Homélie du cardinal André Vingt-Trois – Deuxième Dimanche de l’Avent

Cathédrale Notre-Dame de Paris - Dimanche 9 décembre 2007

Is 11, 1-10, Mt 3, 1-12

Frères et Sœurs,
La venue du Christ en notre histoire humaine, son avènement quand il prend chair de notre chair, marque le commencement du monde nouveau annoncé par la promesse de Dieu telle que le prophète nous l’a rappelée à l’instant. Un monde de justice et de paix, un monde dans lequel la violence, qui est d’une certaine façon l’état naturel de la Création, serait remplacée par la concorde et la paix : les animaux sauvages ou domestiques au lieu de se combattre les uns les autres gîteront au même endroit et connaîtront les mêmes pâtures. Mais plus profond encore que cette nouvelle harmonie de la création, le monde nouveau qui nous est annoncé est un monde d’où le danger, le péril de mort, sera éloigné pour l’homme : le nourrisson s’amusera sur le nid du cobra et l’enfant étendra la main sur le trou de la vipère, car « la connaissance du Seigneur remplira le pays et il ne se fera plus rien de mauvais ni de corrompu sur ma montagne sainte ». Evidemment, ce monde nouveau doit inaugurer aussi de nouvelles relations entre les hommes, telles que saint Paul les annonce dans l’épître aux Romains où il invite à accueillir la Parole de Dieu pour notre instruction et à nous accueillir les uns les autres comme le Christ nous a accueillis pour la gloire de Dieu.
Nous le savons bien : ce monde nouveau d’où la violence serait exclue et où régnerait la justice et la paix, le respect mutuel et la concorde, ce monde nouveau n’est pas encore pleinement accompli. La naissance du Christ n’est que le premier moment de cet accomplissement. Déjà, cependant, par sa présence, par sa prédication, par les signes qu’il donnera en guérissant les malades et en ressuscitant les morts, par le don qu’il fera de sa vie sur la croix et par la Résurrection qui manifestera la victoire de Dieu sur la mort, nous sommes entrés dans les derniers temps. Ainsi, de quelque façon, la prédication de Jean-Baptiste nous atteint nous aussi qui nous préparons à célébrer la nativité du Christ : « Convertissez-vous car le Royaume des Cieux est tout proche ».
Le Royaume des Cieux, c’est ce monde nouveau qui s’est approché de nous par la naissance de Jésus, par sa mort et sa Résurrection, par l’Église qu’il a fondée, la puissance de l’Esprit qu’il a répandu à travers le monde. Quand nous faisons mémoire de sa nativité, nous sommes invités à ajuster notre vie à ce monde nouveau de justice et de paix et donc à examiner la manière dont nous vivons notre existence et à changer ce qui doit être changé. La conversion, c’est le retournement, c’est le renouvellement dans notre vie du chemin que trace la connaissance de Dieu et de sa volonté, c’est le redressement des activités faussées ou mal orientées, c’est l’abandon des comportements mauvais, c’est la préparation du chemin du Seigneur, l’aplanissement de la route.
Aujourd’hui, nous aussi, nous devons entendre l’appel de Jean-Baptiste à une vie nouvelle. Nous aussi, comme les saducéens et les pharisiens, nous sommes invités à produire un fruit qui exprime notre conversion. Tout comme eux, nous n’avons aucun titre à invoquer pour échapper à cette conversion. Ni parce que nous serions les fils d’Abraham ni parce que nous serions membres de l’Église baptisés dans le Christ, pas même parce que déjà peut-être au long de notre vie nous avons eu l’occasion de nous convertir à plusieurs reprises. La conversion, c’est un appel toujours présent. On ne cumule pas les effets de la conversion, on les ravive, on les renouvelle. On ne peut pas se réclamer de la conversion d’hier pour renoncer à la conversion d’aujourd’hui : c’est aujourd’hui qu’il faut que nous portions du fruit, c’est aujourd’hui que le royaume des Cieux se fait proche, c’est aujourd’hui que nous devons recevoir le pardon de nos péchés.
Dans les quelques jours qui nous séparent encore de la Nativité, nous sommes ainsi invités à revisiter chacun des aspects de notre existence, nous sommes invités à vérifier que la Parole de Dieu ne reste pas stérile dans notre vie, nous sommes invités à produire des fruits qui expriment notre repentance, nous sommes invités à recevoir le pardon du Christ dans le sacrement de la réconciliation, nous sommes invités à nous remettre en route pour que, vraiment, la venue du Christ inaugure au moins dans notre vie un temps nouveau, un monde nouveau et que la nouveauté de ce monde auquel nous livrons notre existence transforme l’univers dans lequel nous sommes plongés et fasse progresser pour tous les hommes le Royaume de la justice et de la paix.
Amen.

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