Discours du Cardinal André Vingt-Trois pour la clôture de l’Assemblée plénière des évêques de France

Lourdes – 3 avril 2009

Au terme de cette assemblée de printemps, nous pouvons rendre grâce à Dieu et nous féliciter du travail accompli, non seulement pour la richesse de nos échanges sur les différents sujets abordés, mais aussi, et peut-être surtout, pour le climat fraternel qui nous a permis de partager dans la liberté nos préoccupations et nos réflexions sur la période difficile que nous venons de traverser. Ce fut un moment de réflexion profonde sur la vie de notre Église qui est indissociable du temps liturgique que nous vivons.

Dans nos diocèses respectifs, nous allons célébrer la fête des Rameaux et entrer dans la célébration de la sainte semaine de la Passion et de la Résurrection du Seigneur. Nous aurons la grande joie de célébrer la Messe Chrismale, entourés par notre presbyterium avec les diacres et les consacrés et de nombreux fidèles de nos diocèses. Ce sera une occasion de vivre et de manifester la communion qui nous unit aux prêtres, nos collaborateurs directs et nos frères dans le sacerdoce ministériel, de renouveler et raviver les liens sacramentels qui nous unissent et de fortifier l’amitié qui nous lie. Rassemblés aujourd’hui, les évêques de France veulent dire à tous les prêtres vivant et agissant en France, qu’ils soient de chez nous ou d’ailleurs, notre grande confiance et notre profonde affection dans le Seigneur. La prochaine ouverture de l’année du prêtre sera une occasion pour tous les catholiques de mieux prendre conscience du ministère des prêtres dans l’Église et pour des jeunes de répondre à l’appel que nous leur adressons : venez au service de l’Eglise en France et de sa mission, comme prêtres diocésains.

La Résurrection du Christ est la source et le cœur de notre foi. C’est elle qui engendre l’Église par le don de l’Esprit, c’est elle qui suscite et développe notre mission, c’est elle qui alimente notre espérance et qui fonde le regard d’amour et de confiance que nous portons sur les hommes et les femmes de notre temps et sur le monde qui est le nôtre et dans lequel Dieu nous envoie témoigner de la Bonne Nouvelle du salut.

C’est pourquoi notre évaluation et notre discernement sur la vie de notre Église ne se réduisent pas à une analyse de son fonctionnement institutionnel, - même si nous le faisons aussi quand c’est nécessaire -, ni à une confrontation permanente aux images de nous-mêmes qui nous sont renvoyées par la société globale et ses idéologies. C’est un retour permanent vers la croix du Christ qui est notre critère d’évaluation et de discernement. Comment sommes-nous mieux ajustés au témoignage que nous devons rendre à l’Évangile ? Comment vivons-nous l’unité ecclésiale entre nous et avec toutes les Églises en communion avec le Successeur de Pierre qui en est le garant et le serviteur ?

La récente épreuve que nous venons de traverser nous a peut-être encouragés à revenir au cœur de la mission qui est la nôtre, sans nous laisser emporter et détourner de cette mission par la violence des polémiques. Car notre première mission est bien d’annoncer au monde que l’amour de Dieu a été jusque là : « Dieu a tant aimé le monde qu’Il a envoyé son Fils, son Unique, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle. Car Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par son entremise. » (Jean 3, 16-17). Nous sommes les premiers témoins de cette miséricorde de Dieu et c’est notre premier engagement pastoral d’exprimer cet amour en toute circonstance. C’est cet amour de charité qui est aussi le fondement du témoignage que nous devons rendre à l’ambition de Dieu pour les hommes. Le Christ ne s’est pas présenté pour rallier les opinions majoritaires ou se conformer à la pensée correcte de son temps. Il est venu pour dévoiler une ambition plus haute : appeler les pécheurs à la conversion et à la sainteté.

Cet appel scandalisait ceux qui se croyaient justes dans leurs certitudes et qui prétendaient savoir ce qui est bon pour l’homme. Il faisait bondir de joie ceux qui étaient guéris et pardonnés et les entrainaient sur les chemins exigeants de l’amour. Aujourd’hui, nous sommes envoyés pour actualiser cet appel adressé à tout être humain de mener une vie digne de sa grandeur unique et pour susciter chez lui la confiance et l’espérance qu’il en est capable.

C’est ce que nous faisons quand nous invitons nos contemporains, et surtout les plus jeunes, à vivre une sexualité digne de la raison et de la responsabilité humaines en ne cédant pas au mythe de relations irresponsables, supposées sans risque, qui finissent par éteindre la joie de l’amour d’un homme et d’une femme et par le réduire à une conduite mortifère qui suscite l’angoisse.

C’est encore ce que nous faisons quand nous encourageons celles et ceux qui sont engagés dans la recherche scientifique et médicale en rappelant l’exigence du respect de la dignité humaine, y compris dans les hommes et les femmes qui ne correspondent pas aux critères d’une super humanité. Comment se satisfaire de l‘élimination des individus non-conformes aux ratios d’une normalité supposée ? On ne sauve pas l’homme si on ne respecte pas les plus faibles ou si on rejette les plus diminués ou les plus exposés. Il en va du bien commun de notre société à venir.

C’est enfin ce que nous faisons quand les membres de nos communautés s’engagent généreusement pour le service des plus pauvres : malades, vieillards, chômeurs, immigrés, etc. Nous voulons poursuivre ce service en étant plus attentifs aux nouvelles pauvretés générées par notre société : enfants de foyer monoparental, réfugiés et immigrés, personnes rejetées et marginalisées, etc.

C’est encore le service de l’homme qui nous a conduits à réfléchir sur la crise économique qui frappe notre société. Des experts nous ont aidés à comprendre mieux les méfaits d’un fonctionnement financier sans régulations suffisantes. Nous avons mesuré le risque de croire à une fatalité plutôt qu’à la capacité humaine de maîtriser une situation par des décisions démocratiques. Nous avons mieux compris qu’il est illusoire de confondre le rôle des experts, qui ne sont pas infaillibles, avec celui des décideurs et l’importance du fonctionnement des corps intermédiaires dans la gestion des aspirations et des conflits inévitables. Nous avons surtout mesuré qu’il y a des actions à mener, et donc à soutenir : réévaluer les priorités humaines de l’économie et du système financier, développer la solidarité envers les plus démunis, solidarité publique et initiatives privées et associatives, encourager les initiatives, les porteurs et les acteurs de projets. Si cette crise marque la fin d’une époque, elle n’est pas la fin du monde. Nous avons à aider nos compatriotes à percevoir l’opportunité qui s’offre de revoir nos modes de vie et nos priorités financières.

Dans nos diocèses, beaucoup ont été déstabilisés et troublés par les campagnes récentes. Nous voulons partager avec tous la confiance qui nous habite : notre Église n’est pas un bateau en perdition. Elle est animée et conduite par l’Esprit-Saint. Sa vitalité et son dynamisme dépendent de la communion que nous vivons avec le Christ ressuscité et de la communion que nous vivons avec tous nos frères à travers le monde. Nous, vos évêques, nous sommes en union étroite avec le Pape Benoît XVI à qui nous redisons notre affection et notre soutien sans faille. C’est dans l’esprit de ce soutien sans faille que nous lui avons librement exprimé nos regrets devant les difficultés récentes. Avec le Pape, nous sommes les garants de cette communion ecclésiale et nous nous efforçons de la mettre en pratique, comme nous venons de le vivre pendant ces quelques jours.

Joyeuses et saintes fêtes de Pâques à tous !

+ André cardinal Vingt-Trois, Archevêque de Paris, Président de la Conférence des évêques de France

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