Homélie du cardinal André Vingt-Trois – Messe de rentrée de la maison diocésaine

Notre-Dame du Travail, mercredi 24 septembre 2008

Evangile selon saint Luc au chapitre 9, versets 1-6

Homélie du Cardinal André Vingt-Trois

« Ils allaient de village en village annonçant la Bonne Nouvelle et faisant partout des guérisons. » (Lc 9,6)
Depuis le jour où le Christ a lancé ses douze apôtres dans leur mission d’annoncer la Bonne Nouvelle et de proclamer le Règne de Dieu, sans interruption et génération après génération, des hommes ont été appelés et se sont levés pour devenir les Apôtres et les hérauts de cette Bonne Nouvelle.
De village en village, de ville en ville et de continent en continent, le dynamisme de l’Evangile a produit sans cesse son fruit et tracé à travers l’humanité une route d’espérance. Aujourd’hui c’est à nous qu’est adressée cette parole.
C’est nous qui sommes appelés à nous lever, à devenir les annonciateurs de la Bonne Nouvelle et à apporter aux hommes l’espérance de la guérison.

L’évangile de saint Luc, quand il rapporte cet épisode, fait ressortir deux éléments qui doivent éclairer notre propre envoi en mission.
Le premier élément c’est l’urgence : il ne faut pas s’attarder en chemin, ni se fixer quelque part, surtout si c’est en vain.

La vigueur de l’Evangile pousse les apôtres de lieu en lieu et de communauté en communauté, pour que partout la Bonne Nouvelle puisse être annoncée. Nous le savons, un des penchants naturels de l’homme est de penser son activité sur le mode de l’effort et du repos.

Et en même temps que notre vie passe, nous sommes tentés de mesurer plus précautionneusement notre effort pour mériter plus rapidement notre repos !

Nous pensons toujours au lendemain, lorsque nous aurons accompli la tâche présente et que nous pourrons vaquer à d’autres activités moins stressantes et moins fatigantes.
_D’une certaine façon nous avons une vision de l’histoire qui est une vision déclinante, ou encore une vision en pic : quelques années d’activité intense pour atteindre si possible un sommet, et ensuite laisser les choses se détendre à mesure que l’on approche du terme.

Je ne crois pas que cela corresponde à la vision évangélique de l’existence humaine. Comme saint Paul le dit, « la mort fait son œuvre en nous mais c’est pour que la vie fasse son œuvre dans le monde » (2 Co 4, 12).
Nous ne sommes pas appelés à passer d’un rythme intense à une phase de repos, mais à progresser dans l’activité jour après jour et année après année, et à nous laisser conduire par l’urgence de l’Evangile et de la mission.

Cette urgence exige beaucoup de liberté et de mobilité et suppose évidemment que l’on soit débarrassé de ce qui peut encombrer notre marche.

C’est là le deuxième enseignement de l’évangile que nous venons d’entendre. Le Christ prescrit de ne rien emporter pour la route : « ni bâton, ni sac, ni pain, ni argent, ni tunique de rechange » (Lc 9,3). On peut trouver deux raisons à cela : d’abord permettre que notre sécurité ne repose pas sur l’importance de nos moyens mais sur la puissance de Dieu en qui nous faisons foi.
Ce n’est pas en multipliant et en empilant nos équipements les uns sur les autres que nous garantirons davantage l’efficacité de la mission.
Nous ne pourrons devenir à la fois plus mobiles et plus efficaces, que si nous nous appuyons toujours plus sur la foi en Dieu qui agit. Et la deuxième raison, très pratique, vient de ce que plus on amasse de moyens et plus on a de mal à les gérer.
On passe plus de temps à veiller sur leur préservation, plutôt qu’à organiser leur dissipation. Or la mission ne consiste précisément pas à accumuler des richesses pour survivre par nous même, mais à ouvrir nos richesses à l’humanité pour lui permettre de vivre.

Parmi ces richesses, c’est évidemment la Parole de Dieu qui est la plus centrale et la plus décisive pour notre mission. Le Livre des Proverbes nous le disait : « Toute parole de Dieu est garantie, c’est un bouclier pour ceux qui cherche en Lui leur refuge » (Pr 30,5).

La place centrale de la Parole de Dieu dans l’expérience de la foi chrétienne et de la vie de l’Église doit être approfondie pour que l’annonce et le commentaire en soient renouvelés.
C’est ce que fera l’Église universelle au cours de la session ordinaire du Synode des évêques qui commence le 5 octobre prochain. Pendant trois semaines nous allons plancher matin et soir sur ce sujet, et j’ose espérer que, compte tenu de l’indice très fort d’intelligences rassemblées dans la même salle, ce travail portera des fruits, et des fruits abondants pour l’Église entière. Nous ne savons pas encore comment le Pape utilisera ce travail.

Ce sera la deuxième fois qu’il présidera une session ordinaire du Synode des évêques. Lors de la précédente, il avait ordonné immédiatement la publication des conclusions du travail des évêques avant de rédiger son exhortation apostolique. Je ne sais pas s’il fera la même chose cette fois-ci.
Mais nous sommes sûrs que ces trois semaines de travail intense sont appelées à renouveler notre approche de la Parole de Dieu dans notre vie personnelle, dans la manière dont nous nous nourrissons de cette Parole, dans la vie de nos communautés, dans l’annonce de cette Parole à nos contemporains et dans la manière dont nous la proclamons et la recevons au cours des célébrations communes ou dans les autres tâches de notre mission.
Prions donc le Seigneur pour que la Parole du Christ soit vraiment notre bouclier et pour que nous sachions nous appuyer sur elle pour annoncer la Bonne Nouvelle et proposer aux hommes la guérison qu’ils espèrent.

+André cardinal Vingt-Trois

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