Appelés à un sursaut de citoyenneté

Paris Notre-Dame du 17 novembre 2011

P.N.-D. –Le thème de la 86e Semaine sociale de France, du 25 au 27 novembre au Parc Floral de Paris, sera « La démocratie, une idée neuve ». En tant que catholique engagé dans la société, en quoi cela vous interpelle-t-il ?

Michel Camdessus, ancien directeur général du FMI, gouverneur honoraire de la Banque de France.
© Pierre-Louis Lensel

Michel Camdessus – Nous vivons aujourd’hui un changement d’époque face auquel chaque individu devrait être en alerte. La citoyenneté ne se limite plus à l’horizon de la commune ou de la nation ; elle s’étend aujourd’hui à l’Europe et au monde. Or, je crois que depuis trente ans, nous nous comportons tous en « mutilés de l’universel ». Alors que les questions politiques sont de plus en plus mondiales, nous réagissons comme si ce n’était pas à nous, citoyens, de nous en soucier, mais seulement à des technocrates, à la loi des marchés ou à l’impérialisme de superpuissances. Nous sommes appelés à un sursaut de citoyenneté et je crois que les Semaines sociales de France ont donc été bien inspirées de l’encourager en choisissant ce thème.

P.N.-D. –Les catholiques ont-ils un devoir particulier de s’engager dans le débat démocratique ?

Michel Camdessus – Les catholiques doivent s’engager. Les autres aussi. Le principe en démocratie, c’est que chacun doit se comporter en citoyen, en exercer toutes les prérogatives. Mais, comme chrétiens, nous nous soumettons à deux commandements majeurs : aimer Dieu et servir nos frères. Suivre le Christ implique une recherche de cohérence dans toute notre vie, y compris dans sa dimension civique. Nous devons nous demander ce que cela implique dans le monde d’aujourd’hui. Nous sommes appelés à reconsidérer nos engagements, à nous demander en quoi les échecs que nous constatons sont aussi le fruit de nos insouciances ou de nos négligences. En tant que citoyens, qu’avons-nous à faire pour que nos démocraties servent mieux le bien commun, y compris à l’échelle universelle ? Je tiens sur ce point à signaler la publication récente d’une note du conseil pontifical “Justice et Paix”, Pour une réforme du système financier et monétaire mondial dans la perspective d’une autorité publique à compétence universelle [1]. Il exprime la nécessité d’une gouvernance mondiale qui doit être démocratique, à laquelle chacun doit apporter sa contribution.

P. N.-D. - Le 25 novembre à 18h45, dans le cadre de la Semaine sociale, vous interviendrez sur la crise de l’euro et de l’Europe. Comment cela s’inscrit-il dans le thème annuel ?

Michel Camdessus – Nous nous trouvons face à une crise profonde de l’Europe dans la mondialisation. Elle suscite un grand désarroi dans l’opinion, qui repose pour partie sur un sentiment que ce qui se passe nous échappe et n’est compréhensible que par une minorité. Or, je pense justement que face à de tels problèmes, une large réflexion citoyenne est nécessaire. Je vais donc essayer de montrer que ce n’est pas aussi compliqué qu’on l’imagine. L’une de mes conclusions sera que cette crise n’est pas seulement le fruit de la dette ou de la place de l’euro sur le marché des changes : elle est aussi liée au problème du rôle du citoyen dans l’Union européenne. Une piste de sortie par le haut de cette crise serait de retrouver les fondements démocratiques d’une Europe appelée à reprendre le rôle qu’elle peut et doit jouer dans le monde. Elle n’y parviendra qu’avec la participation active de ses citoyens. • Propos recueillis par Pierre-Louis Lensel.

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