Discours du cardinal André Vingt-Trois pour la clôture de l’assemblée plénière des évêques

Lourdes – 9 novembre 2010

Au moment où nous clôturons cette assemblée plénière, je veux d’abord nous inviter à l’action de grâce pour ce que nous avons vécu pendant ces journées. Encore une fois, nous avons connu la joie de prier ensemble chaque jour et de partager entre nous les fruits de notre ministère épiscopal et aussi de partager nos soucis et nos épreuves. Nous avons recueilli, comme des moissonneurs heureux, les travaux habituels de nos commissions et de nos groupes de travail. Nous avons cherché avec patience et persévérance de nouveaux chemins pour annoncer l’Évangile.

En votre nom à tous, je veux remercier les secrétaires généraux et les directeurs des services nationaux, leurs collaborateurs et collaboratrices pour leur travail, souvent peu connu, mais si important pour la fécondité de notre Conférence. Je veux aussi remercier Mgr Perrier pour son accueil toujours aussi fraternel et tout le personnel des Sanctuaires, ainsi que les bénévoles qui viennent se mettre à notre service à chaque assemblée.

Notre communion catholique a été fortement manifestée grâce à la présence des invités des autres Conférences épiscopales. Elle a été rendue plus intense et plus grave avec l’évocation du récent synode pour le Moyen-Orient, pour laquelle je remercie encore Mgr Audo, et par le souvenir très proche du massacre de Bagdad qui nous a rappelé en termes de vie et de mort ce qu’est la fidélité au Christ dans certaines situations limites. C’est un nouvel appel qui nous est adressé : nous ne devons pas nous laisser submerger par les difficultés réelles que nous connaissons en oubliant les catholiques, nos frères, qui sont soumis à bien d’autres épreuves à travers le monde et, en particulier, au Moyen-Orient. Nous n’oublions pas non plus nos frères d’Haïti, frappés par une accumulation d’épreuves depuis un an.

Nos travaux ont été tournés vers l’avenir, un avenir qui dépasse les deux semaines des spéculations politiciennes ; un avenir qui concerne les générations qui viennent. Les échanges sur la famille, la catéchèse et la pastorale des jeunes ont recentré notre réflexion sur les enjeux d’avenir de notre société et de notre Église. La première solidarité humaine est en effet celle qui relie les générations les unes aux autres. L’accueil des enfants, leur initiation à la vie chrétienne et leur éducation vers la vie adulte est une tâche prioritaire pour chacun à l’égard de la société de demain. C’est la mission première des familles fondées pour être le support de cette relation entre les générations et le cadre premier de l’exercice de la solidarité humaine. L’union d’un homme et d’une femme, stabilisée par un engagement définitif, est le meilleur moyen pour réussir l’éducation des enfants et des jeunes.

Nous avons poursuivi notre réflexion sur l’avenir de nos communautés chrétiennes. Les initiatives que nous avons recueillies dans toutes les provinces ecclésiastiques ont ramené notre attention vers ce qui est la mission propre de notre Église : l’annonce de Jésus-Christ mort et ressuscité pour la vie du monde. Nous sommes souvent pressés par la maintenance des structures héritées d’hier, mais nous évitons de nous laisser enfermer dans une fonction de maintenance nostalgique et nous nous tournons résolument vers notre mission actuelle et future.

Dans la France et l’Europe d’aujourd’hui, qui annoncent et préparent celles de demain, nous sommes attentifs à prendre les initiatives missionnaires nécessaires. Nous entendons l’appel lancé samedi dernier par le Pape Benoît XVI à Compostelle :

« A nous, chers frères et sœurs, il incombe aujourd’hui de suivre l’exemple des apôtres, en connaissant le Seigneur chaque jour davantage et en donnant un témoignage clair et courageux de l’Evangile. Il n’y a pas de plus grand trésor que nous puissions offrir à nos contemporains. Ainsi nous imiterons aussi saint Paul qui, au milieu de tant de tribulations, dans les naufrages et les moments de solitude proclamait en exultant : « Ce trésor, nous le portons en des vases d’argile, pour que cet excès de puissance soit de Dieu et ne vienne pas de nous » (2 Co 4,7) ».

Comme Paul, nous mesurons bien nos faiblesses par rapport à cette mission, mais, comme lui aussi, nous ne doutons pas de la puissance de Dieu à l’œuvre dans son Église. Peut-être plus qu’en d’autres temps, nous sommes acculés à nous appuyer avec foi sur cette puissance et à l’éprouver dans la communion ecclésiale. C’est pourquoi nous invitons les provinces ecclésiastiques à poursuivre le travail entrepris en continuant à partager les expériences missionnaires des diocèses qui les composent.

Parfois ces initiatives nous paraissent banales ou de peu d’importance. Pourtant c’est par la mobilisation, même modeste, des fidèles de notre Église, par leur engagement plus profond à la suite du Christ, par leur implication plus résolue dans les différents domaines de la vie sociale et familiale que le témoignage évangélique s’affirme et que se diffuse la Bonne Nouvelle pour un renouveau de l’évangélisation auquel nous invite la récente création du Conseil Pontifical dédié à cet objectif.

Le travail entrepris sur le dimanche, Jour du Seigneur, concerne directement l’avenir de nos communautés. Les profonds bouleversements sociologiques de notre pays touchent beaucoup de régions rurales. Les lieux de la vie sociale se sont déplacés vers des bourgs ou des villes qui regroupent écoles et collèges, centres commerciaux, services de soins, etc. Nos concitoyens savent s’y rendre pour les besoins quotidiens de leur existence. Ils apprennent aussi à s’y rendre le dimanche pour participer à un véritable rassemblement eucharistique qui est l’occasion de vivre une communion paroissiale dépassant les limites étroites du village ou du hameau et devenir une fête authentique. Cette paroisse peut devenir le centre de la vie sacramentelle et de la catéchèse. Elle doit aussi nourrir des temps de prière et de rencontre vécus dans chaque église au cours de la semaine.

Notre travail des trois dernières années n’est certes pas spectaculaire, mais il renforce en chacun d’entre nous la conviction que, quelles que soient les limites dont nous éprouvons la contrainte, chacune des communautés de nos diocèses peut faire quelque chose. Nous pouvons surmonter la lassitude et prendre de nouveaux départs. Nous savons que c’est cette détermination missionnaire qui est le principal ressort de l’engagement des prêtres, des diacres des religieux, des religieuses et des laïcs qui se dévouent pour la vie et la mission de l’Église. À chacune et à chacun nous voulons dire notre confiance et notre affection. Nous connaissons leur générosité et leur motivation pour que l’Évangile continue d’être annoncé. Les signes de vitalité dont nous nous réjouissons ne pourront atteindre leur pleine fécondité que si des hommes répondent à l’appel du Christ pour devenir les pasteurs de cette Église de la mission. Appelons-les avec générosité et confiance. Venez prendre la relève pour que l’espérance ne s’éteigne pas !

C’est de l’avenir de notre société qu’il a aussi été question dans notre travail sur la révision de la loi de bioéthique. La bioéthique touche des questions fondamentales pour le bonheur de nos concitoyens, mais aussi et surtout pour l’avenir des enfants déjà nés ou à naître. La bioéthique est un débat sur la cohérence entre le respect de la dignité humaine et le progrès des techniques biomédicales. Il n’est pas sérieux de réduire ce débat à un affrontement entre les partisans de telle recherche scientifique et ceux qui se sont engagés dans une autre recherche. L’obscurantisme des uns vis-à-vis des autres n’est pas digne des Français qui attendent, parfois avec inquiétude, plus de hauteur de vue car ils espèrent simplement de nouvelles thérapies, et rien d’autre. Nous attendons de nos représentants politiques une réflexion responsable, sérieuse et soucieuse du bien commun, dans la suite de celle qui a été menée dans notre pays pour préparer la révision de la loi de bioéthique.

Pour trouver la juste voie en bioéthique et pour rassurer les Français, le dialogue, serein et respectueux, est nécessaire. Le dialogue doit pouvoir se nourrir de données non partisanes, mais objectives et complètes. Le dialogue doit pourvoir s’appuyer sur une réflexion éthique fondée sur le respect, l’accueil et l’accompagnement du plus vulnérable. Un tel dialogue n’accepte pas l’obscurantisme ni l’opinion versatile qui se justifie de ses changements en inventant différentes catégories d’éthique, comme si la responsabilité dans le respect de la dignité humaine était à géométrie variable selon que l’on est scientifique ou que l’on est politique. Pour leur part, les évêques de France continueront à participer au dialogue en apportant leur contribution pour que notre future loi de bioéthique soit davantage respectueuse de la dignité de l’être humain dès le commencement de sa vie.

Le travail entrepris sur l’écologie concerne aussi notre avenir, l’avenir de notre monde dans toute son extension. Il est légitime, nécessaire et stimulant de faire apparaître la responsabilité humaine dans les dégradations des grands équilibres naturels. Il est aussi important de ne pas se laisser entraîner dans une lecture des observations recueillies qui ferait de l’homme le principal ennemi de la planète. L’écologie est un engagement important pour que les ressources de la terre soient au service des hommes, non pour que les hommes deviennent les serviteurs d’un naturalisme planétaire.

Enfin, nous avons pressenti que nos préoccupations n’étaient sans doute pas universellement partagées, ni entre les nations, ni chez nous entre tous nos concitoyens. La responsabilité à l’égard de la terre ne doit pas devenir une sorte de « mauvaise conscience » d’un consommateur repu. Nous avons assez de confiance dans les capacités de l’intelligence humaine pour espérer que, comme ce fut le cas dans le passé, nous chercherons et nous trouverons des solutions qui respectent la suprématie de l’homme sur la création, sa mission de gérer le monde et de le soumettre, de développer plus de justice dans les échanges économiques, commerciaux et financiers.

Cette réflexion sur l’avenir de notre société se poursuivra au cours des futures assemblées. Nous allons maintenant rejoindre nos diocèses et partager avec nos prêtres et leurs communautés les fruits de ces quelques jours de travail intense. Nous les confions à l’intercession de Notre-Dame de Lourdes.

+André, cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris, Président de la Conférence des évêques de France

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