Homélie de Mgr André Vingt-Trois - Vigile de Pentecôte 2007 - Confirmations d’adultes

Cathédrale Notre-Dame de Paris - samedi 26 mai 2007

Lors de la vigile de Pentecôte, 192 adultes venus de toutes les paroisses parisiennes ont été confirmés. Dans son homélie, Mgr Vingt-Trois les invite à accueillir la puissance de l’Esprit Saint pour devenir des témoins de la foi.

Frères et sœurs,

vous qui allez être confirmés dans l’Esprit-Saint ,vous avez eu soif et vous êtes venus vers les fleuves d’eau vive. Cette soif qui a commencé à poindre au moment de votre baptême s’est développée au long de votre existence, parfois de façon secrète, imperceptible à vos propres yeux, parfois de façon sensible.

Pour les uns, des années d’éloignement, d’indifférence, de soucis de toutes sortes, de préoccupations diverses, d’attrait pour quantités d’activités, les ont détournés de la source d’eau vive, et là où l’eau du baptême avait commencé à faire sourdre une source, c’est la sécheresse de l’existence qui a commencé à se faire sentir. D’autres, fidèles au fond du cœur à la foi reçue, ne trouvaient plus les chemins pour l’exprimer et ne retrouvaient pas dans la communauté de l’Église les lieux pour la nourrir. D’autres encore, sincèrement ignorants même du baptême qu’ils avaient reçu, élevés sans pouvoir connaître le Christ, grandissant paisiblement dans une ignorance complète, voient une brèche s’ouvrir dans leur vie, soit par un accident, soit par la rencontre de quelqu’un qui les bouleverse, soit plus simplement par l’expérience de l’amour qu’ils voient naître envers leur conjoint, soit encore par l’initiation chrétienne qu’ils sont appelés à accompagner chez leurs enfants ou par le baptême dont ils vont devenir parrains ou marraines. Bref, des événements imprévisibles font surgir soudain une question centrale :"De quoi ai-je besoin ?"

Avez-vous besoin du Christ pour vivre ? Avez-vous besoin de Dieu pour être heureux ? Avez-vous besoin de la foi pour que votre existence s’épanouisse ? A beaucoup de moments de votre vie, vous auriez pu répondre"non" à ces questions. Si, aujourd’hui, vous êtes venus ici pour être confirmés, c’est que, maintenant, à ces questions, vous répondez"oui", pour toutes les raisons que j’ai dites et pour d’autres encore. La réalité de votre vie est devenue indissociable de la relation avec Dieu, même si, pour longtemps encore, je le souhaite du moins, jusqu’à votre mort, cette rencontre avec Dieu demeure dans le registre de"l’espérance des choses qu’on ne voit pas", comme nous disait saint Paul (He 11, 1 ), et non pas dans l’évidence des choses que l’on voit.

En tout cas, peu à peu, de différentes manières, la réalité de Dieu s’est inscrite dans votre histoire humaine au point que vous avez franchi la porte qui vous séparait encore de la plénitude de la vie chrétienne. Le germe déposé en vous par le baptême poussait à votre insu, l’espérance de l’amour répandu en vos cœurs par le don de la grâce de Dieu forçait en vous les résistances, et sans que vous puissiez toujours expliquer ni comment ni pourquoi, à la manière dont l’amour fait irruption dans une vie, la question du Christ est devenue votre question, au point d’accepter de rejoindre cette Église que parfois vous aviez quitté, que pour certains vous n’aviez jamais connue, ou dont vous aviez par-devers vous des images peu attrayantes ou dont, peut-être, vous ne pensiez pouvoir être vraiment membres.

Un jour, appuyés aux bras d’autres chrétiens, soutenus par la prière invisible d’une multitude d’hommes et de femmes à travers le monde, portés comme le paralytique que l’on dépose devant les pieds de Jésus, vous avez franchi la porte et vous avez posé la question : « Pourquoi pas moi ? » Ce soir, en vous appelant par votre nom, Dieu a répondu à votre question : « Ce soir, c’est toi que j’appelle ». Si cet appel retentit au cœur d’une assemblée ecclésiale aussi nombreuse, aussi riche et aussi puissante pour vous porter, il n’empêche que la parole de Dieu touche mystérieusement et secrètement le cœur de chacune et de chacun d’entre vous.

L’Esprit-Saint répandu sur les apôtres est un don unique dont, cependant, chacun reçoit une part par le symbole de la flamme qui repose sur lui. Le signe de l’Esprit-Saint est l’unique colombe qui contient ici le Chrême dont vous allez être marqués, c’est le symbole d’une réalité unique et il vaut non seulement pour vous mais pour toute l’Église comme il a valu pour le Christ sortant des eaux du baptême au moment où l’Esprit est venu sur lui sous la forme d’une colombe, et cependant c’est sur chacun et sur chacune d’entre vous que l’onction va être faite avec cette huile sainte, pour vous et pour vous seuls, unis tous ensemble dans la communion de l’Église, sans que la personnalité unique de chacun soit absorbée ou effacée.

Vous ne pouvez vous approcher que portés par l’Église, mais c’est à chacune et à chacun d’entre vous que le don de Dieu est fait, pour votre vie, pour l’achèvement de la grâce du baptême dans votre existence, pour faire de vous des chrétiens à part entière. Ce n’est pas simplement l’Esprit répandu sur l’univers, c’est l’Esprit donné à Pierre, Paul, Marie, Béatrice, Édith, etc. C’est par votre nom que nous vous appellerons au moment où nous vous marquerons. Le don de l’Esprit-Saint répandu ce soir fait grandir en même temps la puissance de Dieu dans votre existence, dans votre liberté, dans votre vie personnelle, comme il fait grandir la vie de l’Église en décuplant les forces de l’amour et de la charité au cœur des chrétiens.

C’est parce que vous allez atteindre la plénitude de votre dimension personnelle unique que l’Église va devenir plus riche de votre présence. C’est parce que l’amour du Christ va faire éclater les limites de votre cœur que la charité de l’Église va devenir plus vivante et plus palpable. C’est parce que vous serez davantage en communion avec Dieu que vous deviendrez mieux capables d’être en communion avec vos frères, avec ceux qui vous sont les plus proches : vos époux, vos épouses, vos parents, vos enfants, vos familles, vos amis, vos communautés chrétiennes, et la foule innombrable des hommes et des femmes au milieu desquels vous portez la flamme de la lumière. C’est la puissance de l’Esprit qui va vous rendre capables non seulement de trouver votre consolation en Dieu mais de devenir à votre tour artisans de la paix, témoins de la miséricorde, bâtisseurs de l’unité. C’est la puissance de l’Esprit que vous recevez qui va faire de vous des témoins de la foi, non pas en vous transformant en prédicateurs ambulants mais en faisant de vous des hommes et des femmes qui vivent de la parole du Christ.

Ainsi, de votre cœur, c’est-à -dire à la fois de votre intelligence, de votre liberté, de votre décision et de l’amour qui vous habite, vont jaillir des fleuves d’eau vive auxquels vont venir s’abreuver ceux qui meurent de soif. Le désir secret qui habitait votre cœur et que vous avez connu pendant des années habite le cœur de tout homme, même s’il ne le connaît pas ; la source d’eau vive que vous avez reconnue dans le Christ, vous pouvez en être le relais, le signe, la présence, au milieu du monde. Confirmés dans le Christ, marqués par l’onction du Christ, vous devenez à votre tour Christ vivant en ce monde.

Frères et sœurs, la marque par laquelle vous êtes consacrés à Dieu dans l’Esprit-Saint, la marque ineffaçable qui va pénétrer votre front comme l’huile pénètre le tissu, la marque qui fait de vous des amis de Dieu, des membres de sa famille, cette marque n’est pas la marque de l’esclave, c’est la marque de l’homme libre ; cette marque n’est pas la marque de la tristesse, c’est la marque de la joie ; cette marque n’est pas un nouveau poids qui va peser sur vos épaules, c’est un dynamisme nouveau qui va traverser votre vie. Avec vous, nous rendons grâce à Dieu pour la puissance active de son Esprit en ce temps que nous vivons ; avec vous, nous rendons grâce à Dieu pour les chemins par lesquels il vous a conduits ici ce soir ; avec vous, nous rendons grâce à Dieu pour les fruits qu’il produira dans votre vie par l’amour vécu au nom de son Esprit. Frères et sœurs, en silence, accueillons le Don de Dieu.

+ André Vingt-Trois
Archevêque de Paris

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