Homélie de Mgr André Vingt-Trois pour la profession temporaire de 3 petites soeurs de Béthléem

Monastère Notre-Dame de la Présence de Dieu, place Victor Hugo à Paris (XVI) - samedi 1er septembre 2007

Samedi 1er septembre, Mgr Vingt-Trois a reçu au nom de l’Église les vœux de trois Petites sœurs de Bethléem auxquelles il a donné la consécration religieuse.

Soeur Myriamen est portugaise, d’une famille liée au Chemin néo-catéchuména ; soeur Myriam est polonaise ; soeur Orhylia est française. Sa famille habite Lille mais elle a été en classes préparatoires au Lycée Janson-de-Sailly (XVI). Elle a 7 frères et soeurs, l’un de ses frères est Petit frère de Bethléem. Deux autres servaient la Messe. Après le chant du Credo et la prière universelle, au moment de l’offertoire, les soeurs se sont avancé à l’appel de l’évêque pour dire leur volonté de se consacrer par les voeux de pauvreté, de chasteté et d’obéissance. L’évêque a alors demandé à la communauté du monastère si elles étaient prêtes à accueillir cette soeur nouvelle et à l’aider à atteindre le Christ, il l’a demandé aussi à un frère, représentant les Petits Frères de Bethléem. L’évêque a lu une longue exhortation présentant la vie religieuse comme vie nuptiale avec le Christ à partir de textes des Pères de l’Eglise et des Pères du désert. Chaque soeur s’es t ensuite approché pour que l’évêque, aidé par la prière, lui coupe quelques mèches de cheveux : "Voyez à qui je vous unis, de qui je vous sépare, au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit" ; la soeur recevait ensuite le voile et la cuculle (habit de choeur, vaste coule). Chaque soeur ensuie a prononcé entre les mains de la prieure sa consécration et celle-ci lui a promis de l’aider de toutes ses forces et de faire confiance à ce que l’Esprit-saint lui donnerait de vivre. Enfin, chaque soeur accompagné de ses parents, qui lui ont donné la vie et en demandant pour elle le baptême la vie dans l’Esprit, a signé l’acte de consécration ainsi que la prieure, l’évêque et les prêtres présents signant comme témoins.

Homélie

La célébration que nous vivons aujourd’hui attire notre attention et, sans doute, pour beaucoup d’entre vous, notre émotion, sur la démarche de nos trois sœurs. Ce qui nous frappe, c’est l’engagement qu’elles prennent ; c’est le choix de vie dans lequel elles donnent toute leur existence ; c’est leur désir de s’engager, par des vœux, temporaires certes mais dont nous savons que l’intention est la perspective d’un engagement définitif. Ainsi, nous sommes attirés, intrigués, surpris, touchés par cette démarche de leur liberté.

Les paroles de l’Écriture que nous venons d’entendre nous invitent à découvrir comment l’événement d’aujourd’hui s’inscrit dans une histoire qui n’est pas construite sur le choix que nous faisons de Dieu mais sur le choix que Dieu fait de nous. Si bien que ce qui nous intrigue et nous impressionne dans leur démarche d’aujourd’hui n’est que la face visible d’un événement autrement important et décisif, qui est l’engagement de Dieu à l’égard de chacune d’entre elles, l’engagement de Dieu à l’égard de son Église, l’engagement de Dieu à l’égard de l’humanité. Les chemins que suivent chacune de nos existences, avec leurs évènements imprévisibles, parfois mystérieux, ne peuvent pas se comprendre et en tout cas ne peuvent pas se vivre dans la paix et la joie s’ils sont parcourus en faisant abstraction de la clé d’interprétation que Dieu lui-même nous donne : ce qui arrive, ce qui advient comme événement, les tournants, les étapes, les seuils importants dans notre vie, ne sont jamais que des épisodes dans une longue histoire dont nous ne possédons pas la totalité. Ce qui est décisif, ce n’est pas le choix de vie de nos soeurs, c’est le choix que Dieu a fait de les appeler.

Nous sommes témoins aujourd’hui d’un épisode de cette longue histoire d’amour au cours de laquelle Dieu a pris l’initiative. C’est l’histoire de ce choix par lequel il décide de prendre ses amis ; c’est l’histoire de ce choix par lequel il décide de se choisir un peuple parmi tous les peuples et d’en faire son peuple élu ; c’est l’histoire de ce choix par lequel il appelle l’humanité à la vie. « Ceux que Dieu a choisis,il les a d’avance prédestinés », non pas en forçant leur liberté par une sorte de construction préalable à l’intérieur de laquelle ils n’auraient plus aucune marge de décision, mais il les a prédestinés par le choix de son amour pour construire en eux la liberté de répondre.

Ce que nous voyons de manière particulièrement saisissante dans l’engagement de nos sœurs, c’est selon l’enseignement que nous a donné le Concile Vatican II une forme d’incandescence de la réalité de l’existence des baptisés. Par le choix radical auquel elles sont appelées, par leur réponse libre, elles mettent en œuvre d’une façon plus éclatante ce qui est le ressort de toute existence baptismale : choisis gratuitement par Dieu pour devenir ses enfants, nous sommes invités à répondre gratuitement en lui faisant l’hommage de notre amour à travers les différents évènements de notre vie. Et là où le regard aveuglé ne voit qu’une succession d’évènements sans signification et, parfois, d’évènements malheureux, le cœur éclairé de celui que Dieu appelle et choisit discerne la construction d’une histoire d’amour par laquelle Dieu veut manifester sa miséricorde au milieu des hommes.

Ce regard de foi qui nous conduit à discerner l’invisible derrière les évènements visibles, il se construit, il s’éduque, il se développe, à travers la rencontre du Seigneur dans le secret de la prière. Il se nourrit par la méditation de la Parole de Dieu, il se fortifie par la grâce des sacrements.

Aujourd’hui, par la parole que chacune de nos sœurs va donner en réponse à l’appel de Dieu, le regard de la foi est invité à discerner la réponse que nous sommes appelés à donner à la grâce qui nous a été faite par le baptême en devenant les amis du Christ. Il nous a choisis pour que nous portions du fruit et c’est la plénitude de la joie de savoir que, jour après jour, à travers tous les évènements de notre vie, la sagesse de Dieu produit son fruit et un fruit qui demeure, même si par instants il reste enfoui et caché à nos yeux.

C’est donc avec une grande confiance que nous nous tournons vers Dieu pour lui dire notre foi en sa présence aimante et salvatrice à travers l’histoire des hommes, en sa présence au cœur de chacune de nos vies, en sa présence dans l’appel qu’il adresse à nos sœurs et dans la réponse que l’Esprit-Saint construit à travers leur liberté.

Amen.

+ André Vingt-Trois
Archevêque de Paris

Homélies

Homélies