Homélie de Mgr André Vingt-Trois - Ordinations sacerdotales 2006

Cathédrale Notre-Dame de Paris - 24 juin 2006

Mes chers amis,

1. Une belle histoire.

Vous n’êtes plus des nouveaux-nés comme Jean-Baptiste que nous présentait à l’instant l’évangile de saint Luc. Mais cependant, vous êtes vous aussi au début d’une période nouvelle de votre vie, vous allez être enfantés au sacerdoce du Christ par la puissance de l’appel de Dieu et la fécondité de son amour. Parmi les nombreux amis qui vous entourent aujourd’hui, beaucoup peuvent se poser la question qui fut celle des proches de Zacharie et d’Elisabeth : "Que sera donc cet enfant ? " Saint Luc commente pour nous : "En effet, la main du Seigneur était avec lui. "

La célébration de votre ordination est évidemment l’aboutissement d’un chemin particulier propre à chacun d’entre vous, chemin historique dont vous pouvez relire les principales étapes avec reconnaissance pour les merveilles de Dieu. Chemin au long duquel vous avez été accompagnés et stimulés par tant de personnes dont vos coeurs gardent la mémoire : vos parents, vos familles, vos éducateurs, tel ou tel prêtre, et tant d’autres connus ou inconnus.

Mais votre chemin n’est pas seulement le fruit de la convergence de diverses influences, si bonnes qu’elles aient pu être. Aujourd’hui, c’est Dieu lui-même qui vous consacre comme prêtres de son Eglise. Elle-même, comme Elisabeth, ne fait que recevoir des enfants de la main de Dieu. Elle ne les produit pas, elle les reçoit dans la joie de cette fécondité inespérée et elle vous donne le nom prescrit par le Seigneur.

L’histoire de votre enfantement au sacerdoce, comme l’histoire que nous propose l’évangile sur la naissance de Jean-Baptiste, demande à être relue à une autre profondeur. Elle renvoie à une histoire plus mystérieuse qui est inscrite en filigrane dans ce qui peut être connu de vos existences.

2. Une histoire de liberté.

Cette histoire mystérieuse est celle de l’accomplissement d’une volonté de Dieu sur votre vie. Elle est l’histoire d’un amour qui vous a saisis et enveloppés bien avant que vous n’en ayez conscience, dès avant votre naissance, si nous en croyons Isaïe.

Relire la succession des grandes étapes de votre vie à la lumière de cette conviction de la foi ne relève pas d’une croyance en une prédestination qui vous aurait désignés de tout temps pour devenir prêtres. Il ne s’agit pas d’un destin arbitraire qui aurait frappé vos familles et vos personnes et qui vous aurait conduits fatalement là où vous êtes aujourd’hui. Il s’agit d’une histoire d’amour qui s’est développée dans le jeu continuel de deux libertés : la liberté de Dieu qui choisit qui Il veut pour devenir compagnon du Christ pasteur et votre liberté qui a grandi en répondant à ce choix et en le faisant vôtre.

C’est en développant cet échange d’amour que votre liberté s’est épanouie à mesure que vous répondiez positivement à l’appel de Dieu et que vous réduisiez ainsi l’infinité des possibles. On ne devient pas libre en subissant une fatalité ni en évitant d’engager sa liberté dans des choix, on devient libre en se donnant par des décisions concrètes qui définissent peu à peu le cadre d’une vie en renonçant au rêve d’une liberté indéfinie.

3. Libres pour la mission.

Mais l’appel de Dieu ne vise jamais seulement à définir une orientation de vie, le dialogue des libertés auquel je viens de faire allusion n’épuise pas le contenu de l’histoire des relations dans laquelle nous nous inscrivons. Le sens ultime de ce dialogue d’amour ne peut se déchiffrer qu’à la lumière de la mission qui en découle. Vous avez été appelés par le Christ " pour être avec lui " (Marc 3, 14) comme nous l’indique l’évangile de Marc à propos des Douze. Et il ajoute aussitôt : " pour les envoyer prêcher avec pouvoir de chasser les démons. " (Marc 3, 15). Et dans l’évangile de Marc prêcher signifie proclamer la Bonne Nouvelle.

L’appel auquel vous répondez aujourd’hui inclut en lui-même la mission pour laquelle je vous consacre. Si bien que l’identité nouvelle que vous recevez aujourd’hui, comme un nom nouveau donné par Dieu, n’a sa consistance et son épanouissement que dans la mission qui vous est confiée. Vous êtes compagnons du Christ pour être participants de sa mission de proclamer l’Evangile du salut.

La proclamation de l’Evangile sera votre joie quotidienne et l’espérance de vos journées. Quels que soient les détails des tâches que vous aurez à accomplir, chacune est orientée vers ce but unique : annoncer Jésus-Christ aux hommes de notre temps. Vous aurez à l’annoncer aux chrétiens dans les différentes situations de la pastorale, pour que leur vie chrétienne soit toujours plus authentiquement animée par l’Esprit-Saint. Avec l’ensemble du Peuple de Dieu, vos frères prêtres, les diacres, les religieux, les consacrés et les laïcs, vous aurez à l’annoncer à tous les habitants de nos quartiers, de tous âges et de toutes conditions. C’est pour cette proclamation de l’Evangile que le Seigneur vous appelle et vous prend avec lui. Il vous envoie en avant de lui pour préparer les coeurs et les esprits comme Jean-Baptiste fut envoyé en avant du Messie.

C’est pour cette annonce de l’Evangile que je vous envoie et que je vous confie votre mission particulière. Deux d’entre vous notamment vont rejoindre une équipe de la Fraternité Missionnaire des Prêtres pour la Ville dans le diocèse de Saint Denis. C’est pour cette même annonce de l’Evangile que les évêques et les prêtres qui m’entourent vont vous imposer les mains. C’est pour cette même annonce de l’Evangile que vos anciens dans le sacerdoce ont vécu et vivent encore dans l’espérance. Je veux spécialement saluer ici les prêtres dont nous fêtons le jubilé.

Cette annonce de l’Evangile, vous l’accomplirez dans un monde qui ne l’accepte pas nécessairement. Elle vous conduira à être aux premières lignes pour la défense de la personne humaine et des droits de l’homme. Dans une société qui utilise les embryons humains comme matériel de laboratoire, la tâche sera rude.

Frères et Soeurs, vous qui êtes présents à cette célébration et vous qui vous joignez à notre prière par la télévision et la radio, je vous invite à prier avec ferveur pour ceux que le Seigneur a choisis. Je vous invite à les soutenir dans leur ministère. Ils sont envoyés pour présider à la charité entre les membres de l’Eglise et pour vous soutenir dans votre mission de témoins du Christ dans les différents domaines de votre existence. Ils sont une grâce pour notre Eglise de Paris et pour l’Eglise entière. Avec saint Paul, nous bénissons Dieu pour les "dons qu’Il fait aux hommes. Il a donné certains comme apôtres, d’autres comme prophètes, d’autres encore comme évangélistes, d’autres enfin comme pasteurs et chargés de l’enseignement, afin de mettre les saints en état d’accomplir le ministère pour bâtir le corps du Christ. " (Eph. 4, 8.11)

Aujourd’hui, permettez à votre archevêque de vous partager sa joie. Joie d’ordonner ces nouveaux prêtres et de les accueillir dans le presbyterium, joie d’être entouré de tant de prêtres du diocèse de Paris qui manifestent la vitalité de notre Eglise et sa vigueur missionnaire. Permettez-moi enfin de m’adresser aux jeunes hommes qui sont ici et dont la vie n’est pas encore engagée.

Chers amis, c’est parmi vous que le Seigneur choisit ceux qu’Il veut pour "être avec lui " et les envoyer proclamer la Bonne Nouvelle. C’est à votre liberté qu’Il s’est adressé et qu’Il s’adresse. C’est pour la mission de son Eglise qu’Il vous appelle. C’est pour le plus grand service que l’on puisse rendre aux hommes que je vous appelle aujourd’hui. Ne laissez pas la question se diluer et se perdre. Voyez l’immensité de la mission dans notre grande cité et dans la province d’Ile de France. Voyez la multitude des hommes qui attendent une parole d’espérance. Réfléchissez et décidez !

Amen.

+ André Vingt-Trois
Archevêque de Paris

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