Dimanche 1er avril : « Solidarité : réalisme et esprit »

Conférences de carême à Notre-Dame de Paris : « La solidarité, une exigence et une espérance »

Paris Notre-Dame du 29 mars 2012

Face aux impasses de l’individualisme et au matérialisme ambiant, l’Église rappelle que le désir profond de l’homme ne peut être comblé que dans une communion spirituelle et humaine. En conclusion des Conférences de carême, M. Andrea Riccardi, ministre italien de la Coopération internationale et de l’Intégration et fondateur de la Communauté de Sant’Egidio, trace les contours de cet humanisme chrétien.

P. N.-D. – Le contexte économique et social en Europe engendre peurs et incertitudes. Quels sont les signes d’espérance ?

M. Andrea Riccardi – La situation de notre continent peut préoccuper : la crise a engendré un repli sur soi. Les Européens sont dans l’incertitude, et même méfiants entre eux. La peur semble être le trait distinctif de cette époque et les dérives des mouvements xénophobes le démontrent. Néanmoins, je crois aux ressources humaines et spirituelles de l’Europe. Notre continent est bâti sur une histoire d’hommes et de femmes qui n’ont jamais perdu espoir, même pendant les moments les plus sombres, comme la seconde guerre mondiale. Nous devons prendre exemple sur eux. Je pense qu’il est nécessaire de retrouver une vision commune, une mission dans le monde pour l’Europe, à laquelle les jeunes aspirent particulièrement.

P. N.-D. – Dans son encyclique Caritas in veritate, Benoît XVI définit l’amour comme « voie juste pour l’humanité ». Comment l’appliquer à notre société ?

M. Andrea Riccardi – L’amour pour les chrétiens est le seul chemin possible, leur vocation. Elle peut paraître naïve, mais il s’agit d’une naïveté porteuse d’espoir dont nous avons le plus grand besoin. Concrètement, « amour » signifie « vivre ensemble », « amitié », « solidarité » et, surtout, « amour des plus pauvres ». Dans son encyclique, Benoît XVI place la charité dans la vérité à la base de tout développement humain, social, culturel et économique. Il y souligne la « gratuité ». Si les chrétiens ont un message fort aujourd’hui à donner dans notre monde matérialiste, c’est précisément celui de la gratuité. Cela signifie concrètement qu’il faut sortir d’une logique matérielle et préserver l’espace de la gratuité au cœur de notre vie personnelle et de la vie de nos villes, de nos pays. D’ailleurs, le premier espace réel où l’être humain apprend l’esprit de gratuité, c’est la famille.

P.N.-D. – Qu’est-ce que la charité « inventive » ?

M. Andrea Riccardi – C’est l’intelligence de l’amour. Celui que l’on donne aux autres, aux pauvres et qui ne s’arrête devant rien. Celui qui peut franchir tous les obstacles. Cet amour nous apprend à ne jamais nous résigner, à chercher de manière créative les voies et moyens pour mieux dialoguer. Le pape parle d’ailleurs des chrétiens comme d’une « minorité créative ». Je souhaiterais que les auditeurs repartent de cette conférence en ayant à l’esprit que le pessimisme ne doit jamais nous vaincre. Chacun doit mener sa bataille personnelle contre la résignation.

P.N.-D. – Vous concluez la série de Conférences de carême. Pourquoi avoir accepté cette invitation ?

M. Andrea Riccardi – Je ne pouvais manquer à cette invitation. Malgré mes nouvelles occupations de ministre, mon amitié et mon affection pour le cardinal André Vingt-Trois, ainsi que mon lien fort avec Paris et avec la France sont primordiaux. En chemin vers Pâques, cette conférence est aussi pour moi un moment d’écoute et de partage de l’Évangile : deux dimensions qui doivent rester permanentes dans la vie d’un disciple. • Propos recueillis par Laurence Faure

L’éclairage du… P. Baudoin Roger, enseignant en morale sociale à la Faculté Notre Dame et au Centre Sèvres.

« Les thèmes de ces Conférences de carême rappellent comment l’Église nous invite à nous situer justement par rapport aux biens matériels. Au-delà de l’ “avoir”, qui ne comble pas le désir de l’homme, l’enjeu est le développement de chaque homme et la perfection de la communauté qu’ils forment. Une société qui n’est pas ordonnée au bien commun ne donne pas à chacun la possibilité d’exprimer tout son potentiel ; elle prive ainsi la communauté du bien spécifique dont chacun est porteur. En outre, au-delà des trop fréquentes pauvretés matérielles, l’homme en désir de communion souffre de pauvretés “relationnelles”. L’Église nous appelle ainsi aujourd’hui au partage, qui permet l’accomplissement de chacun au sein d’une communauté solidaire. L’Eucharistie manifeste la portée spirituelle de cette dynamique : en remettant au Christ “le fruit du travail des hommes”, c’est aussi nous-mêmes que nous offrons, et ces dons ouvrent à des relations qui s’épanouissent dans la transparence de l’amour. Ils sont la manifestation concrète de notre engagement dans la communion que le Christ accomplit. » • Propos recueillis par L. F.

Témoignage
Frère David, o.f.m., aumônier à la prison de la Santé (14e)

« L’enseignement de l’Église nous pousse à vivre une charité “intuitive”, gratuite, à rencontrer l’autre dans la pauvreté, sans artifices. Je pense à saint François lui-même qui, emprisonné au combat en défendant Assise – avant sa conversion – , n’ayant rien d’autre, offrit sa joie et sa bonne humeur aux détenus qui l’entouraient. Nous pouvons en tirer une leçon contemporaine : apprendre à vivre dans la gratuité, aller à l’essentiel dans une relation. En prison, un aumônier vient les mains vides à la rencontre des détenus ; ce qui crée les conditions d’un rapport authentique : nous n’avons rien à monnayer, il n’y a pas de rapport de forces. Et ce type de relation permet d’ouvrir les portes de la compassion profonde qui nous habite, riches de cette présence du Christ en chacun de nous. La charité du Christ est tout sauf monnayable, elle est pure gratuité, pur don. Le Christ s’est donné pour tous, surtout pour les plus petits. » • Propos recueillis par L. F.

REPÈRES

Au lendemain du concile Vatican II, Andrea Riccardi n’a pas encore vingt ans lorsqu’il fonde en 1968, à Rome, la Communauté de Sant’Egidio. Il réunit autour de lui un groupe de lycéens pour écouter et mettre en pratique l’Évangile, en allant rencontrer les familles pauvres de la banlieue romaine. Aujourd’hui, 50 000 personnes sont investies dans ce mouvement de laïcs, promoteurs de la paix et acteurs de la charité et de l’évangélisation à Rome, en Italie et dans plus de 70 pays des divers continents.

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