Minuit
Claude Closky
La Galerie Saint-Séverin présente "Minuit" une installation de Claude Closky.
Exposition de Claude Closky présentée du 20 décembre au 2 février 2009.
4 rue des Prêtres-Saint-Séverin - Paris 5e - M° : Saint-Michel, Cluny-La-Sorbonne
"Minuit"
Un signal. L’objet installé par l’artiste est là, calme dans son absolu présent. Les deux points rouges qui pulsent manifestent la tension du système. L’électronique veille. Patiente. L’horloge obstinée n’inscrit que le minuit. L’artiste qui propose cet appareil inexpressif et banal semble s’être retiré de son œuvre. L’élément impersonnel qui guette son interprète au fond de la vitrine n’a pas de qualité particulière. Son style et sa fonction appartiennent au vocabulaire familier de l’espace public.
Claude Closky, ’Minuit’, 2008,
vitrine sur rue, afficheur électronique à diodes rouges.
Vue d’installation galerie Saint Séverin, Paris.
Cependant. Dans cette minuscule galerie, face à l’église Saint Séverin, la période de Noël apporte à ce temps affiché des significations supplémentaires. Comme si la confrontation entre l’objet et son lieu d’exposition ouvrait le sens, sortait l’horloge de sa passivité. L’attente, le Minuit. Pour le Chrétien, le moment essentiel, celui de l’annonce de la venue d’un Messie attribue soudain à cette heure inscrite et à la lumière qu’elle diffuse une pluie de significations qui justifieraient son insistance. Pour ceux qui ont d’autres dévotions ou une autre culture ces diodes appelleront d’autres associations. Pour les lecteurs de Mallarmé ce sera le Minuit d’Igitur qui se déroule à la lisière de deux journées et qui n’appartient à aucune, le moment du « présent absolu des choses » saisi entre « de réciproques néants ». Pour un autre ces chiffres seront des orbites vides, ou un objet industriel, ou une ruine d’aujourd’hui, ou une parabole de l’entropie ou toutes les interprétations que l’artiste a rendues possibles en organisant une forme sans autorité, c’est à dire qui ne s’impose ni par son esthétique ni par un sens prédéfini.
Claude Closky a vidé l’objet de sa signification. Mais, par le choix d’un lieu intense où se croisent des réalités culturelles très hétérogènes, par la décision d’utiliser cette heure si particulière par ses connotations et son graphisme, la virtuosité de l’artiste s’accomplit dans la mise en œuvre d’un fonctionnement impeccable. Demeure cet instrument de mesure apparemment défonctionnalisé, simple et vide qui accueille toutes les significations de passage et qui, sans jamais être atteint par celles-ci, à contrario, défini, à chaque fois le regardeur qui le considère. Cette œuvre ne se dit jamais, inlassablement elle renvoie à l’autre le reflet de ses convictions. Tout au plus elle recueille celui qui s’y recueille.
Jean de Loisy
En commentaire : il est minuit...