Nausicaä de la Vallée du Vent

Hayao Miyazaki

Créé en 1982 par Hayao Miyazaki, Nausicaa est un authentique manga : une bande dessinée à épisodes dont l’héroïne, Nausicaa, fut classée « meilleur personnage de tous les temps » pendant les 15 années de sa publication. Critique de Louis Corpechot.

En 1984, Miyazaki en fait un film d’animation pour le cinéma avec tant de succès qu’il lui permettra la fondation du studio Ghibli. Au début du film, un personnage affublé d’un masque à gaz arpente une contrée que ses habitants ont fui à cause de la pollution. Dans la même forêt une jeune fille gracieuse récolte des pollens, joue avec d’énormes carcasses d’insectes géants et se rit du danger. C’est Nausicaa, la fille du roi de la vallée des vents, qui va se trouver prise dans la guerre d’un autre âge entre des peuples voisins, avides de posséder l’arme absolue surgie du passé, arme de destruction qui figure la bombe atomique.

Le premier enchantement vient de la beauté du dessin de Miyazaki, et la fluidité de ses animations. Les scènes de vol, que l’on retrouvera notamment dans Porco rosso ou dans Le Château dans le ciel, témoignent autant du talent de graphiste du réalisateur que de son goût pour la pureté des grands espaces. Le film a été fait en 1984, la puissance du dessin et les thèmes forts de Nausicaa vont se retrouver dans toute l’œuvre du maître japonais : innocence et force des ses jeunes héroïnes, beauté et fragilité du monde, désespoir devant la sottise des hommes en guerre qui détruisent le monde vivant en croyant être justes. Deux mythes se retrouvent dans le personnage de Nausicaa : la jeune fille d’un conte japonais du XIIème siècle qui refuse de suivre les coutumes de maquillage de son époque et l’héroïne d’Homère qui, au chant VI de l’Odyssée, aide Ulysse à rentrer dans la ville alors qu’il était nu et naufragé.

Le personnage de Nausicaa a la beauté et l’innocence des héros des contes et des mythes, leur capacité, en dépassant les apparences pour contempler la réalité des êtres, à faire preuve de compassion, leur engagement total au péril de leur vie. C’est pour cela que les chrétiens ont souvent tendance à prendre ces jeunes héros pour des images du Christ. Ce n’est certes pas l’intention de Hayao Miyazaki, et son univers est ancré dans les croyances païennes propres au Japon, mais cette beauté universelle des personnages des contes témoigne de la richesse profonde de l’être humain et de sa capacité à se tourner vers le Beau, le Juste, le Vrai. Et c’est peut être cela qui fait que Nausicaa est plus qu’un grand dessin animé : c’est un film fort.

Louis Corpechot

Cinéma