Homélie de Mgr André Vingt-Trois - Confirmations d’élèves du Lycée Boris Vian

Notre-Dame de la Confiance - 21 mai 2006

"Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que vous soyez comblés de joie " (Jn 15, 11). Cette parole du Christ à ses disciples, elle nous est adressée aussi à nous aujourd’hui. Le Christ nous donne sa parole et il s’adresse à nous pour que nous soyons comblés de joie, pour que nous soyons heureux.

Qu’est-ce qui peut nous rendre heureux dans la parole du Christ ? qu’est-ce qui peut nous faire éprouver de la joie dans la Parole du Christ ? C’est qu’Il nous fait comprendre que l’amour de Dieu pour les hommes, et donc pour chacune et chacun d’entre nous, est premier. "Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, c’est Lui qui nous a aimés " (1 Jn 4, 10). C’est Lui qui nous a aimés le premier, depuis les origines des temps quand Il a créé le monde et qu’Il a voulu faire vivre l’homme pour qu’il possède la terre. C’est Lui qui nous a aimés le premier quand il a suscité des grands hommes tout au long de l’histoire d’Israël pour ramener son peuple à la communion : Abraham, Moïse, les grands prophètes, Isaïe, Jérémie, Ezéchiel,. Pourtant, nous savons que tous ces hommes qui ont annoncé l’amour de Dieu n’ont pas suffi pour pousser Israël à revenir. Alors il a envoyé son Fils, son Unique, Jésus de Nazareth.

Il est venu lui-même pour appeler les hommes à la réconciliation, à la conversion de leur vie, à l’amour de leurs frères. Et notre joie, c’est de découvrir, à travers cette histoire que je résume à grands traits mais que vous connaissez un peu plus que mon résumé, à travers cette histoire, nous découvrons la fidélité, la persévérance de Dieu pour retrouver l’amitié de l’homme. Dieu ne prend pas son parti de notre malheur, Dieu ne prend pas son parti que nous nous soyons séparés de Lui, Dieu ne prend pas son parti des mauvaises choses que nous pouvons faire. Chaque fois, Il revient le premier, Il vient à notre rencontre, Il vient au-devant de nous pour toucher notre cour.

Pour beaucoup de gens, pour nous peut-être, pour beaucoup de gens autour de nous, ce n’est pas la joie qui domine leur vie, c’est le souci et l’inquiétude. Pour beaucoup autour de nous, ce n’est pas l’amour qui domine leur vie, c’est le désir d’être le premier ou le désir d’être le plus fort, ou le désir d’imposer aux autres ce qu’ils souhaitent. Jésus nous dit : "Vous n’êtes plus serviteurs mais amis " (voir Jn 15, 15), je vous ai choisis pour être mes amis. C’est une bonne nouvelle qu’Il nous adresse, c’est une source de joie et de bonheur de penser qu’à travers tout ce que nous vivons, tout ce que nous connaissons, tout ce qui fait notre vie de chaque jour, un amour vivant nous est toujours offert, qui est celui de Dieu notre Père, manifesté dans le Christ.

Dieu veut que nous soyons heureux, Il veut que nous soyons remplis de joie à la certitude de sa présence, Il veut aussi que nous portions du fruit et que notre fruit demeure. Pour porter du fruit, il faut que nous mettions en pratique son commandement, le seul commandement qu’Il nous donne ici : "Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés " (Jn 15, 12). Pour connaître vraiment la joie du cour, il faut que nous apprenions à aimer à la manière du Christ, c’est à dire non pas à aimer ceux qui nous aiment ou à aimer ceux qui nous font du bien, mais à aimer aussi ceux qui ne sont pas aimables et ceux qui nous font du mal.

Aimer à la manière du Christ, ce n’est pas profiter des autres, c’est se mettre à la disposition des autres. Aimer à la manière du Christ ce n’est pas se servir des autres, c’est se mettre au service des autres. Aimer à la manière du Christ, ce n’est pas prendre tout ce qui passe à portée de notre main, mais c’est nous donner nous-mêmes, comme Il nous a aimés en donnant sa vie pour nous. Nous sommes appelés à aimer nos frères en donnant notre vie pour eux.

En recevant l’Esprit Saint par la confirmation, vous êtes appelés à vivre cette joie du Christ, cette joie promise par le Christ, cette joie donnée par le Christ, cette joie de savoir que Dieu le premier vient à vous. Notre présence à nous, nous en sommes conscients, est un peu à éclipse, pas seulement vis à vis de Dieu, mais vis à vis des autres aussi. Nous savons bien que nous aimons à nous retirer, à mener notre vie sans trop nous occuper de ce qu’il en découle pour nos semblables. Nous ne sommes pas complètement prêts à aimer. Le Christ, en nous donnant son Esprit, veut nous faire découvrir qu’Il est plus grand que notre cour, même si nous sommes des gens à la foi petite, comme celui qu’évoque l’Evangile : "Viens en aide à mon peu de foi " (Mc 9, 24). Même si nous sommes des gens partagés, même si nous ne sommes pas complètement donnés, nous savons que l’Esprit Saint peut transformer notre vie. Il peut faire éclater les limites que nous mettons à l’amour de nos frères. Il peut venir en nous, il vient en nous pour nous rendre capables de porter du fruit.

Recevoir l’Esprit Saint, c’est devenir vraiment chrétien à part entière, pleinement, prendre sa place dans la communauté chrétienne. On me demande souvent ce que veut dire "être chrétien ". C’est peu de chose à dire. àŠtre chrétien, c’est croire en Dieu, et croire en Dieu n’est pas croire des idées sur Dieu, c’est croire la personne de Dieu, c’est croire qu’il nous attend, qu’il vient à nous et qu’il nous appelle. Toute à l’heure, nous avons fait sonner la cloche, elle est la voix qui appelle. Tous les dimanches, la cloche sonne, - et même plus souvent que le dimanche ! àŠtre chrétien, c’est répondre ; être chrétien, c’est croire en Dieu ; croire en Dieu, c’est lui parler, l’écouter, ne pas laisser passer une journée sans nous tourner vers Lui et lui dire : Seigneur, je crois que tu es là et je compte sur toi. C’est ne pas laisser passer la semaine sans venir fêter la Résurrection avec la communauté chrétienne, c’est ne pas oublier qu’il nous a aimés le premier et qu’il est venu chez nous, alors que nous ne voulions pas aller chez Lui.

àŠtre chrétien c’est aimer nos frères, non pas simplement parce qu’ils nous font du bien ou parce que nous attendons quelque chose en retour. Au contraire, parce que nous avons été aimés par Dieu alors que nous n’étions pas vraiment aimables, nous devenons capables d’aimer les hommes et les femmes qui nous entourent même s’ils ne sont pas aimables. Et non seulement nous devenons capables de le faire, mais nous sommes poussés à le faire, nous sommes poussés à aller vers ceux qui ont moins de chance, moins de succès, moins de facilité, à les entourer, à les soutenir, à les aider. "A ceci, on vous reconnaîtra pour mes disciples : à l’amour que vous aurez les uns pour les autres " (Jn 13, 35). Comment voulez-vous que tous les gens qui habitent là autour de vous vous reconnaissent pour les disciples de Jésus s’ils ne voient pas qu’il y a entre vous une communion plus forte que la sympathie, que l’attrait fraternel, vraiment le désir de nous mettre au service les uns des autres.

Que le Seigneur donne à chacune et à chacun de ceux qui vont être confirmés d’éprouver cette joie de la présence du Christ, cette joie de la présence de Dieu dans leur vie, qu’il leur donne aussi de porter du fruit en aimant leurs frères.

Amen.

+ André Vingt-Trois
Archevêque de Paris

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