Enseignement du cardinal André Vingt-Trois sur la famille pour les JMJ

Barcelone (Espagne) – Août 2011

3500 jeunes parisiens étaient réunis à Barcelone, point d’étape avant les JMJ de Madrid. Après avoir célébré la messe de l’Assomption, l’archevêque a donné une catéchèse sur la famille.

 Lire l’homélie de la messe de l’Assomption.

Enseignement du cardinal André Vingt-Trois sur la famille

Le Mystère de l’Assomption de Notre Dame nous manifeste comment la réalité même de Dieu se rend visible dans l’existence des hommes. Ceci se vit d’une manière particulièrement forte à travers cette réalité de la famille, fondée sur l’amour mutuel de l’homme et de la femme et de l’amour qu’ils portent à leurs enfants.

Vous le savez, depuis un certain nombre d’années, beaucoup voudraient nous convaincre que l’on ne sait plus très bien ce qu’est une famille. On brouille les repères et l’on ne parle plus de famille mais ‘des familles’, en prétendant donner ce nom à toutes sortes de réalités. Mais dans toutes les langues, les mots ont un sens, et quand ils désignent des réalités non-identifiées, on ne peut plus communiquer.

La première étape pour approcher cette présence de Dieu dans l’expérience humaine de l’amour et de la famille est donc de définir de quoi nous parlons. Une famille, c’est un homme et une femme, habituellement au service de l’éducation d’un ou plusieurs enfants. Pour que cette famille remplisse au mieux sa mission éducative, il faut qu’elle ait une stabilité réelle. On ne peut donc pas constituer une famille en dehors d’une détermination volontaire pour un engagement définitif.

Quand on demeure dans le registre de l’engagement provisoire, il y a des unions ou des temps de vie commune, mais la famille nécessite la stabilité, la permanence et la fidélité.
Ces trois éléments (stabilité, permanence et fidélité) dessinent la cadre minimal pour que les attentes et les désirs de chacun des partenaires puissent être respectés. Il n’y a pas de véritable épanouissement d’un amour humain sans engagement mutuel, dans lequel on accepte de ne pas se réserver une voie de sortie. Cela n’empêche pas que beaucoup d’hommes et de femmes connaissent aujourd’hui des souffrances, des ruptures et des échecs qui peuvent même les empêcher de faire exister une famille. Ceci n’est pas nécessairement une faute ni une erreur de leur part et il est inutile de faire peser sur eux le poids d’exigences qu’ils ne peuvent pas assumer. Mais il est également inutile de leur faire croire qu’ils vivent quelque chose qu’ils ne vivent pas !

Cette question de la stabilité et de la permanence est un point de repère décisif pour que nos espérances trouvent leur expression et leur épanouissement. La famille n’est pas seulement le cadre favorable à la réussite de nos désirs personnels. Elle est aussi une cellule active de la société, et je voudrais insister ici plus particulièrement sur un aspect de ce rôle social de la famille. Quand on parle famille, beaucoup ne pensent qu’à une petite cellule isolée du reste, dans le meilleur des cas, un homme, une femme, des enfants. On qualifie souvent cette cellule de domaine privé, comme si ce qui s’y vit n’avait ni conséquences, ni effet sur la vie de la société. Mais les références fondamentales sur lesquelles se constituent notre personnalité, notre caractère et toute notre conduite commencent à se mettre en place dès la petite enfance, et dépendent donc du contenu de la vie familiale.

Dans une société dans laquelle les familles ne savent plus ou ne peuvent plus exercer leur responsabilité éducative, les références du bien et du mal deviennent floues. Avant de s’apprendre, ces références morales se vivent de manière pratique dans l’expérience de la vie familiale.

Dans cette dimension sociale de la famille, nous devons aussi mieux comprendre (pour mieux expliquer) comment l’expérience de la vie familiale prépare à la vie en société. Dans une famille, les époux se sont choisis. Les enfants, d’une certaine manière, ne les ont pas choisis. L’unité de la famille se construit à partir de l’alliance des époux, par élargissement de cette communion aux autres membres, qui ne se sont pas choisis. Cette communion se construit lorsque chacune et chacun est reconnu pour lui-même, quelques que soient ses défauts, ses limites et ses erreurs. Même si les enfants peuvent se détacher de leurs parents, un père et une mère ne peuvent rejeter leurs enfants. Les relations familiales développent donc un contexte de sécurité dans lequel chacun des membres peut prendre le risque d’aller au devant des autres parce qu’il sait qu’il n’est pas en danger. Dans la vie sociale habituelle, cette sécurité de l’amour n’est pas garantie. Et, depuis nos premières expériences de la cour de récréation, nous savons qu’aller au devant des autres, c’est courir un risque. Pour l’affronter, nous avons donc besoin d’être fortifiés, nous avons besoin que l’expérience de l’amour familial nous donne confiance pour accepter d’aller à la rencontre des autres. Le manque de stabilité et d’harmonie dans la vie des familles, qui sont les cellules de base de la société, peut ainsi engendrer une dégradation des relations sociales et des rapports de violence.

Enfin, vous le savez, cet amour de l’homme pour sa femme, de la femme pour son mari et des parents pour leurs enfants est une image et un signe de la fidélité de Dieu envers toute l’humanité : Il s’est engagé depuis le jour où il l’a appelé à la création et il n’a jamais renoncé et ne renoncera jamais à son Alliance. C’est pourquoi le mariage, union définitive de l’homme et de la femme en vue d’élever des enfants est, dans la vie chrétienne, un sacrement, signe visible de la grâce de Dieu. Je souhaite à chacune et à chacun d’entre vous, que quelque soit votre propre expérience familiale, avec ses richesses et ses difficultés, vous puissiez développer et affermir en vous la conviction que cet engagement définitif, est la condition d’une existence paisible pour tous.

+André cardinal Vingt-Trois,
archevêque de Paris

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