Intervention du cardinal Vingt-Trois lors de l’assemblée diocésaine de lancement de Paroisses en mission

Cathédrale Notre-Dame de Paris – Samedi 26 septembre 2009

Samedi 26 septembre, le cardinal André Vingt-Trois a rassemblé à Notre-Dame de Paris les prêtres, diacres et membres des conseils pastoraux des paroisses de Paris pour présenter les orientations diocésaines pour les 3 prochaines années.

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PAROISSES EN MISSION.

« Nous rendons continuellement grâce à Dieu pour vous tous quand nous faisons mention de vous dans nos prières ; sans cesse, nous gardons le souvenir de votre foi active, de votre amour qui se met en peine, de votre persévérante espérance en notre Seigneur Jésus-Christ, devant Dieu notre Père, sachant bien, frères aimés de Dieu, qu’il vous a choisis. » (I Thes. 1, 2-3)

Ce que Paul écrivait aux chrétiens de Thessalonique exprime fortement ce qui habite ma pensée et mon cœur au moment où nous nous retrouvons ce matin. Je rends grâce à Dieu pour tout ce qui est entrepris et réalisé par les catholiques de Paris au nom de l’Évangile. Il les anime et les fortifie, et grâce à lui, en eux et par leur vie, la foi, l’espérance et la charité produisent beaucoup, plus encore que nous ne savons voir.
C’est pourquoi je souhaite d’abord que notre rencontre de ce matin soit placée sous le signe de l’action de grâce. Rendons grâce à Dieu qui nous a rassemblés aujourd’hui de toutes les paroisses du diocèse de Paris et des mouvements et services qui contribuent tous à la vitalité de notre Église.

Essayons de nourrir cette action de grâce en faisant mémoire des dons que nous avons reçus de Dieu dans notre Église et particulièrement dans notre diocèse de Paris. Nous avons commencé à le faire en suivant tout à l’heure l’évocation des grands événements qui ont marqué la vie du diocèse au long du quart de siècle écoulé.
Cette relecture est une occasion de faire mémoire du cardinal Jean-Marie Lustiger qui a été l’initiateur et l’animateur infatigable de l’ensemble de ces projets. Nous rendons grâce pour les fruits de son ministère épiscopal.

S’il a pu initier et stimuler un véritable élan missionnaire dans notre diocèse, c’est évidemment parce qu’il croyait que Dieu était à l’œuvre au cœur du peuple de Paris et que le dynamisme de la foi pouvait soulever les montagnes de l’indifférence. L’expérience nous a montré à tous que cette espérance n’était pas une illusion. Forts de ce chemin parcouru et dans le même regard de foi, nous abordons notre XXIe siècle avec confiance et sérénité.

Notre action de grâce ne porte pas seulement sur les grands événements de la vie diocésaine qui ont frappé tout le monde par des signes extérieurs impressionnants, comme les Journées Mondiales de la Jeunesse, Paris-Toussaint-2004 ou la visite du Pape Benoît XVI l’année dernière.
Elle inclut également la participation de tous à l’œuvre commune, car dans notre Eglise, il n’y a pas de chrétiens de « seconde classe » qui seraient les simples consommateurs de l’action des chrétiens de « première classe ». Nous formons un corps unique dans lequel chacun des membres a sa mission propre et son utilité.
Tous, nous sommes invités à rendre témoignage à l’Évangile du Christ dans tous les domaines de nos existences et les témoignages les moins spectaculaires ne sont pas forcément les moins importants. Une vie chrétienne fidèle porte des fruits durables.

Bien sûr, il y a bien des fidèles qui ne coopèrent pas aux activités paroissiales et qui cependant, se nourrissent profondément de l’Eucharistie dominicale. Ils la font fructifier dans leur vie personnelle, par le combat spirituel où ils s’engagent, dans leur vie conjugale et familiale, en élevant leurs enfants ou en accompagnant les membres fragiles de leur famille avec générosité et abnégation, dans leur vie professionnelle et sociale en faisant des choix audacieux, visant le meilleur en toutes choses.
Il n’est pas question de chercher à désigner de bons et de moins bons paroissiens. Mais il est important que tous partagent avec tous les richesses qu’ils reçoivent du Christ Seigneur, que chacun s’apporte à tous les autres. « Portez, écrit l’Apôtre, les fardeaux les uns des autres » (Ga 6, 2).

Nous devons donc rendre grâce pour la vitalité de la charité dans toutes nos paroisses. Cette vitalité se manifeste dans les nombreuses initiatives pastorales et missionnaires qui ont été prises dans les différents quartiers de Paris en fonction des situations locales et des besoins particuliers. Cette vitalité est particulièrement signifiée par l’implication de nombreux catholiques dans la vie de leur communauté à travers toutes sortes de services qu’ils accomplissent pour le bien de tous comme pour le bien de la cité.

Parmi celles et ceux qui sont ainsi des « serviteurs » des communautés et de leur action, je voudrais saluer plus particulièrement les femmes qui jouent un rôle irremplaçable dans la transmission de la foi et des mœurs.
Nous savons tous qu’aujourd’hui à Paris, des milliers de femmes sont engagées dans la catéchèse et l’animation des aumôneries de jeunes, dans l’accueil des paroisses ou dans l’animation des différents services de formation théologique et apostolique ou dans d’autres services ecclésiaux.
Nous ne considérons pas que leur apport à la mission de l’Église soit une simple commodité découlant d’une plus grande disponibilité pratique. Leur apport spécifique est beaucoup plus profond : il donne un visage concret de l’Église épouse et mère.

Je veux aussi rendre grâce pour la générosité de nombreux retraités. Plutôt que de laisser consommer leur temps libre par des activités quelconques, ils se portent volontaires pour mettre leur temps et leurs compétences sociales et professionnelles au service du bien commun, que ce soit dans la vie des paroisses ou dans des engagements associatifs.
Pour toutes celles et pour tous ceux qui font vivre nos communautés par leur disponibilité, leur générosité et leurs talents, nous devons rendre grâce. A eux tous nous pouvons exprimer notre reconnaissance.

A chacune et à chacun d’entre vous, je laisse le soin de compléter ce bouquet des motifs d’action de grâce en y joignant les noms et les visages de celles et de ceux qu’il connaît. Mais je ne saurais achever cette louange sans citer expressément ceux qui sont mes collaborateurs les plus proches dans la mission, les diacres et les prêtres.
Vous pouvez tous être témoins de leur générosité et de leur dévouement pour les missions que je leur confie. En cette année sacerdotale, ma pensée va particulièrement aux prêtres de Paris. Ils ne sont pas seulement des « permanents » de la mission. Ils sont ceux sans qui cette mission serait fondamentalement impossible.
Ceux grâce à qui l’appel de Dieu qui convoque son Église prend sa pleine dimension dans sa forme sacramentelle, particulièrement dans la célébration de l’Eucharistie qui construit l’Église et lui donne le dynamisme même de la charité de Dieu. Avec eux tous et avec vous je veux rendre grâce pour les fruits de leur ministère. Oui, nous pouvons chanter les merveilles que Dieu fait pour nous et avec nous.

J’ai voulu vous inviter d’abord à cette grande louange pour situer le contexte réel de notre mission ecclésiale. En ce début du troisième millénaire, notre Église est confrontée à des défis importants et notre mission est de faire face à ces défis.
Il y a bientôt quatre ans, le 3 décembre 2005, je vous avais invités à mettre en œuvre nos capacités de discernement et de décision au service d’une pastorale résolument missionnaire.
J’avais suggéré des domaines où il me semblait que l’apport de notre Église pouvait être utile et significatif. Le temps écoulé depuis a montré que ces domaines restent d’une actualité réelle. Qu’il s’agisse des familles et de la jeunesse ou de l’éthique et de la vie sociale, chacun de ces domaines est lourd d’attentes et de besoins.

Au cours de l’année écoulée, le débat national des Etats Généraux pour la révision des lois de bioéthique a permis de mieux percevoir comment chacun de nos concitoyens est concerné, au-delà des débats des spécialistes. Quant au champ social, la crise économique et financière récente accentue les fragilités et le dénuement d’un certain nombre de nos contemporains.
L’accueil des étrangers et les conditions de régularisation de leur situation restent des points sensibles de la vie de nos sociétés. Les perturbations diverses, législatives, réglementaires ou culturelles, qui atteignent les familles rendent chaque jour plus difficile l’exercice de la mission éducative d’une jeunesse soumise à toutes sortes de pressions. Ces quatre champs missionnaires sont donc toujours d’actualité.

Plus largement encore, chacun et chacune d’entre nous, comme chacune de nos paroisses et de nos diverses équipes, est sans cesse confronté à la mission que Jésus confie à ses Apôtres et qui demeure la nôtre : « Jésus s’approcha des disciples et leur adressa ces paroles : ‘Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc : de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit’. » (Mat. 28, 18-19).

Cette mission universelle demeure la nôtre, ici et maintenant. Nous avons à faire connaître à tous la Bonne Nouvelle du Christ Sauveur. Mais sommes-nous nous-mêmes convaincus que la connaissance du Christ est la clef du bonheur des hommes ? La multiplicité des cultures et des religions, quand elle est vécue dans la tolérance, ne nous paraît-elle pas plus conforme à l’esprit du temps ? Et si nous acceptons l’idée de cette mission, ne sommes-nous pas d’avance découragés devant la disproportion entre le but universel qu’elle nous fixe et la faiblesse des moyens dont nous disposons ?

La tentation nous guette toujours de croire que nous n’avons pas les moyens nécessaires à notre mission. Nous imaginons l’avenir en projetant les données du présent ou du passé immédiat, comme s’il ne pouvait pas y avoir de nouvelles forces. Notre objectif le plus raisonnable serait alors de gérer doucement l’effritement de nos ressources pour maintenir quelque chose de ce que nous avons connu, au moins aussi longtemps que nous.

Nous pouvons dresser la liste lancinante des réductions statistiques : moins de mariages, moins d’enfants baptisés et catéchisés, moins de prêtres, moins de personnes à la Messe le dimanche, vieillissement des personnes engagées dans la mission de l’Église, etc. On peut toujours interpréter les sondages (car finalement ce ne sont que des sondages) comme des signaux de détresse.
Mais on peut aussi lire leur signification positive. C’est un exercice auquel il est bon de nous astreindre pour ne pas succomber aux interprétations partiales et suggérées. Nous devons voir comme une chance pour la mission que 50 % des catholiques aient moins de 50 ans. Nous devons voir comme une chance que plus de 50 % des mariages tiennent dans la durée. Nous devons voir comme une chance que 80 % des enfants vivent avec leurs deux parents et que 30 % d’entre eux soient catéchisés.

Depuis décembre 2005, chacune des paroisses s’est courageusement mise au travail et le diocèse de Paris a récolté les fruits de ce travail. J’en ai fait un premier bilan le 19 mai dernier avec les curés et les responsables des services diocésains. Vous pourrez le lire à tête reposée dans le numéro de Paris Notre Dame du 4 juin dernier qui lui a été consacré ou sur le site du diocèse. Vous constaterez que ce travail a abouti à six convergences dont je résume ici l’essentiel :

1. Formation et développement de l’être chrétien.

2. Accueil en Église de la Parole de Dieu.

3. Décloisonnement de nos communautés.

4. Visibilité sociale de la vie chrétienne.

5. Aller vers ceux qui n’attendent rien de l’Église.

6. La culture de l’appel.

Maintenant, il nous faut continuer à progresser ensemble sur ces axes de la mission. C’est ce que je vous propose de faire pendant les trois années qui viennent en mettant en œuvre le projet diocésain :

Paroisses en mission (2009-2012).

Cette nouvelle étape ne constitue pas une initiative nouvelle qui se substituerait à ce que nous vivons depuis quatre ans. Elle en est la continuation, comme elle est la continuation de la vie missionnaire du diocèse de Paris dans le dernier quart de siècle, comme elle est la continuation de la mission de l’Église inaugurée à la Pentecôte. Chacune de ces trois années mettra en valeur un accent particulier de notre mission.

2009-2010 : De l’Eucharistie à la Mission.

2010-2011 : La famille et les jeunes.

2011-2012 : Une éthique de la solidarité.

Pour chacune de ces trois années, des moyens diocésains seront proposés pour répondre à ce qui a été exprimé lors des Assises de la Mission. Avant d’entrer dans le détail de ces moyens, je souhaite attirer votre attention sur le choix délibéré que j’ai fait de centrer notre effort sur les paroisses du diocèse. Pour progresser dans l’annonce de l’Évangile et faire évoluer nos manières d’agir, nous devons impérativement trouver des forces nouvelles.
Si, chaque fois que nous essayons de faire quelque chose, nous nous tournons toujours vers les mêmes personnes, vers celles que nous connaissons déjà et qui sont déjà surchargées de tâches diverses, nous pouvons déjà prévoir qu’il n’y aura pas beaucoup d’initiatives nouvelles, mais plutôt un effort épuisant pour maintenir à tout prix ce qui existe déjà et qui s’usera inéluctablement.

La culture de l’appel n’est pas une parade à cet essoufflement, c’est la préoccupation de mettre en œuvre des moyens qui permettent à des femmes et des hommes nouveaux de faire un pas de plus, - peut-être seulement un petit pas -, mais un pas de plus dans leur participation à la mission de l’Église.
Comment identifier ces personnes, comment les aider à prendre une part plus active à la mission ? Chaque dimanche, dans les églises parisiennes, de nombreux paroissiens viennent participer à l’Eucharistie. Ce rassemblement régulier de plusieurs dizaines de milliers de personnes est une de nos ressources les plus précieuses.

C’est d’abord une ressource quantitative qui constitue pour nous une responsabilité morale. Dans notre société, aucune autre organisation ne dispose d’un tel moyen de rassemblement, de communication et de mobilisation. Nous pouvons et nous devons faire fructifier cette richesse qui nous est littéralement donnée par l’appel de Dieu qui convoque son peuple. Mais, plus qu’une ressource quantitative, il s’agit surtout d’une ressource qualitative. En effet, ces dizaines de milliers de personnes ne sont pas réunies pour assister à un spectacle, même liturgique, plus ou moins réussi.
Elles sont rassemblées pour prendre leur place de membres du corps ecclésial du Christ ressuscité. La célébration dominicale de l’Eucharistie suscite et nourrit ce corps ecclésial. Elle lui donne sa pleine dimension sacramentelle et lui infuse le dynamisme de l’Esprit-Saint, si bien que toute mission ecclésiale découle de cette célébration eucharistique qui en est comme le foyer incandescent. Tous les catholiques y ont part, qu’ils puissent ou qu’ils ne puissent pas communier à la table eucharistique.

« L’Eucharistie est le lieu d’où découle toute la vitalité de notre Église et vers lequel convergent toutes nos activités missionnaires. C’est particulièrement le cas des Eucharisties dominicales qui n’ont pas vocation à être indéfiniment multipliées mais qui doivent, au contraire, rassembler le plus possible la communauté paroissiale qui y trouve son identité. » (Notre mission à Paris. 3 décembre 2005).

De même que c’est à partir de la célébration eucharistique que doit se comprendre et se vivre la mission de l’Église, de même c’est dans les rangs des participants à l’Eucharistie que nous devons trouver et appeler celles et ceux qui peuvent devenir de nouveaux acteurs pour cette mission. Comment pouvons-nous passer d’une assemblée d’individus isolés à une véritable communauté humaine ?
Nous savons bien que cette question a une acuité particulière dans le diocèse de Paris, comme dans beaucoup de grandes agglomérations. Il nous faut mettre en œuvre des moyens simples pour que le dynamisme missionnaire de nos eucharisties se déploie et se diffuse dans la vie de chacun des participants et dans la communauté tout entière.

C’est pourquoi la première des trois années de Paroisses en mission est tout entière orientée sur une mise en mouvement des participants des messes du dimanche. Il s’agit, d’une certaine façon, d’éveiller les forces potentielles disponibles et de les rendre plus actives pour que la vie de notre Église en devienne plus belle et plus attirante.

L’assemblée paroissiale.

C’est dans ce but que je demande à chaque paroisse d’organiser deux assemblées paroissiales au cours de cette année scolaire.

L’assemblée paroissiale doit aider les chrétiens fidèles du dimanche à mieux mesurer que leur participation à la messe marque leur vie, les nourrit, les fortifie, entretient en eux l’homme nouveau. Elle doit les aider aussi à découvrir qu’ils sont capables de rendre compte de ce qu’ils reçoivent de l’Eucharistie et qu’ils trouvent de la joie à entendre leurs frères et leurs sœurs partager ce qu’ils reçoivent eux aussi. Tous nous devons réaliser davantage comment notre participation à la messe peut et doit changer quelque chose dans notre manière de vivre. Car la vie nouvelle à laquelle nous sommes tous appelés concerne aussi bien notre vie personnelle que notre vie ecclésiale et sociale.

Pour la tenue de ces assemblées paroissiales, je sais que vous serez attentifs à plusieurs éléments :
 Une invitation large et répétée pendant plusieurs semaines qui atteigne le plus grand nombre des participants aux messes dominicales, y compris les enfants et les jeunes.
 Un temps convivial qui permette réellement aux participants de vivre une relation plus personnalisée entre eux.
 Un temps d’accueil de la Parole de Dieu.
 Un temps de travail et d’échange.
 Un temps de prière.

Vous trouverez dans votre dossier une note qui développe ces différents points.

D’autre part, les Assises diocésaines pour la Mission ont permis une rencontre entre des représentants de différentes paroisses ou communautés. Ce décloisonnement a été perçu comme un enrichissement et un approfondissement de la dimension ecclésiale de notre effort commun. De même la demande récurrente d’une formation première pour la Mission a été souvent rappelée. Les fidèles n’ont pas besoin seulement d’être informés ; ils demandent à être formés. Pour faire droit à ces deux attentes nous proposons des

Modules de formation.

Ces modules ont pour but d’approfondir le thème de cette année : « De l’Eucharistie à la Mission. » Nous le ferons en travaillant à partir de l’Écriture et des textes du Concile Vatican II. L’expérience vécue ainsi par les représentants des différentes paroisses pourra enrichir le contenu des Assemblées paroissiales et forger progressivement dans le diocèse une même culture de la mission. Vous allez recevoir tout à l’heure le programme des quatre modules de cette année.

Après une évaluation du travail accompli au cours cette première année, nous ajusterons les moyens mis en œuvre pour les années suivantes. Nous devons nous aider les uns les autres à rendre compte de l’espérance qui est en nous. Le défi est grand aujourd’hui. Nous vivons dans un monde où les hommes de tous les pays, toutes les races, toutes les langues, toutes les religions, toutes les croyances bougent, se rencontrent, se mêlent. Dans un pays comme le nôtre cohabitent des personnes dont les représentations culturelles et spirituelles sont très différentes.
Nous ne pouvons plus compter sur la société pour nous fournir toutes les raisons de vivre et d’agir. C’est à chacun de nous de puiser en lui les motifs profonds de ses actes. C’est la grandeur de l’homme de viser à travers tous ses actes, dans toutes les dimensions de sa vie, ce qui le dépasse et ce qui l’oriente vers la vie éternelle. Le pape Benoît XVI nous l’a dit avec force et finesse l’an dernier dans son discours aux Bernardins : à une époque de changement de civilisation, ce sont ceux qui cherchaient Dieu de tout leur cœur et de toute leur intelligence qui ont contribué à bâtir la civilisation nouvelle. Ils l’ont fait comme par surcroît, parce que, dans leur travail intellectuel et dans leur travail manuel, ils visaient ce qui porte l’homme vers l’éternité.

Le dispositif que je vous propose pour les années à venir est à la fois modeste et exigeant. Il est modeste : en soi deux assemblées paroissiales et quatre modules de formation ne suffiront certes pas à transformer nos communautés eucharistiques. Mais beaucoup de choses changeront si nous consentons tous à mieux organiser notre vie à partir de l’Eucharistie ; beaucoup de choses peuvent changer dans notre manière de vivre notre foi si nous adhérons mieux au dynamisme interne de l’Eucharistie.

Dans l’Eucharistie, nous célébrons le Christ Seigneur qui vient vers nous pour se donner tout entier. C’est là le mystère de notre foi. De ce mouvement que le Seigneur fait vers nous pour nous entraîner vers son Père, nous recevons la grâce de vivre intensément les réalités de ce monde en visant à travers elles les biens que Dieu nous promet : l’union à Dieu et l’unité de tout le genre humain. Parce que le Seigneur Jésus s’est abaissé par obéissance au Père et par amour pour nous et parce qu’il a été glorifié, nous avons l’audace de situer nos vies non pas dans l’horizon de la mort et du péché mais dans l’horizon de la vie éternelle partagée par tous ceux qui auront accueilli, d’une manière ou d’une autre, le salut apporté par le Christ.

Pour nous, la mission n’est pas une activité parmi les autres. Elle ne s’ajoute pas à la vie chrétienne comme une dimension facultative. Le mot « mission » veut dire que nous sommes des envoyés. Qui que nous soyons, où que nous soyons, nous, baptisés confirmés, savons que nous sommes en ce monde comme des envoyés. Nous avons quelque chose à faire ici-bas, que nous ayons de grandes responsabilités aux yeux du monde ou que nous soyons quelqu’un de modeste et d’inconnu.
Dieu, lui, compte sur chacun de nous. Dieu, lui, attend de chacun de nous qu’il laisse pénétrer tout ce qu’il vit par la foi, l’espérance et la charité. Alors, ceux qui nous entourent remarqueront, en ouvrant leurs yeux et leurs cœurs, que nous vivons comme tout le monde mais aussi différemment. Ils pourront nous demander un jour pourquoi nous vivons ainsi, de quoi nous vivons, si nous nous montrons disponibles pour de telles questions. Par le don de l’Esprit-Saint reçu au baptême et à la confirmation, nous sommes tous capables de dire qui est Jésus, qui il est pour nous, qui il est pour tous les hommes, qui il veut être pour tous et pour chacun, lui, « l’espérance de la gloire » (Col 1,27).

+André cardinal Vingt-Trois,
archevêque de Paris

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