Homélie du cardinal André Vingt-Trois – Ordinations sacerdotales 2008 - Fête de Saint Pierre et Saint Paul

Cathédrale Notre-Dame de Paris - samedi 28 juin 2008

Homélie du cardinal André Vingt-Trois, archevêque de Paris, pour les ordinations sacerdotales de Christophe ALIZARD, Laurent CHAUVIN, Charles CORNUDET, Edouard DACRE-WRIGHT, Antoine de FOLLEVILLE, Philippe de FORGES, Samuel GANDON, Olric de GELIS, Nicolas TROUSSEL, Thierry VERNET et François Xavier ELOUNDOU ONANA (missionnaire Identes) en la célébration de la solennité des saints Apôtres Pierre et Paul, ouverture de l’année Saint-Paul.

 Voir le compte-rendu.


Homélie des ordinations sacerdotales 2008
Cardinal André Vingt-Trois

 Ac 12, 1-11 ; Ps 33 ; Tm 4, 6…18 : Mt 16, 13-19.

Christophe, Laurent, Charles, Édouard, François-Xavier, Antoine, Philippe, Samuel, Olric, Nicolas et Thierry, aujourd’hui vos noms sont inscrits dans nos cœurs. Ils sont comme un carrefour où se manifeste l’amour.
L’amour de Dieu pour l’humanité tout entière depuis les origines, au moment où il a suscité l’homme et la femme comme des interlocuteurs dignes de lui. L’amour inlassable de Dieu qui a envoyé son Fils dans le monde pour réconcilier le monde avec lui. L’amour du Christ pour l’humanité qui le conduit jusqu’à livrer sa vie pour le salut des hommes. L’amour du Christ pour son Église qu’il établit pour toujours témoin de sa Bonne Nouvelle.
Cet amour universel qui englobe l’humanité entière prend une expression particulière dans votre vie et votre vie aussi est prise dans cette histoire d’amour. Amour de vos familles qui vous ont attendus, accueillis, élevés, accompagnés et entourés dans votre démarche, mais plus profondément encore l’amour que vous avez ressenti de la part du Christ posant sur vous son regard, l’amour que vous avez souhaité lui donner en retour en lui donnant toute votre vie. L’amour qui vous a conduits, pas à pas, à devenir à votre tour celui qui dit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ».

L’amour qui a ouvert votre cœur et votre existence au souci et à l’amitié pour les autres. L’amour qui a ouvert votre vie pour le service de vos frères. L’amour qui vous a conduits pas à pas au long de ces années, l’amour qui vous a décidés, alors que vous n’étiez plus des « gamins », à quitter votre existence précédente, à quitter vos études, vos professions, vos activités, vos loisirs, parfois vos goûts, pour donner tout par amour de Dieu et par amour des hommes.
Cette démarche de l’amour est inconcevable et inimaginable si elle n’est pas une démarche de la liberté. C’est pourquoi, à mesure que vous avez grandi dans votre réponse, c’est votre liberté qui a été sollicitée et qui a dû se mettre en œuvre.
Peut-être, pour tel ou tel d’entre vous, à tel ou tel moment de votre vie, avez-vous ressenti que vous étiez vous aussi enchaînés de quelque façon, peut-être aviez-vous deux soldats qui vous gardaient, peut-être des sentinelles montaient-elles la garde à votre porte ; peut-être ces liens, tous ensemble réunis, auraient-ils pu vous empêcher de faire le pas qui vous donne tout entiers à l’amour de Dieu pour l’humanité. Mais l’ange du Seigneur est venu ; je ne sais pas qui était l’ange, peut-être ne le savez-vous pas vous-mêmes.
Peut-être ont-ils été plusieurs à venir toucher vos chaînes, assoupir les soldats et vous dire la parole libératrice : « Lève-toi vite ! » et comme Pierre, vous vous êtes levés.
Peut-être pas aussi vite que vous auriez voulu ; peut-être le passage de la cellule aux grandes rues de la ville, peut-être l’ouverture de la porte de fer ont-ils pris plus de temps que nous ne le pensions ou que vous ne le pensiez, mais enfin, voilà, vous y êtes. Vous êtes devant cette grande ville où le Christ vous envoie pour être les ministres de son Église, les témoins de la Bonne Nouvelle annoncée à tout homme, les ministres de la consolation, les ministres de la paix, les ministres de l’amour.

Comme nous l’avons entendu tout à l’heure, la mission du Christ s’accomplit dans le don qu’il fait de sa vie pour les hommes. Au moment même où Pierre le reconnaît comme le Messie et l’envoyé de Dieu, il annonce qu’il va devoir monter à Jérusalem et souffrir la Passion. Dans nos psychologies humaines, la juxtaposition ou la superposition de la joie et de la souffrance sont difficilement imaginables. Nous croyons toujours que si on est joyeux, c’est parce qu’on ne souffre pas et que si l’on souffre, on est nécessairement triste.

Mais voilà que le Christ nous dévoile une réalité plus profonde de l’expérience humaine : c’est que la plénitude de la joie ne vient pas de la satisfaction de nos désirs ou de l’absence de nos misères, elle vient du don, du don que Dieu nous fait, du don sans retour que nous lui faisons.

La joie de l’amour n’est pas la joie de la possession ; c’est la joie du don de soi. La joie de l’amour, c’est d’apprendre jour après jour que l’on devient soi-même en se donnant pour les autres, que l’on grandit dans son identité personnelle en acceptant de diminuer et de décroître pour que le Christ, lui, puisse grandir et occuper la place dans notre relation avec notre humanité.

Le ministère auquel vous allez participer et auquel vous allez être agrégés par l’imposition de mes mains et l’imposition des mains des centaines de prêtres qui vous entourent ne sera pas le ministère de votre satisfaction personnelle et, cependant, il sera votre joie, comme il est notre joie. Autour de vous, les prêtres qui ont 70 ans, 60 ans, 50 ans de sacerdoce sont les témoins de la joie qu’ils ont reçue en acceptant de donner toute leur vie et en acceptant de la donner sans réserve.

Le premier témoignage que nous devons à nos frères, ce n’est pas l’enseignement que nous leur donnons, même s’ils ont besoin que nous leur annoncions le Christ avec des mots ; le premier témoignage que nous donnons à nos frères, c’est le signe que l’amour de Dieu, l’attachement à Jésus-Christ, la plénitude d e l’Esprit-Saint rendent pleines et épanouies nos existences à chacun. Le premier témoignage que nous donnons à nos frères, c’est que Dieu seul suffit pour combler l’homme ; Dieu seul suffit.

Vous dire à quel point je suis heureux aujourd’hui de vous recevoir dans ce presbyterium parisien, –même si, pour la circonstance et nous en sommes très heureux, il est augmenté de quelques invités qui étoffent un peu notre troupe -,…. Je suis vraiment très heureux de vous accueillir dans ce presbyterium parisien qui me donne chaque jour tant de motifs d’action de grâce par son dévouement au ministère, par la plénitude du don de chacun de ses membres, par l’affection qu’ils savent manifester non seulement pour moi mais pour l’Église, par la qualité avec laquelle ils oeuvrent pour la vie du peuple de Dieu. Oui ! Vous entrez dans un corps vivant, un corps plein de ressources, plein de talents, - plein de défauts aussi mais sans cela, ce ne serait pas un corps humain -, vous entrez dans un corps où vous êtes attendus, où vous allez être reçus avec joie et affection.

Vous entrez dans un corps que je suis heureux d’appeler et d’appeler sans cesse pour la mission de l’Église. Mission dans notre ville immense, mission dans l’Ile-de-France grâce à la Fraternité missionnaire des prêtres pour la Ville et à la disponibilité d’un certain nombre d’entre nous qui se proposent pour aller servir dans d’autres diocèses, mission au-delà des mers, dans des pays lointains où la vie de l’Église a besoin d’ouvriers et d’ouvriers en pleine force, mission enfin envers la jeunesse de notre ville dont nous savons combien elle est à la fois inquiète, perplexe, parfois angoissée, mais aussi combien elle est disponible et attentive aux signes d’espérance que nous pouvons lui donner.

Frères et sœurs, en ce jour où nous accueillons ces nouveaux prêtres, je voudrais vous inviter d’abord à l’action de grâce. Rendez grâce à Dieu pour la fécondité de son amour, pour la force de sa Parole, pour la puissance de son Esprit, pour les fruits qu’il fait porter à chacune de nos communautés chrétiennes, pour l’esprit missionnaire qu’il développe au cœur de chaque baptisé confirmé, pour les Assises diocésaines pour la mission que nous mettons en route et qui vont se dérouler l’année prochaine, pour l’appel qu’il adresse à tant de jeunes, hommes et femmes, pour que la vie prenne son sens en se mettant au service de leurs frères, pour le témoignage qui nous est donné par tant d’hommes et de femmes qui ont vécu la fidélité jour après jour, sans histoire, sans grandes manifestations, simplement en menant une vie juste et honnête. Regardez ! Observez ! Autour de vous combien d’hommes et de femmes souhaitent mener cette vie juste et honnête, combien attendent qu’on leur dise que c’est possible, que nous sommes prêts à les y aider, que nous sommes prêts à les y accompagner, que nous sommes prêts à leur tenir la main jour après jour.

Frères et sœurs, soyez aussi dans la supplication pour que Dieu appelle et appelle encore de nouveaux prêtres. L’année scolaire prochaine, je demanderai à chaque communauté du diocèse de Paris de faire quelque chose, selon l’identité et le style de la communauté, pour réfléchir et prier pour les vocations de prêtres.
Il n’y aura pas de prêtres si on n’en parle pas ; il n’y aura pas de prêtres si on n’en demande pas ; il n’y aura pas de prêtres si on n’en souhaite pas ! Pour les souhaiter, pour les demander, pour en parler, il faut que nous nous mobilisions tous, que tous nous soyons désireux de voir de nouveaux prêtres prendre la relève des générations précédentes, non pas pour répéter indéfiniment ce qui a toujours été fait, mais pour répondre aux exigences de la mission aujourd’hui.
Elle est immense, elle déborde de toutes façons nos forces et nos moyens, mais justement : parce que nous sommes faibles, parce que nous sommes pauvres, parce que nous n’avons pas les moyens de faire face à notre mission, il faut supplier Dieu qu’il vienne à notre aide et qu’il nous envoie les missionnaires dont nous avons besoin !
Frères et sœurs, rendons grâce à Dieu qui manifeste aujourd’hui la fécondité et la richesse de son amour. Rendons grâce à Dieu pour ces hommes qui vont être consacrés dans le sacerdoce. Rendons grâce à Dieu pour ces prêtres qui ont fait l’offrande de leur vie et qui l’ont donnée réellement, concrètement, jour après jour, rendons grâce à Dieu pour la vie de nos communautés chrétiennes, rendons grâce à Dieu car Dieu est bon, il nous aime et il veut venir à notre aide. Il veut nous conduire jusqu’à la plénitude de la vie ; il veut nous arracher aux prisons qui nous enferment, il veut faire de nous un peuple sauvé et debout. Amen.

+André cardinal Vingt-Trois,
Archevêque de Paris

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