Homélie de Mgr André Vingt-Trois - 25 ans de Radio Notre-Dame

Cathédrale Notre-Dame de Paris - samedi 14 octobre 2006

"Rendre grâce pour ce quart de siècle écoulé, c’est évidemment exprimer en même temps une espérance : l’espérance que, grâce à Radio Notre-Dame, la voix de l’Évangile, le témoignage de l’Église, la liberté d’expression des hommes, la manifestation de leur production culturelle et artistique soient mieux connus, mieux perçus et mieux reçus. "

Evangile selon saint Luc au chap.11, versets 27-28

Frères et Soeurs, par ces quelques phrases de l’évangile selon saint Luc, nous voyons s’ouvrir un tournant décisif parmi ceux et celles qui suivent le Christ. Aux liens du sang qu’évoquait la femme qui bénissait celle qui avait enfanté Jésus et qui l’avait allaité, se substituent de nouveaux liens qui sont les liens de la foi. A la famille humaine de Jésus se substitue la nouvelle famille qu’il fonde autour de lui : elle est constitué par ceux qui écoutent sa Parole, qui la mettent en pratique et qui sont devenus ses disciples. Ce retournement, saint Paul en a donné une interprétation théologique particulièrement circonstanciée dans l’épître aux Galates, dont nous avons entendu tout à l’heure un extrait, quand il a analysé le passage du régime de la loi au régime de la foi, et comment la foi au Christ engendre de nouveaux fils à Abraham. Ces nouveaux fils n’étant plus les descendants selon la chair mais les descendants de la foi.

Ainsi, si vous appartenez au Christ, c’est vous qui êtes la descendance d’Abraham. Dieu, avec ceux qui appartiennent au Christ, fonde un peuple nouveau qui n’est pas simplement une société parmi d’autres sociétés, qui n’est pas un Etat, qui n’est pas une nation, mais qui est un peuple dispersé à travers toutes les familles de la Terre. Ce peuple nouveau n’est pas simplement l’agrégation de militants, la réunion de gens partageant les mêmes opinions, il est véritablement une famille, puisqu’il est engendré par le baptême et par la communion au Christ. En Jésus-Christ, vous êtes tous fils de Dieu par la foi. L’acte de naissance de la famille de Dieu est ainsi proposé à notre regard et cela donne un éclairage particulier sur la nature de la communion qui se construit dans l’Eglise entre ceux que Dieu a choisis pour être baptisés et devenir témoins de sa vie à travers les âges et les lieux. Il ne s’agit pas de renier sa famille charnelle, il ne s’agit de renier son ascendance, il ne s’agit pas de renier sa culture et son appartenance, il s’agit d’être ouvert à un nouvel engendrement qui transcende tous les particularismes précédents : que l’on soit juif ou païen, esclave ou homme libre, homme ou femme, on est engendré à une nouvelle naissance. On est introduit dans un jeu nouveau de relations qui constitue une fraternité plus radicale et plus forte que tous les liens antérieurs, qu’ils soient naturels ou culturels.

Cette fraternité de l’Eglise qui traverse et transcende tous les liens antérieurs existant entre les hommes et les femmes de ce monde, nous constitue comme une famille d’un type particulier. Sa visibilité n’est pas toujours immédiate puisque ces membres sont répandus et diffus à travers tout le tissu social. Mais nous le savons, l’appartenance au Christ, le fait d’être membre de cette famille, nous appelle à vivre visiblement cette communion par la participation sacramentelle et en particulier par l’eucharistie dominicale. Il n’est pas simple d’intérioriser cette conscience d’appartenir à une famille nouvelle. Il n’est pas simple de se reconnaître frère et soeur d’inconnus, il n’est pas simple de surmonter les différences de nationalité, de culture, de sexe, de mission, il n’est pas simple d’être tout simplement enfant de Dieu et de reconnaître comment cette filiation divine nous met dans une communion nouvelle.

L’Eglise tout au long de son histoire se définit comme le corps qui est destiné à témoigner de cette nouvelle naissance et à y associer le plus possible d’hommes et de femmes par son témoignage. Mais nous le savons, ce témoignage d’une fraternité nouvelle ne peut être entendu et reçu que s’il se manifeste à travers des signes de fraternité vécus entre membres de l’Eglise. C’est pourquoi, dans la mission de l’Eglise, on a toujours cherché des moyens pour donner corps et sens à cette fraternité invisible. Les temps modernes, en inventant et en démultipliant les moyens de communication, nous offrent des possibilités nouvelles de donner figure à la fraternité chrétienne.

Radio Notre-Dame, parmi d’autres radios, assume cette mission et cette vocation d’exprimer d’une façon ouverte, c’est-à -dire accessible à quiconque veut bien l’écouter, la possibilité de connaître cette fraternité chrétienne. Elle le fait par le témoignage de ce qu’elle vit, la possibilité d’y participer par l’écoute de ce qu’elle annonce, la possibilité de l’interroger par les questions qu’on lui pose. La vertu particulière de la communication radiophonique, vieille maintenant de près d’un siècle dans son développement, nous donne un moyen exceptionnel, non pas de faire notre propagande, mais d’exprimer quelque chose de la fraternité chrétienne en mettant en relation des communautés diverses dans leur expérience, dans leur vécu, dans leur réflexion, dans leur expression culturelle. Non seulement à travers les diocèses d’Ile-de-France qui sont étroitement associés maintenant à la vie de Radio Notre-Dame mais encore, à travers la COFRAC, par les liens qui peuvent se créer à travers différents diocèses de France et surtout à travers des diocèses francophones dans le monde. Radio Notre-Dame a été conçue, voulue et s’est développée comme un instrument ecclésial. Elle a été voulue, conçue et s’est développée comme une façon d’exprimer la mission de l’Eglise dans le monde d’aujourd’hui. Elle se développera, elle se répandra dans la mesure où elle sera fidèle à cette mission et où elle développera les possibilités d’aller à la rencontre de nos contemporains, non seulement par le débat interactif, mais encore par le dialogue esthétique que permet l’audition de qualité qu’elle donne.

Rendre grâce pour ce quart de siècle écoulé, c’est évidemment exprimer en même temps une espérance : l’espérance que, grâce à Radio Notre-Dame, la voix de l’Evangile, le témoignage de l’Eglise, la liberté d’expression des hommes, la manifestation de leur production culturelle et artistique soient mieux connus, mieux perçus et mieux reçus. C’est le voeu que nous pouvons faire aujourd’hui et la prière que nous pouvons adresser à Dieu. Qu’il nous rende capable de contribuer à ce développement pour une meilleure réalisation de la mission de l’Eglise.

+ André Vingt-Trois
Archevêque de Paris

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