Conférence de presse du cardinal André Vingt-Trois lors du voyage de clôture de l’année Saint-Paul au Liban

Aéroport de Beyrouth (Liban) – 30 juin 2009

Conférence réalisée avant le départ pour Paris.

Chers Amis,

Je suis heureux de disposer de ces quelques instants avec vous avant de quitter le Liban après ce séjour très bref, certainement trop bref puisque je ne suis même pas resté 48 heures. C’est assez pour expérimenter la chaleur du légendaire accueil libanais, mais c’est trop peu pour pouvoir faire des conclusions.
J’ai pu néanmoins me faire quelques impressions, qui se sont ajoutées à ce que je savais déjà de ce Liban dont je me sens si proche et si solidaire, ce pays unique avec ses caractéristiques propres, ses richesses nombreuses et aussi ses difficultés.

Vous savez que le motif de ma visite était avant tout religieux, puisque je suis venu en tant qu’Envoyé Spécial de Sa Sainteté le Pape Benoît XVI pour la clôture de l’Année Paulinienne, année de prière et de réflexion de toute l’Église sur la figure de l’Apôtre Paul, sur ses écrits et surtout, sur sa conversion et son attachement au Christ. Avec le Saint Père à Rome et six autres frères Cardinaux, nous avons célébré la fin de cette année dans différents pays dans lesquels Saint Paul est passé, a vécu et a annoncé la bonne nouvelle du Christ.

La raison pour laquelle le Saint Père a choisi d’envoyer l’Archevêque de Paris pour cette mission au Liban me semble très claire. Au-delà des questions historiques et de la francophonie, elle tient aux liens qui unissent aujourd’hui nos deux pays, et aux relations multiples entre l’Église en France et les Églises au Liban. Ce sont des liens de cœur, des liens familiaux, on pourrait dire des liens de sang dans le sens le plus profond. Il y a peut-être une autre raison au choix du Saint-Père : en tant qu’Archevêque de Paris, je suis l’ordinaire des catholiques de rites orientaux qui résident en France. Et je connais donc un peu les communautés grecques-melchites, maronites ou syriaques présentes en France et leurs pasteurs. J’ai la joie de les rencontrer de temps en temps.

Dimanche soir à l’église du Christ Roi, j’ai pu partager un très bon moment avec une belle assemblée de jeunes, représentant la jeunesse libanaise. Leur joie et leur attention m’ont beaucoup touché. J’ai pu leur dire qu’ils sont et qu’ils doivent se sentir l’espérance et l’avenir de votre pays et de l’Église.

Quant à la Clôture officielle de l’Année Paulinienne, vous savez qu’elle a été célébrée à Harissa, dans la Basilique Saint Paul et que les représentants de toutes les Églises du Liban y étaient présents pour prier et méditer ensemble. Ce fut une belle occasion d’œcuménisme pratique, qui symbolise la vie quotidienne des chrétiens libanais.

Au cours de ces deux jours j’ai pu rencontrer les Patriarches, les Archevêques, les Évêques, les Prêtres, les Religieux et Religieuses et les Laïcs. J’ai rencontré les Églises du Liban, appelées à être l’Église du Christ, Sainte et Une.

Conscient que la dimension chrétienne est essentielle à l’avenir du Liban, et que les chrétiens de ce pays sont appelés à vivre en harmonie et en partage avec les communautés de foi non-chrétiennes, ma mission ne pouvait être complète, au moins symboliquement, sans une visite aux Chefs religieux sunnite, chiite et druse. J’ai donc visité au nom du Saint-Père leurs Excellences, le Grand Mufti de la République Cheikh Kabbani, le Vice-président du Conseil Supérieur Chiite, Cheikh Kabalan et Cheikh Hassan des Druzes. Je suis convaincu de l’importance de ces gestes qui dépassent largement la simple courtoisie.

Enfin, j’ai eu l’honneur d’être reçu au Palais Présidentiel de Baabda et d’y rencontrer le Chef d’État, son Excellence le Président Général Michel Sleiman. Cette rencontre naturellement incontournable m’a permis de rendre hommage aux Institutions de l’État libanais, mais aussi et surtout à Celui qui garantit le respect de la Constitution du Liban, et qui symbolise et assure l’unité du pays dans toutes ses composantes et dans sa vitale coexistence.

Ces rencontres et ces célébrations m’ont donc donné à voir cette réalité libanaise unique et singulière tant par ce qu’elle est aujourd’hui que par ce qu’elle aspire à devenir, à travers les idéaux de chacun des libanais. Quand le Pape Jean-Paul II a défini le Liban comme « Pays-Message », je crois qu’il ne s’agissait pas d’une simple rhétorique. Peut-être a-t-on abusé de cette expression ? Mais pour ceux qui cherchent à la vivre dans sa profondeur, elle conduit à un vrai engagement et donne un témoignage chaque jour plus important pour toutes les sociétés du monde. La réalité libanaise est en effet un point de repère pour la famille humaine toute entière. Ici, différentes communautés avec leurs caractéristiques et leur foi religieuse propres, vivent un même idéal national, interagissent et se sentent responsables ensemble de leur patrie et du bien commun. Sa Sainteté le Pape Benoît XVI a bien explicité cette réalité quand il a parlé du Liban comme d’un « trésor » confié aux libanais et à la communauté internationale ; un trésor à préserver, à développer et à offrir.

En saluant le peuple libanais au terme de ce court voyage, je ne peux que l’inviter à prendre toujours plus conscience de ce qu’il est et de ce qu’il doit être ; je ne peux que l’inviter à être fidèle à sa vocation d’être en même temps un et multiforme, à rappeler son histoire et même ses erreurs et, surtout, à ne pas oublier ceux de vos concitoyens qui ont payé de leur vie la défense des valeurs fondamentales de leur patrie.

Chers libanais, ce que vous vivez aujourd’hui dépasse les frontières de votre pays, parce que vous êtes en même temps enracinés dans cette partie du monde et parce que vous constituez un pont vital entre l’Orient et l’Occident.

Chacun de vous sait que ce destin singulier passe parfois par des moments plus difficiles, que ce projet se heurte à des conditionnements culturels et doit compter avec des intérêts politiques nationaux, régionaux et internationaux très divers. Mais le peuple libanais peut être assuré qu’il n’est pas seul dans cette problématique. Beaucoup de personnes, beaucoup de responsables de nombreux pays connaissent la richesse de la convivialité libanaise et la regardent comme un idéal à bâtir. Beaucoup voit dans l’exemple libanais une sorte de « laboratoire de collaboration » pour la recherche de solutions efficaces aux conflits qui agitent cette région du Moyen-Orient et aux défis des soit disant incompatibilités entre les cultures.
Il me semble que vous, les libanais, vous avez aujourd’hui l’occasion et les capacités de poursuivre ce défi. Je crois que vous savez et que vous pouvez développer un vrai dialogue national qui peut être exemple probant au plan international au service de la paix, de la collaboration et de la solidarité entre les nations et les cultures.

Merci de votre accueil, chers amis libanais, et que Dieu soit toujours avec vous.

André cardinal Vingt-Trois,
archevêque de Paris

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