Dimanche 25 mars :« Logement : quelles réponses durables à la crise ? »

Conférences de carême à Notre-Dame de Paris : « La solidarité, une exigence et une espérance »

Paris Notre-Dame du 22 mars 2012

En dix ans, le prix du mètre carré a plus que doublé à Paris, alors que les salaires n’ont pas suivi. Devant la crise du logement que connaît la capitale, ainsi que quelques grandes villes de France, quelle réflexion doit mener le chrétien ? Philippe Pelletier, avocat spécialisé sur la question du logement, et le P. Jacques Trublet, s.j., théologien, réfléchiront sur ce lieu où doit s’exercer la solidarité, lors de la 5e et avant-dernière Conférence de carême.

P.N.-D.–Quel tableau faites-vous de la situation actuelle du logement en France ?

Philippe Pelletier – Elle tient du paradoxe : nous sommes majoritairement mieux logés que nos prédécesseurs ne l’ont jamais été : nos logements sont plus confortables, plus vastes, avec moins d’occupants qu’autrefois. Et pourtant, une crise du logement sévit en France, même si elle est localisée : elle concerne certaines grandes villes, comme Paris et la banlieue environnante, où l’offre est insuffisante. C’est là où le coût du logement a flambé. Malheureusement, accompagne cette réalité celle de la ségrégation sociale : autrefois, une diversité sociale existait dans le même immeuble où vivaient ensemble artisans, ouvriers et familles aisées... Aujourd’hui, cette mixité a disparu de nos quartiers, avec des écoles réservées aux familles aisées d’un côté, et des cités HLM accueillant les plus pauvres de l’autre. Et puis, une crise de l’isolement s’installe, avec une personne sur sept qui vit seule dans notre pays.

P.N.-D. – En quoi le chrétien est-il particulièrement concerné par cette question ?

Philippe Pelletier – Le Christ, dans les Béatitudes, parle de faim, de soif, de captivité, mais pas de logement. A son époque, la question ne se pose pas : partout où il se déplace, Jésus est accueilli et trouve un lieu où habiter. Aujourd’hui, cette question est fondamentale pour le vivre ensemble. On peut manquer d’emploi ou avoir une mauvaise santé tout en étant intégré à la société. En revanche, il est quasiment impossible d’être relié à la société si on n’a pas de toit. 133 000 personnes sont sans-abri en France : à mes yeux, c’est un scandale.

P.N.-D. – Quelles pistes de solution préconisez-vous ?

Philippe Pelletier – Sur le plan politique, la question doit être traitée au plus haut niveau de l’Etat. L’action publique que nous menons en France est illisible et largement inefficace, alors que nous consacrons 2% du PIB à la question du logement. Plutôt que vouloir soutenir un grand nombre de personnes, ne faudrait-il pas concentrer l’aide vers les plus fragiles ? Et dans l’Eglise, continuons à rendre nos communautés accueillantes avec des projets comme Hiver solidaire, en mettant à disposition des terrains loués par bail à construction ou en soutenant les locataires qui ont besoin d’une caution. Au plan individuel, chacun, à sa place, a un rôle à jouer : en étant attentif à ses voisins, particulièrement à ceux qui vivent seuls. Mais aussi en interrogeant son comportement par rapport au logement d’autrui : ai-je besoin de toute la surface que j’occupe ? Ne puis-je pas louer à quelqu’un cet appartement inoccupé ? Est-il légitime d’empêcher par un recours la construction de logements sociaux dans ma ville ? C’est aussi le faisceau de nos actes individuels qui peut changer les choses. • Propos recueillis par Ariane Rollier

L’éclairage de… P. Jacques Trublet, s.j., théologien

« D’abord abri contre les intempéries, l’habitat est devenu ce “morceau d’espace” qui porte l’empreinte de notre personnalité. La tradition judéo-chrétienne a toujours dénoncé les expropriations arbitraires et lemal-logement. Le cri de l’Abbé Pierre en 1954 s’inscrit dans une longue histoire, car l’habitat est un bien essentiel au-même titre que l’eau, le pain ou le vêtement (Le Siracide 29, 21-27). Perdre son logement, c’est perdre sa propre identité. Or, le nombre et la diversité de ceux qui se retrouvent à la rue ne relèvent pas que de parcours individuels chaotiques, mais aussi de déficiences structurelles de notre société. L’État ne peut plus tout faire ; seule sera durable l’action solidaire de tous et où les chrétiens inventeront des solutions inédites dans la ligne de l’Évangile. Joseph Wresinski et ATD Quart-Monde ont déjà beaucoup fait pour les milieux défavorisés ; Bernard Devert, fondateur d’Habitat et Humanisme, nous invite à sortir du “palliatif”. De nombreux chrétiens sont engagés, mais il reste encore à mieux user de nos terrains constructibles pour des logements sociaux et à proposer des prêts accessibles aux plus démunis. » • Propos recueillis par A. R.

Témoignage
Thierry Arnold, directeur de la Cité Saint-Jean, association des Cités du Secours catholique

« C’est une bonne chose que l’Eglise interpelle sur la question du logement, qui doit être la priorité des priorités au niveau des choix politiques, particulièrement en temps de crise. La politique actuelle sur le logement n’est pas suffisante. Celui-ci est pourtant la base dont découle tout le reste : l’emploi, la santé, la vie sociale... Il est donc essentiel àmes yeux que les chrétiens prennent part au débat et rappellent aux pouvoirs publics que le droit au logement est un droit fondamental. Ilme semble par ailleurs nécessaire de ne pas concentrer l’effort exclusivement sur le logement social,mais de soutenir aussi le logement accompagné et les structures d’hébergement. En effet, comme nous le constatons dans le travail que nous faisons auprès de publics fragiles, nombre de personnes venant de la rue ont besoin d’une transition vers un logement ; et certaines, qui ne pourront pas assumer seules un logement, ont besoin d’être accompagnées au quotidien. C’est ce que nous proposons à travers nos maisons relais. » • Propos recueillis par A.R.

REPÈRES

« L’indispensable pour vivre, c’est l’eau, le pain, le vêtement, et une maison pour s’abriter […] C’est une triste vie que d’aller de maison en maison ; là où tu es, tu n’oses ouvrir la bouche. Tu as beau être celui qui donne à manger et à boire, tu entends les paroles amères d’un ingrat : “Viens ici, l’étranger, prépare la table ; si tu as quelque chose, donne-moi à manger !” Ou encore : “Va-t’en, l’étranger, c’était inattendu ! Mon frère vient en visite et j’ai besoin de la maison !” » (Le Siracide 29, 21.24-27).

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