Secret professionnel : quel enjeu pour la médecine ?

Paris Notre-Dame du 27 mars 2014

P. N.-D. – Mardi 11 mars, vous avez participé à une soirée-débat sur le secret professionnel au Collège des Bernardins. Qu’est-ce que cela représente pour vous, médecin ?

Pr Sadek Beloucif, professeur des universités, praticien hospitalier, service anesthésie-réanimation de l’hôpital Avicenne (Bobigny).
© Agnès de Gélis

Pr Sadek Beloucif – En médecine, le secret professionnel est une obligation de base qui s’inscrit dans le serment d’Hippocrate. Il entre aussi dans les principes cardinaux d’éthique médicale que sont la bienfaisance, la non malfaisance, la justice et le respect de l’autonomie. Le secret professionnel se pratique dans l’intérêt du patient : il n’y a pas de soin sans confidence. On distingue ainsi trois sortes de secrets : le premier concerne le patient lui-même, dont la liberté fondamentale est le droit à la vie privée, à l’intimité. Le deuxième naît de la confiance que le patient met dans son médecin et qui lui permet de lui parler sans crainte. Le troisième secret se rapporte au médecin : c’est celui qui garantit son indépendance et ses bonnes pratiques. En résumé, la relation médicale est une conscience qui rencontre une confiance.

P. N.-D. - Le secret professionnel a-t-il des limites en médecine ?

Pr S. B. – Le secret n’est pas le silence. Il sert à améliorer la communication. Cela peut aller très loin : par exemple, le médecin d’un patient séropositif qui ne veut pas le dire à sa femme doit tenir sa langue, même si cette femme court un danger. S’il dévoile ce secret à l’épouse, le médecin court le risque que son patient ne veuille plus lui parler, se sentant trahi. Et le mal ne sera donc pas soigné. En fait, le secret appartient au patient. Le secret n’est pas un ennemi, mais un gardien de la vérité. Il n’est pas un pouvoir mais une relation, une responsabilité. Lors de la conférence, nous avons aussi abordé la notion de transparence, très à la mode actuellement. Il est sain que des personnes veillent par exemple à ce que les médecins n’aient pas de relations intéressées avec l’industrie pharmaceutique. Mais la transparence ne doit pas tuer la confiance. Elle appartient à la forme, aux actes, comme la confiance appartient au fond. Ce qui les distingue, c’est la dimension éthique de la seconde.

P. N.-D. – Lancé en 2011, le dossier médical personnel [1] a rencontré un faible succès auprès des patients. Qu’en pensez-vous ?

Pr S. B. – Avec l’arrivée des nouvelles technologies, la médecine est la première mal à l’aise avec les atteintes potentielles au secret qui peuvent être facilitées par ces techniques. Aujourd’hui, heureusement, je crois que l’on redécouvre la logique de la discrétion, la vertu de prudence. Les nouvelles générations sont plus attentives à protéger leur vie privée sur les réseaux sociaux par exemple. Mais le dossier partagé peut avoir une grande utilité. Dans mon hôpital, nous pouvons consulter le dossier médical d’un patient dont le médecin habituel est en congé par exemple. Ce partage d’informations reste soumis à un cadre limité. Quoi qu’il en soit, le dossier médical partagé doit rester de la responsabilité du patient et être maintenu sous son contrôle. • Propos recueillis par Agnès de Gélis

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[1Document informatisé qui regroupe les informations de santé d’un malade et les rend accessibles à toutes les professions sanitaires.

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