Allocution du cardinal André Vingt-Trois à l’occasion des 20 ans d’Art, Culture et Foi

Saint-Leu-Saint-Gilles – 24 janvier 2009

Lors de cette manifestation, la médaille du mérite diocésain a été remise à Monsieur Jonnart.

Chers amis,

Cette rencontre m’est tout d’abord l’occasion d’exprimer ma reconnaissance à chacun et à chacune de ceux qui sont aujourd’hui acteurs des cellules d’Art Culture et Foi à travers Paris, à vous tous qui êtes ici et à ceux et celles qui sont absents mais à qui vous ne manquerez pas de transmettre le témoignage ma gratitude.
En ce qui concerne la mission d’Art, Culture et Foi, je voudrais vous proposer une seule réflexion, parmi toutes celles qui pourraient être faites. Elle concerne le trio du titre Art, Culture, et Foi. Pour beaucoup de nos concitoyens et de nos contemporains, l’art, la culture et la foi sont des concepts de type patrimoniaux. Ils renvoient à une réalité ancienne révolue et fixée, non évolutive. Or, pour reprendre une critique que Malraux – me semble-t-il - avait faite en son temps, ce travers revient à confondre la muséographie avec l’art, la bibliophilie avec la culture, et si l’on peut dire le dogmatisme avec la foi (ou le frigidaire avec la salle à manger !)

Le message central que nous avons à faire passer est que ces trois réalités sont bien vivantes. La production artistique existe, certes avec des hauts et des bas, avec de belles productions et des productions moins réussies. La culture est sans cesse renouvelée par la manière dont chaque homme ou chaque femme se perçoit dans le monde, dont chacun transforme le monde et se laisse transformer par le monde. Elle est donc un principe de vitalité considérable dans l’évolution de chacune de nos existences. La foi enfin est une relation personnelle qui se nourrit, se développe, se dessèche ou s’assoupit mais qui ne peut jamais se perdre complètement.

Mettre en rapport l’art, la culture et la foi ne revient donc pas à faire un concours de patrimoine religieux. Certes, grâce à Dieu et à la générosité des mécènes d’antan, notre ville de Paris est dotée de monument chrétiens exceptionnels, à commencer par la cathédrale. Ce patrimoine est peut-être plus abondant et en tous cas mieux conservé que celui d’autres grandes villes d’Europe. Mais ce que nous vivons et que nous essayons de manifester est que ce patrimoine séculaire dont nous avons l’usufruit est pour nous un patrimoine vivant.

Lorsque je me trouve dans d’autres pays d’Europe, il m’arrive de temps en temps de rencontrer des gens qui sont passés à Paris et ont visité Notre-Dame. Souvent ils me disent : "ce qui est remarquable c’est que cette cathédrale est habitée !" Je leur réponds qu’elle est habitée parce que nous le voulons et parce que nous avons quelque chose à y vivre. On ne l’habite pas simplement pour éviter la moisissure. Et je sais que ce que je dis de la cathédrale, est vrai de la plupart des églises de Paris. Nous en sommes les usufruitiers, non pour être les tenanciers de la culture moyenâgeuse dans un monde dévoyé, mais pour être les acteurs vivants de la fécondité de ce patrimoine dans le présent et pour le présent. Il en est de même pour la production artistique qui ne peut jamais s’abstraire de l’héritage ancien, mais s’en distingue à chaque génération pour proposer une création propre, qui finalement prolonge le message des œuvres anciennes. C’est également ce que l’on peut dire de la culture, qui est un principe d’identification continu dans l’humanité.

Il y a un dynamisme interactif entre l’art, la culture et la foi dont il faut se réjouir. Toute foi chrétienne authentique va irriguer et nourrir les cultures où elle se développe. Elle est même capable d’engendrer des cultures. De même l’accès à la plénitude de Dieu ouvert par la foi chrétienne se prolonge dans un chemin de recherche de la beauté. La foi est d’une certaine manière indissociable d’une expression esthétique de la foi. Et nous avons suffisamment d’exemples à travers Paris pour comprendre qu’elle n’est pas assimilable à un modèle artistique particulier. L’une des difficultés d’un certain nombre de nos contemporains est peut-être qu’ils ne trouvent pas le langage esthétique qui porte leur recherche d’absolu, selon la théologie chrétienne qui veut que le beau soit aussi un chemin vers la vérité.
Je vous encourage donc à poursuivre tout cet effort encore au moins vingt ans. Dans vingt ans les élus auront peut-être changé, et je ne serai peut-être plus là. Mais tous ensembles nous nous veillons à manifester cette continuité et cette vitalité de l’art, de la culture et de la foi dans la vie de notre ville.

Pour conclure je voudrais très symboliquement exprimer ma reconnaissance à toutes celles et à tous ceux qui ont été les fondateurs et les initiateurs d’Art, Culture et Foi autour du Cardinal Lustiger, en décernant à Monsieur Jonnart la médaille du Mérite diocésain. M. Jonnart est l’un des pères fondateurs, pour ne pas dire le père fondateur d’Art, culture et foi. Je lui dit l’admiration du diocèse pour tout ce qu’il a fait, en particulier au sein de cette association.

+André cardinal Vingt-Trois,
Archevêque de Paris

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