nos fuites, les pierres mortes de nos amours éteintes… Quelles pierres obstruent le chemin de l’humanité vers le Christ ? Quels obstacles à ôter pour qu’enfin cette humanité puisse, comme les femmes, lever les yeux et apercevoir que le tombeau est vide ? Quelles sont ces pierres de l’indifférence, du mépris, de la haine, de la cupidité, qui occupent tant de place dans le cœur des hommes, et qui finissent par constituer une sorte de mur protecteur nous empêchant de rencontrer le Christ ? Ces pierres qui encombrent nos cœurs, ces pierres qui encombrent l’histoire des hommes, Dieu peut les lever, Dieu peut les faire rouler de côté et ouvrir devant nous le tombeau vide afin de découvrir non pas le Jésus de nos souvenirs, mais le Jésus réel, celui que les anges annoncent en disant qu’il est ressuscité, qu’il n’est pas dans le tombeau vide.

Bien sûr il faut dégager le chemin, il faut aplanir les aspérités, il faut user les résistances, mais ce n’est pas cela qui va produire la vie. Tout au plus, cela peut produire les conditions nécessaires pour que nous découvrions que Jésus n’est pas où l’on croyait qu’il était. Il n’est pas ici, voici l’endroit où on l’avait déposé. Il vous précède en Galilée. Cette expérience extraordinaire que vivent ces femmes au tombeau, devient en même temps une mission. Du même mouvement, elles découvrent que Jésus ressuscité n’est pas le produit de leur attente. Elles découvrent que Jésus ressuscité n’est pas le fruit de leur désir. Elles découvrent que Jésus ressuscité n’est pas simplement l’homme qu’elles ont connu et qu’elles ont vu crucifié. C’est un homme nouveau. C’est le même et c’est un autre ! C’est un homme nouveau, nouvel Adam qui ouvre une nouvelle histoire pour les hommes. C’est un homme nouveau, qui ouvre des chemins vers la Galilée, et au-delà de la Galilée vers l’univers entier. C’est cela la bonne nouvelle : l’humanité est arrachée à la fatalité de la mort, la résurrection du Christ ouvre pour chacune et chacun d’entre nous, non pas la porte d’un tombeau vide, mais le chemin d’une vie nouvelle dans la plénitude de l’amour.

En cette nuit très sainte à travers le monde, des milliers d’hommes et de femmes vont être plongés dans la mort et la résurrection du Christ par le baptême. Comme nous allons le vivre à l’instant, des hommes et des femmes vont découvrir que celui qu’ils reçoivent dans l’eucharistie n’est pas simplement celui qu’ils rêvaient mais quelqu’un d’infiniment plus grand qui va donner à leur existence une nouvelle dimension, au-delà de leurs duretés, au-delà de leurs faiblesses, au-delà de leurs limites, au-delà de la pauvreté de leurs moyens. C’est la vie de Dieu lui-même qui va reprendre leur vie et la porter à son maximum.

Ainsi, frères et sœurs, en célébrant la résurrection du Christ, nous célébrons la naissance de l’homme nouveau, lui qui est le premier né d’entre les morts, comme nous dit saint Paul, lui qui nous entraîne dans la vie nouvelle. Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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