Homélie de Mgr André Vingt-Trois – Obsèques de Mgr Giraud

Cathédrale Notre-Dame de Paris – samedi 4 mars 2006

Evangile selon Saint Matthieu chap. 5, versets 13-16.

Frères et Sœurs,

En quoi consiste la lumière que nous sommes chargés de faire briller au milieu des hommes ? Elle est la lumière du Christ dont nous sommes constitués les témoins au bénéfice de l’humanité tout entière. Les lectures que nous venons d’entendre nous aident à découvrir quelle est la mission que Jésus confie à ses disciples quand il les désigne comme le sel de la terre et la lumière du monde. Ils sont envoyés pour éclairer les hommes et aussi pour les stimuler, pour en faire des êtres de progrès pour l’humanité. Mais le ressort profond qui rend les hommes à la fois lumière et sel, qui en même temps éclaire l’intelligence et suscite dans le cœur la volonté d’agir, saint Paul nous en donne le nom : c’est l’amour, la charité de Dieu répandue en nos cours par la foi, et qui est le premier des charismes.

Comme vous le savez, ce passage de la première épître aux Corinthiens, que l’on appelle communément l’hymne à la charité, vient à la suite d’une énumération des différents dons que l’Esprit Saint répand dans l’Église pour le bénéfice du corps tout entier. Ce que nous appelons des charismes. Mais l’ensemble de ces dons, dans leur diversité, ne constituent que des approches plus particulières de celui qui est le don suprême, qui l’emporte même sur la foi et sur l’espérance, puisque seule la charité demeure au-delà de notre vie.

Quand nous sommes invités à méditer sur ce don suprême, nous sommes invités en même temps à méditer sur la condition chrétienne dans ce qu’elle a de plus radical. Nous ne sommes pas baptisés pour donner telle ou telle image particulière de ce que Dieu accomplit pour l’humanité, – il est bien normal que chacun d’entre nous, en fonction de sa personnalité, de ses qualités, de ses talents, de ses limites, apporte une contribution particulière à l’image que l’Église doit donner du Christ en ce monde –, mais il est une chose qui ne peut se réduire à aucune particularité, c’est le témoignage de la charité. Et d’une certaine façon, ce témoignage de la charité est aussi la clef qui permet de comprendre le sens du ministère pastoral : le ministère pastoral est d’abord au service de la communion de l’Église. Nous sommes consacrés pour réunir le peuple de Dieu et pour donner avec lui au monde le témoignage de la charité fraternelle vécue entre les membres du Christ.

La vie et le ministère de Pierre Giraud ont été une manière d’accomplir ce ministère et de témoigner de cet amour. Il l’a fait à travers sa personnalité, ses qualités, son enthousiasme, ses talents, ses défauts aussi bien sûr. Il a été probablement parmi nous un de ceux qui ont rendu ce témoignage avec un enthousiasme et une vigueur qui ne sont pas l’apanage de tous. Il n’y avait pas pour lui d’obstacle qui ne puisse être affronté ou surmonté. Dès l’instant qu’il était convaincu que telle action était ce qu’il fallait faire, il avançait résolument et il surmontait les difficultés, sans épargner sa peine et sans mesurer les cicatrices qu’il pouvait garder de ces combats, parfois homériques. Donné pour le service de l’Évangile, il ne calculait jamais ce que coûtait pour lui le ministère qui lui était confié. Donné tout entier au service de l’Église, il a été un serviteur fidèle au long de plusieurs décennies à travers lesquelles aussi bien la vie chrétienne que le ministère sacerdotal se sont profondément transformés. Parce qu’il était un serviteur fidèle de l’Église, il a vécu ces transformations non pas en mesurant d’abord ce qui changeait ses habitudes, mais en mesurant le bénéfice que l’Évangile pouvait tirer des nouvelles conditions dans lesquelles nous sommes appelés à vivre et à exercer notre ministère.

Pour terminer, je voudrais simplement vous lire quelques lignes que Pierre Giraud avait écrites. Il avait probablement dans l’idée de les prolonger, mais nous les avons telles que je vous les donne. Elles illustrent bien le don total qu’il a fait de lui-même dans le service du ministère et dans le témoignage de l’amour.

« Dans les différentes missions qui m’ont été confiées, j’ai toujours cherché à mettre en évidence l’amour que Jésus a porté aux hommes, j’ai toujours eu le souci de révéler sa présence agissante au sein des événements de ce temps. L’essentiel du message que j’ai essayé de transmettre se résume ainsi : Dieu nous a aimé le premier, et nous devons aimer tous nos frères avec l’amour qu’il a déposé en nos cours. Tous mes efforts ont eu pour but de nous rassembler tous en Jésus-Christ.

D’autre part, j’ai eu une attention particulière aux institutions chrétiennes, car l’Église ne doit pas se contenter de proclamer son message, elle doit aussi l’incarner dans des actions collectives.

Si j’ai péché contre l’un de mes frères, je lui demande de bien vouloir me pardonner comme je pardonne moi-même à tous ceux qui ont pu me faire du mal.

Je vous quitte dans l’attente de la résurrection promise et du rassemblement de tous dans le Royaume qui nous a été promis. »

Frères et Sœurs, c’est dans cette attente de la Résurrection, c’est dans le rassemblement qui se constitue peu à peu au long des siècles, que nous accompagnons Pierre Giraud, pleins d’espérance et d’action de grâce pour son passage parmi nous. Pour la lumière qu’il a portée au milieu des hommes, pour la charité dont il s’est fait le serviteur, pour le témoignage qu’il a rendu, rendons grâce à Dieu.

Amen.

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