Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Vigile et messe du soir de la solennité de la Pentecôte - Confirmation d’adultes

Samedi 3 juin 2017 – 21h00 – Notre-Dame de Paris

 Année A
 Ac 2,1-11 ; Ps 103 ; 1 Co 12,3b-7.12-13 ; Jn 20,19-23

Frères et Sœurs,

Quand Jésus se tient au milieu de ses disciples en ce premier jour de la semaine, c’est évidemment un événement bouleversant pour chacun des douze, comme c’est un événement bouleversant pour chacun d’entre nous de nous entendre dire par Jésus, qu’il est là au milieu de nous, et qu’il nous donne sa paix. Mais nous le mesurons, cette présence de Jésus ressuscité, et le don qu’il fait de son Esprit aux disciples en soufflant sur eux et en leur imposant les mains, n’est pas simplement un événement de l’histoire personnelle de chacun d’entre eux, c’est un événement qui est constitutif de l’Église. Par le don de l’Esprit du Christ, l’histoire particulière de chacun des disciples s’intègre et s’incorpore à l’histoire de la mission de l’Église.

Ce soir, chacune et chacun d’entre vous est arrivé ici par un chemin particulier et unique. La manière dont le Seigneur vous a guidés pour que vous trouviez ou que vous retrouviez une relation réelle avec lui, c’est le mystère de l’histoire de chacun d’entre vous. Elle s’est accomplie à travers les événements de votre vie, des événements heureux comme des événements malheureux. Chacune et chacun a été atteint par le Christ, par sa parole, à travers différents épisodes de sa vie. Et ce soir, en recevant la plénitude des dons de l’Esprit par le sacrement de la confirmation, c’est une sorte de sceau qui est posé sur ce chemin que vous avez parcouru avec le Christ. En lisant vos lettres, j’ai bien mesuré combien pour chacun et chacune d’entre vous la démarche que vous accomplissez ce soir représente une étape exceptionnelle dans son histoire.

Mais ce que nous célébrons n’est pas simplement l’étape exceptionnelle que vous êtes en train de vivre. C’est un événement pour toute l’Église, ou plus exactement, c’est l’opportunité pour que cette histoire personnelle et ce chemin que vous avez parcouru soient incorporés à la mission de l’Église. Ce n’est plus simplement Jésus qui pose à chacune et à chacun d’entre vous cette question : est-ce que tu crois en moi ? Est-ce que tu m’aimes ? Questions qui font le tissu du dialogue de nos prières habituelles ! Ce n’est pas simplement : est-ce que tu es prête, est-ce que tu es prêt à me suivre ? Question qui nous est posée à travers beaucoup de circonstances de notre vie ! C’est plus profondément : je te choisis, je t’appelle, comme tu as été appelé tout à l’heure par ton nom, je t’appelle non seulement pour authentifier le chemin parcouru au long de ta vie, mais pour m’appuyer sur cette histoire unique et t’inviter à participer, selon tes moyens, tes forces, tes talents, tes devoirs d’état, à participer à la mission de l’Église.

Quand Jésus donne l’Esprit Saint aux disciples, il leur dit : la paix soit avec vous. Cet Esprit que Dieu leur donne est un Esprit de réconciliation, un Esprit de conversion, un Esprit de renouveau. Mais en même temps, il leur donne cet Esprit pour qu’ils deviennent à leur tour des agents de la miséricorde. Ils ne reçoivent pas l’Esprit simplement pour trouver la paix en eux mais pour devenir des acteurs de paix pour leurs frères. En recevant l’Esprit Saint dans la confirmation, vous n’êtes pas simplement confirmés dans votre baptême. On ne vous dit pas simplement : tu ne t’es pas trompé, tu es bien chrétien ! Vous êtes tous appelés et invités à devenir témoins du Christ ressuscité à travers votre vie, témoins par votre manière de vivre, à mettre l’Evangile en pratique dans vos relations quotidiennes, vos relations de travail, vos relations de famille, vos relations dans la société. Il s’agit donc pour chacune et chacun d’entre vous de témoigner du Christ par votre parole, vous revendiquant comme chrétien, non pas simplement comme un chrétien secret, caché, qui ne doit pas être reconnu, mais comme un chrétien qui accepte que sa vie devienne un signe pour les autres.

Devenir témoin du Christ par la joie qui doit illuminer notre vie ! Comme nous le dit l’évangile, la présence du Christ au milieu des disciples provoque chez eux une joie intense, « les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur » (Jn 20,20). Comment pourrions-nous être témoins du Christ ressuscité si nous succombions à la crainte qui semble habiter tout le monde ? Comment pourrions-nous témoigner du Christ ressuscité si notre communion avec lui ne nous rendait pas capables d’affronter les difficultés de l’existence avec sérénité ? Est-ce que l’on est capable d’être disciple du Christ et de vivre continuellement dans la peur, dans l’anxiété, dans la méfiance, dans le soupçon ? Une société qui se construit autour de la peur et du soupçon est une société qui divise les hommes. La société que le Christ veut construire à travers nous, c’est une société de confiance, une société de pardon, une société de paix, une société d’action.

Alors que notre pays est traversé par des débats qui correspondent à la campagne électorale que nous vivons, nous devons garder assez de froideur d’esprit pour ne pas nous laisser emporter par le tourbillon de la polémique et de la division. En tout cas, notre rôle dans la société n’est pas d’être des acteurs de division, mais des acteurs de communion. Il ne peut être question de chercher, comme les pharisiens le faisaient au temps du Christ, comment mettre les autres en défaut. Il nous faut au contraire chercher comment nous pouvons vivre mieux pour que les autres vivent mieux. C’est cet Esprit de réconciliation, de miséricorde, d’amour, de confiance dans l’avenir que Dieu vous donne ce soir par la confirmation. C’est dans cet Esprit qu’il vous invite à vivre chaque jour et à manifester par votre vie que le Christ est ressuscité et qu’il est vivant au milieu de nous.

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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