Accueillir l’enfant au risque du handicap ou programmer l’enfant à la mesure du désir ?

Le 19 novembre 2009, à propos de l’avis n° 107 du CCNE sur les diagnostics anténatals, par le Père Brice de Malherbe, Délégué de l’Archevêque de Paris pour les établissements hospitaliers catholiques.

Le Comité Consultatif National d’Ethique vient de rendre public un avis sur « les problèmes éthiques liés aux diagnostics anténatals : le diagnostic prénatal (DPN) et le diagnostic préimplantatoire (DPI) » .
Dans le cadre de cet avis le CCNE, tout en exposant les ambiguïtés éthiques du DPI qui inclut le tri et l’élimination de nombreux embryons, avalise cette pratique autorisée à titre exceptionnel par la loi .

La majorité des membres a estimé que l’on pouvait même, dans le cadre d’un DPI déjà engagé pour une autre maladie génétique, étendre ce diagnostic à la trisomie 21. En conséquence « le CCNE recommande de lever l’actuelle interdiction de procéder à la détection d’une trisomie 21 avant de transférer les embryons non atteints de l’anomalie recherchée afin d’éviter le risque d’une trisomie révélée au cours de la grossesse. »

Une telle recommandation est en totale contradiction avec le souci exprimé par le CCNE de réduire « le risque lié à la tentation de privilégier l’élimination anténatale plutôt que la recherche des moyens de guérir les maladies » et « celui de voir se multiplier des situations génératrices d’anxiété, des arrêts de grossesse précipités et inappropriés du fait des progrès des techniques diagnostiques et de l’identification chez l’embryon à un stade précoce d’un grand nombre de marqueurs de susceptibilité à des maladies fréquentes ». Comment le comité peut-il inciter les pouvoirs publics à « veiller à améliorer les représentations sociales liées au handicap des personnes atteintes de trisomie 21 » et en même temps accentuer le rejet des enfants porteurs de handicap en ouvrant le DPI à la trisomie 21 ?

Le CCNE aurait-été bien inspiré d’être attentif à la mise en garde du Conseil d’Etat qui, dans son étude sur la révision des lois de bioéthique, a conclu : « tout assouplissement du DPI induit des risques supplémentaires d’eugénisme » . De même, à l’occasion des états généraux de la bioéthique, les citoyens interrogés ont émis « de fortes réserves » quant à l’extension du recours au DPI, ont souhaité qu’« à l’occasion d’un DPI ne soit recherchée qu’une et une seule maladie » et ont exclu le recours au DPI « comme moyen d’éradication des maladies » . Connaissant le contexte actuel où 96% des enfants in utero diagnostiqués porteurs de la trisomie 21 sont éliminés, le CCNE augmente de manière irresponsable, par sa recommandation, la pression sociale incitant au rejet de ces enfants pourtant généralement parfaitement viables et tout à fait capables de vivre une intégration familiale et sociale épanouissante malgré les souffrances qu’ils portent.

Car, s’il convient bien sûr de prendre en compte la souffrance des parents confrontés à l’annonce d’un handicap probable touchant leur enfant, il ne s’agit pas d’oublier que cet enfant en est la première victime. La société devrait se rendre solidaire de leur souffrance conjointe en favorisant l’accueil et en allégeant la prise en charge de ces enfants plutôt que d’inciter les uns à devenir les agresseurs des autres jusqu’à leur élimination physique.

Mais il y a plus grave encore, comme l’ont souligné certains membres n’ayant pas voulu souscrire à cette recommandation particulière du CCNE, une telle mesure « modifie le fond de la pratique du DPI en abolissant une limite. La trisomie pourrait ne pas être la seule malformation recherchée et la transposition à toutes les procréations assistées pourrait être envisagée » . La logique de la recommandation du CCNE est en effet de proposer un DPI de la trisomie 21 pour éviter le traumatisme d’une « Interruption Médicale de Grossesse », solution acceptée, même à contrecœur, par la plupart des femmes en cas de diagnostic anténatal de risque de trisomie. Un tel raisonnement ouvre la porte à une proposition massive du DPI lorsque l’on sait que dans environ 97 % des cas, la trisomie 21 est liée au hasard, le seul facteur de risque clairement identifié étant l’âge maternel. Va-t-on vers une supplantation de la procréation naturelle par une procréation programmée ?

Le CCNE peut regretter que l’on parle de l’« éradication » de la trisomie comme l’on parle de l’éradication des maladies infectieuses . On ne peut cependant nier les faits. Ne faut-il pas avoir le courage de le reconnaître ? Pour inverser la tendance, la promotion et le financement par les pouvoirs publics de la recherche existante en vue d’une meilleure prise en charge des personnes atteintes de trisomie 21 et d’un meilleur traitement de leur maladie ne constituent pas seulement une alternative aux pratiques de dépistage , comme si traiter un malade ou prendre les moyens de l’éliminer étaient à mettre sur le même plan. Comme l’ont affirmé les citoyens des Etats Généraux de la bioéthique, « la solution au handicap passe exclusivement par la recherche sur les maladies et non par l’élimination » .

19 novembre 2009

Père Brice de Malherbe
Délégué de l’Archevêque de Paris
pour les établissements hospitaliers catholiques

L’embryon et la recherche

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