Intervention de Mgr André Vingt-Trois – Cinq réflexions sur le Parcours Alpha

21 janvier 2006

Intervention donnée au cours de la session de formation Alpha à Paris.

Je suis heureux de vous rencontrer et de vous saluer. Je voudrais, durant ce bref moment que nous allons passer ensemble, vous suggérer des pistes de réflexion quant à notre situation culturelle et quant la situation de ceux qui essaient d’être témoins de l’Évangile aujourd’hui. Il me semble que l’éclosion et l’extension des cours Alpha nous offre des éléments d’analyse dont je voudrais vous faire part.

Un bel exemple d’œcuménisme pratique

En cette semaine de prière pour l’unité des chrétiens, le premier élément de réflexion que je voudrais proposer concerne le développement du parcours Alpha. Initié dans une paroisse anglicane, il s’est peu à peu étendu jusqu’à toucher des communautés catholiques. Il est devenu un instrument de travail et d’action qui permet à des catholiques, à des protestants et, je crois, aussi à quelques orthodoxes, de partager un certain nombre de convictions et de projets, même si, - évidemment -, chacun et chacune les met en ouvre dans la fidélité à sa propre Église. Personne n’a jamais pensé que le cours Alpha serait une sorte de laboratoire de “manipulation génétique” qui permettrait de faire surgir une nouvelle Église transconfessionnelle.

Nous sommes donc engagés dans une expérience de partage fraternel entre les Églises chrétiennes. Nous, catholiques, avons reçu un encouragement, une aide, un soutien, pour être davantage fidèles à notre propre mission. C’est un bel exemple d’œcuménisme pratique qui n’a pas besoin de grandes justifications, pourvu que chacun soit bien conscient de ce qu’il fait : on n’annonce pas de la même manière l’Évangile dans la tradition catholique et dans les communautés protestantes, mais c’est le même Évangile et c’est le même Esprit. Voilà déjà un motif d’action de grâce. J’ai tant entendu énoncer, dans ma vie qui commence à être longue, que la division des chrétiens rend impossible le témoignage de l’Évangile ! Puisque, pour une fois, nous sommes en situation de contribuer à ce témoignage en collaborant entre chrétiens d’Églises différentes, nous devons rendre perceptible cette étape de notre fraternité.

Alpha touche les “recommençants”

Le deuxième aspect que je voudrais souligner concerne le point de départ du parcours Alpha. Il correspond très exactement à la situation de beaucoup de paroisses catholiques. Un certain nombre d’hommes et de femmes se rattachent aujourd’hui à une tradition ecclésiale par des biais très divers. Ils vivent une appartenance très inégale à leur Église, à la foi chrétienne et à l’Évangile, en raison des péripéties de leur existence et des chemins qu’ils ont parcourus. Au point que, depuis une quinzaine d’années, on parle, dans la pastorale catholique, de “recommençants”. Ce sont des gens qui ont été baptisés ou qui ont connu une certaine initiation chrétienne dans l’enfance, ou encore qui ont eu une pratique chrétienne tout à fait substantielle, mais qui, en raison de certains événements de leur vie, se sont éloignés non seulement de la pratique de leurs communautés chrétiennes, mais, plus profondément encore, des préoccupations de la foi. La Parole de Dieu elle-même est progressivement devenue insignifiante à leurs yeux ou à leur cour, non parce qu’ils la mépriseraient, mais parce qu’elle n’a plus de sens pour eux. C’est une parole qui ne leur dit plus rien. Ce n’est pas une question de traduction. Il faut dégonfler ici la baudruche selon laquelle la Parole de Dieu serait inaudible parce que trop compliquée. Quand on dit : « Faites du bien à ceux qui vous font du mal », il n’y a rien de compliqué là dedans ; ce qui est compliqué c’est de le faire, pas de le dire ! Tout le monde comprend très bien ce que cela signifie.

On n’est pas devant un langage hermétique qui supposerait des années d’initiation à une langue étrangère. Non, nous sommes vraiment devant une sorte de surdité ou d’aveuglement qui est le fruit de ce que l’Évangile de saint Jean évoque, quand il nous dit : « Ils ne l’ont pas accueilli parce que leurs œuvres étaient mauvaises » (Cf. Jean 3, 19).

La liberté de Dieu touche les cours d’une manière que nous ne maîtrisons pas et que nous ne pouvons pas programmer. Un certain nombre de gens retrouvent en eux, non pas des réponses, mais des questions. Ces questions ne sont pas spécifiquement religieuses, ce sont des questions fondamentales de l’existence humaine. Ils sont confrontés par la vie à la naissance, à l’amour, à la mort ou à des événements moins définitifs, comme des problèmes de relations humaines, de travail, de logement. Un questionnement se fait jour et ils se mettent à chercher des débuts de réponse. Dans une culture globalement sécularisée, dans une indifférence quasi généralisée, nous assistons à l’émergence de l’inquiétude humaine, au sens le plus profond du terme (pas simplement l’anxiété) : « Qu’allons-nous devenir ? », « Vers quoi allons-nous ? ». Cette inquiétude n’a pas déserté le cœur des hommes. Grâce à une parole entendue, à un geste posé, à une main tendue, à un dialogue, à une attention particulière, quelqu’un se dit en lui-même : « Peut-être l’Évangile apporte-t-il une partie des réponses que je cherche ; peut être vaut-il la peine que je me remette en marche... » Ce sont ceux que nous appelons les “recommençants”. Devant cette occasion de se remettre en marche se dresse une sorte d’écran, un fossé, une barrière. Les intéressés ne sont pas forcément disposés à faire immédiatement une démarche qu’ils estiment institutionnelle ou très officielle pour aller parler avec le “professionnel de la religion”. Je ne dis pas le prêtre, parce que ce professionnel de la religion, c’est celui qui est dans l’église et qui accueille. Nous ne nous représentons pas toujours ce que ce veut dire pour quelqu’un qui est depuis 10 ans, 15 ans, 20 ans, en dehors d’une vie communautaire chrétienne de franchir le porche d’une église et de prendre l’initiative d’aller rencontrer quelqu’un. C’est une démarche considérable.

À qui vont-ils parler ? Avec qui vont-ils pouvoir ne serait-ce que laisser apparaître une ou l’autre des questions qu’ils portent ? Qui sera le Jean-Baptiste qui leur permettra d’accéder au Christ ? Qui sera le disciple qui leur dira comme à l’aveugle à la sortie de Jéricho « Debout, lève-toi, il t’appelle ! » (Marc, 10, 49)

Ici se pose la question de la manière dont les membres de nos communautés chrétiennes sont vraiment présents à leur monde. “Leur monde” n’est pas “leur petit monde à eux”, mais le monde dans lequel ils vivent. Comment sommes-nous présents aux autres ? Sommes-nous des interlocuteurs habituels pour ceux qui nous entourent, bien ancrés dans leur vie, au point qu’il y ait suffisamment de confiance établie entre nous pour qu’ils nous parlent de choses qui leur paraissent importantes ? Autrement dit, comment sommes-nous envoyés par le Christ pour porter l’Évangile au milieu des hommes ? Quand nous nous laissons conduire par cette dynamique de présence, de proximité, d’ouverture, nous voyons bien que cela permet, à certains moments, d’ouvrir une porte, d’entamer un dialogue.

Convivialité et enseignement : une façon d’avancer tous ensemble

Par ma troisième réflexion je voudrais réfléchir avec vous sur la façon dont les créateurs du parcours Alpha ont progressivement élaboré une méthode réunissant un certain nombre d’éléments qui correspondent aux attentes de beaucoup de gens aujourd’hui. Quels sont ces éléments ? Un temps de convivialité, d’accueil, une atmosphère qui exprime un peu la joie de se retrouver ou la joie de se rencontrer. C’est important, car un certain nombre de gens viennent là , peut être pas à leur corps défendant, mais au moins avec beaucoup de timidité et de perplexité. Pour qu’ils accèdent à la joie de se retrouver, il faut que nous y mettions beaucoup du nôtre, car c’est à nous qu’il revient de créer cette ambiance, ce climat, ce sentiment de fête, de joie d’être ensemble.

Un temps d’enseignement où l’on reçoit des informations. Parmi les participants du parcours Alpha, un certain nombre sont de vieux chrétiens que l’on peut dire “refroidis”. Il y a encore quelques braises, et si vous soufflez un petit peu dessus, cela finit par revenir, petit à petit. Et puis il y a aussi des gens qui sont complètement ignorants de tout. Pour leur permettre de participer, de parler, d’écouter, il faut leur donner des clefs de compréhension, des informations sur la foi chrétienne, sur la pratique ecclésiale.

Enfin, à travers le temps d’échange, une chance est donnée de s’apercevoir que, par-delà les premières timidités ou les premières difficultés, on est tous à peu près dans la même situation par rapport à l’Évangile.

Vous avez beau avoir des connaissances ou des expériences plus riches, plus vivantes, plus fortes, lorsque vous vous mettez vraiment devant la parole de l’Évangile, vous vous apercevez que vous n’êtes pas plus avancés que ceux qui n’ont pas cette expérience ou qui n’ont pas vécu cette richesse. Le questionnement de l’Évangile va tellement au cœur de notre vie que nous sommes toujours, d’une certaine façon, des débutants, en voie de croissance.

Si vous voulez, on pourrait dire que sur une marche d’un kilomètre, celui qui fait des grandes enjambées et celui qui en fait de petites n’arrivent pas en même temps. Mais sur une marche de 1000 km, la longueur des enjambées ne change pas grand-chose : on est tous aussi loin du but. L’attitude fondamentale n’est pas de nous demander : « Comment vais-je les amener là où je voudrais qu’ils parviennent ? », « Comment vais-je les faire adhérer à ce que je crois important ? », mais plutôt : « Comment vais-je accueillir ces personnes ? », « Comment vais-je recevoir de leur expérience quelque chose qui va nous faire avancer ensemble ? ». Dans ce dernier cas, mon travail consiste simplement à les aider à faire sortir ce qu’ils peuvent apporter.

Recycler des chrétiens ou s’adresser à ceux qui sont étrangers au christianisme ?

Il y a un autre point que je voulais aborder afin de vous encourager, si vous en avez besoin... On entend parfois des gens dire : « Le parcours Alpha, c’est très bien mais ce n’est pas vraiment une opération missionnaire car 80% des gens qui sont touchés sont déjà des chrétiens ». Ce que j’ai dit précédemment montre déjà qu’il ne suffit pas d’en avoir le titre pour être réellement chrétien.

Plus profondément, si nous sommes dans cette situation, c’est aussi parce que nos communautés chrétiennes ne sont pas toujours déterminées à adopter une attitude missionnaire. Alors, allons-nous « spécialiser » les parcours Alpha dans le recyclage, dans la remise à jour des chrétiens ? Ou bien pensons-nous que le parcours Alpha peut être un lieu et une expérience de découverte de la foi pour des gens qui ne sont pas chrétiens ? Selon la réponse qu’on apporte à cette question, on n’invite pas les même personnes au parcours Alpha. On peut considérer le parcours Alpha comme une sorte de catéchèse pour “recommençants” ; c’est très utile, et il faut le faire. Mais si nous voulons toucher d’autres personnes nous devons nous poser une autre question : « Le parcours Alpha peut-il vraiment être un premier contact avec la foi chrétienne pour des gens qui y sont complètement étrangers ? » Si c’est le cas, peut être faut-il relire notre pratique, notre expérience en intégrant cette donnée. Notre manière de faire est-elle vraiment ouverte à cette catégorie de personnes ou bien est-elle seulement destinée à remettre à jour les chrétiens assoupis ? Suivant la perspective qu’on choisit, on ne répondra pas de la même façon à la question : « Qui pourrait-on inviter ? »

Le lien d’Alpha avec les autres activités paroissiales

La dernière chose que je voulais vous dire, c’est que nous n’avons pas seulement besoin d’ initiatives diverses pour l’annonce de l’Évangile. Nous avons également besoin de gérer positivement les relations de ces initiatives avec l’ensemble de la communauté chrétienne. L’un des risques que nous courons est la juxtaposition de groupes en tous genres qui n’aient pas de relations entre eux. Cela permet au paroissien du dimanche de dormir plus tranquillement : il sait que d’autres s’occupent de faire ce qu’il ne fait pas. Il est heureux parce que, comme il aime à dire, il fréquente “une paroisse vivante”. Des tas d’activités sont proposées, mais lui, il n’est pas fait pour cela. Alors, je vous le dis pour les parcours Alpha mais on pourrait le dire de quantité d’autres activités, il faut toujours réfléchir à la surface de contact, c’est-à -dire à la capacité de contagion de ces groupes auprès d’une assemblée qui n’a pas forcément été préparée à tout cela.

Comment facilite-t-on la communication entre des groupes et des projets particuliers et l’assemblée paroissiale ? Nous devrons y réfléchir un jour, en tout cas dans le diocèse de Paris, avec les paroisses qui ont institué un parcours Alpha. Avec les curés de ces paroisses, nous aurons à nous poser cette question car, pour une part, cette capacité de contact et de contagion dépend aussi de l’initiative du curé. Il peut être simplement un aubergiste tolérant qui vous offre le service minimum : il vous alloue un local avec les clés, l’électricité, le gaz et l’eau courante, mais pas davantage. C’est déjà beaucoup de ne pas être à la rue ! Vous pourriez faire le parcours Alpha dans les squares, mais le dîner ne serait pas le même. [Rires]. Le curé peut aussi se dire : « Dans le fond, cela peut peut-être me servir à quelque chose ». Donc, en plus de mettre à disposition la salle, il vous enverra quelques personnes en leur disant : « Peut-être ce genre de rencontres vous conviendra-t-il ? ». C’est déjà un pas de plus. Le pas supplémentaire, sera qu’il se demande et que beaucoup se demandent avec lui : « Qu’est-ce que cette expérience qui se déroule dans notre paroisse a produit autour d’elle ? ». Ne vaudrait-il pas la peine, un jour, de se mettre autour d’une table et de s’interroger sur ce qu’Alpha produit ? Pas simplement dans la logique interne du parcours Alpha, qui a ses grilles d’analyse, de débriefing, mais qu’est-ce que cela change chez nous, dans le style de la paroisse entière ? On peut se contenter de constater que, dans une paroisse, une cinquantaine ou centaine de personnes mènent une activité particulière. C’est très beau, cela leur fait du bien, ils sont contents, ils font un peu de publicité à droite à gauche chez leurs amis. Mais cela ne touche pas ce que font les autres. Ou bien on perçoit, à travers cette expérience, qu’une dynamique s’est mise en route. Peut-être alors sera-t-on encouragé à chercher une articulation qui fera du parcours Alpha un peu plus qu’un simple hôte de notre site internet paroissial. Peut-être Alpha pourra-t-il apporter quelque chose, au-delà des séries de soirées, quelque chose qui touche une certaine approche de la situation dans laquelle nous nous trouvons dans notre paroisse, notre quartier, etc. Comme vous le savez, ce genre d’évolution se fait très lentement.

Dans le diocèse de Paris, j’ai invité les paroisses à réfléchir sur leur orientation missionnaire et sur la manière dont cette orientation missionnaire est partagée par la communauté chrétienne et pas simplement par un petit noyau d’“aficionados”. Cette question ne concerne donc pas seulement le parcours Alpha mais tous les moyens que l’on met en ouvre pour réaliser un même léger débordement de notre dispositif habituel. Je pense que c’est une question très importante. Je vous remercie de m’avoir écouté patiemment.

Questions & réponses

Comment intégrer ceux qui sortent d’Alpha dans le grand bain paroissial ?

Question : Beaucoup de cours Alpha grandissent, les paroisses voient arriver de nouveaux chrétiens. Mais on constate ensuite, avec consternation, que pour ces “bébés chrétiens” la marche est trop haute entre l’atmosphère très dorlotante d’Alpha et les grandes eaux de la paroisse. Que pourriez-vous nous donner comme conseil pour ne pas rater cette marche ?

Mgr Vingt-Trois : Je vais vous donner la réponse, pas un conseil, Nous avons une expérience tout à fait qualifiée sur ce sujet. C’est celle des néophytes : les nouveaux chrétiens que nous baptisons et confirmons dans la nuit de Pâques. Il ont vécu un an, deux ans, parfois davantage, d’un cheminement très communautaire, très accompagné, très soutenu par le catéchuménat. Dans la nuit de Pâques, c’est magnifique, tout le monde pleure d’émotion. Dans le meilleur des cas, le dimanche suivant, on fait une petite fête, puis après : « Pfffuit ! Bonne route et bon vent ! » [rires]. Que font-il ? Que deviennent-ils ? Une tentation, à laquelle on n’échappe pas toujours, c’est que le groupe que l’on appelle le catéchuménat, le groupe qui achemine vers le baptême, se dise : « Eh bien, continuons ensemble ». Autant dire, alors, qu’au lieu d’introduire dans l’Église, on en ouvre une nouvelle ! Si on veut développer un autre type de relations, il faut que des paroissiens soient déjà présents, dans le groupe et le parcours, dès l’intégration des nouveaux chrétiens. Autrement dit, il faut que ces derniers connaissent quelqu’un de la communauté paroissiale .Pour construire la communauté chrétienne, il faut établir des liens de personne à personne. Ces liens-là ne peuvent exister par décret ! Si on veut que la préparation aux sacrements débouche sur une meilleure pratique ecclésiale, il faut qu’au sein de l’équipe de préparation, il y ait des gens “qui ne font rien”, des gens qui ne sont ni animateurs ni en formation, simplement des interlocuteurs disponibles, des compagnons disponibles. Ça ne marche pas à tous les coups, mais on peut ainsi nouer quelques liens, quelques relations. Aller à la messe le dimanche pour un nouveau chrétien qui n’a pas mis les pieds dans une église depuis toujours ou pour quelqu’un qui n’y a pas mis les pieds depuis 15 ans, c’est une démarche très coûteuse, très difficile. S’il ne connaît pas quelqu’un sur place qui le reconnaît ou même qui puisse lui dire : « Je passerai te prendre avant la Messe, puis on boira un café ensemble après », nous serons toujours confrontés au phénomène que vous décrivez.

Comment inciter les prêtres à lancer Alpha dans leur paroisse ?

Question : Vous avez dit tout à l’heure qu’un certain nombre de prêtres étaient des “aubergistes accueillants”. Que peut-on faire pour que les prêtres soient plus que des aubergistes accueillants ? Faut-il passer par la tête, c’est-à-dire par l’évêque ? Est-ce que tous les évêques connaissent Alpha ? Quelle serait bonne méthode ?

Mgr Vingt-Trois : Je ne sais pas si les évêques connaissent Alpha. Les évêques connaissent tout par définition ! [Rires]. Ils sont plus au moins bien informés. Nous nous trouvons là devant des choix apostoliques ou pastoraux, nous ne sommes pas dans l’ordre de la norme. Or un évêque doit exercer son autorité sur ce qui est de l’ordre de la norme. Il doit par exemple demander au prêtre que la messe soit célébrée le dimanche dans sa paroisse. Il ne va pas lui dire : « Je te demande « sub gravi » (cela veut dire : sous peine de péché grave) de donner un parcours Alpha. A mon avis, comme me le disait quelqu’un qui avait un peu analysé le fonctionnement de l’Église : « Vous êtes dans un système que tout le monde croit hiérarchique mais qui est en fait un système d’autorité par influence ». Il ne s’agit pas de l’autorité qui commande et qui est obéie au doigt et à l’œil, mais de l’autorité qui procède par influence, qui doit convaincre. Pour convaincre, il faut réunir deux moyens à la fois. Le premier moyen nécessaire, c’est qu’il y ait quelque chose à voir. On ne convainc pas les gens de faire ce qu’ils ne peuvent connaître. Il faut donc compter sur la contagion, sur le développement du parcours. C’est ce qui s’est passé à Paris où plus d’une vingtaine de paroisses donnent Alpha. Il faut, deuxièmement, de la part de l’évêque, une autorisation, plus ou moins explicite, plus ou moins encourageante, mais il ne faut pas que l’opération soit démentie par l’autorité. Moi, je ne fais pas la police des choix pastoraux des curés de Paris, sauf s’ils faisaient quelque chose de véritablement mauvais. Alors là je leur dirai : « Non, non pas de ça chez moi ! ». C’est exactement comme le curé dans sa paroisse : on peut être un aubergiste bienveillant, on peut être un aubergiste encourageant, on peut être aubergiste stimulant. C’est comme cela que les choses avancent : par la conviction.

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