Homélie du Cardinal André Vingt-Trois, messe lors du Rassemblement des Sixièmes - 3ème dimanche du Temps ordinaire – Année A

Samedi 22 janvier 2011 - Cathédrale Notre-Dame de Paris

Cette homélie de la messe du rassemblement diocésain des sixièmes, déploie trois axes du ministère public de Jésus : être la lumière pour tous les peuples, associer des hommes à sa mission et ne pas s’installer. Les exemples de Sœur Rosalie Rendu ou de Frédéric Ozanam montrent que le Royaume se fait proche quand l’amour est vécu.

 Is 8, 23b-9.3 ; Ps 26, 1.4.13-14 ; Mt 4, 12-23

Nous sommes tout à fait au début de l’évangile de saint Matthieu. Jean-Baptiste a été arrêté, ce qui inaugure la mission propre de Jésus. Ce passage que nous venons d’entendre nous en raconte les premiers moments : Jésus quitte son village de Nazareth, où il avait vécu jusqu’à présent, pour descendre à Capharnaüm au bord du lac de Tibériade ; il s’installe dans cette ville où se croisent et se rencontrent beaucoup de gens de tous les pays alentours, pas seulement des juifs, mais aussi des païens qui ne connaissent rien du tout à l’histoire d’Israël et à la tradition de la Loi de Moïse.

Que va-t-il se passer ? L’Evangile nous dit plusieurs choses :

La première, c’est que le Christ, en venant s’établir dans cette Galilée où se rencontrent les nations voisines, accomplit ce qu’avait dit le prophète Isaïe : « une lumière s’est levée sur les habitants du pays de la mort » (Mt 4, 16 qui cite Is 9, 1). D’emblée, l’Evangile proclame que Jésus est la lumière, non seulement pour les juifs, mais aussi pour les païens. Il est celui qui vient éclairer la vie des hommes, qui illumine le chemin sur lequel nous avançons, le fond de nos cœurs, notre regard, notre liberté, nos désirs et nos actions. Souvent nous nous demandons ce qu’il faudrait faire et nous cherchons dans tous les sens. Nous oublions simplement de chercher dans la bonne direction, c’est-à-dire de nous tourner vers le Christ qui est la lumière du monde. Il nous indique la route, et nous aide à comprendre et à accomplir ce qui est bon pour nous.

Ce passage de l’Evangile nous montre une deuxième chose : dès le début, Jésus appelle des hommes pour venir travailler avec lui. Pierre, André, Jacques et Jean étaient en train de pécher ou au bord du lac de Tibériade en train d’arranger leurs filets. Probablement habitaient-ils Capharnaüm. Jésus passe, les appelle - « viens, suis-moi » (Mt 4, 19), et les entraîne avec lui. Jésus veut accomplir sa mission avec des hommes qu’il formera pour qu’avec lui, ils s’occupent de son peuple. Ces hommes, plus tard, s’appelleront les apôtres, c’est-à-dire les « envoyés », puisque Jésus les appelle pour l’accompagner jusqu’au bout et les envoyer porter aux hommes la lumière qu’il apporte au monde.

Et cet évangile nous dit une troisième chose : Jésus ne s’installe pas. Une fois ce tout petit groupe de quatre hommes constitué autour de lui, il ne reste pas dans la maison de Pierre, qui était certainement assez confortable, puisque Pierre était un patron pêcheur. A certains moments, Jésus y reviendra. Mais pour l’instant, il ne s’y arrête pas. Sa mission ne consiste pas à s’installer quelque part et à attendre que les gens viennent le voir. Il va vers eux, et pour cela il se met en route, il quitte Capharnaüm et parcourt cette région de la Galilée en allant de village en village prêcher dans les synagogues que « le Royaume de Dieu s’est fait proche » (Mt 4, 17), guérir les malades (Mt 4, 23), et annoncer l’espérance du Salut.

Ce que Jésus a fait dès le début de sa mission, il l’accomplit encore aujourd’hui.

Il vient pour éclairer le chemin de tous les hommes ; de chacun et de chacune d’entre vous, de nous tous qui sommes chrétiens, et aussi de ceux qui ne sont pas chrétiens et qui peuvent entendre le message du Christ et y découvrir une espérance, une lumière, et une sagesse pour conduire leur vie.

Comme il l’a fait au bord du lac de Tibériade, Jésus appelle aujourd’hui des hommes pour être associés à sa mission. Il passe dans leur vie comme il est passé au bord du lac de Tibériade dans la vie de Pierre, d’André, de Jacques, de Jean. Comme il les a appelés, il appelle aujourd’hui des hommes par leur nom et leur dit : « viens, suis-moi ». Peut-être, parmi vous, certains ont-ils déjà entendu cet appel du Christ pour participer d’une manière plus étroite à sa mission ? Il y a tous ceux qui, autour du Christ, écoutent sa parole et sont témoins des signes et des miracles, de la multiplication des pains et des guérisons. Et il y a les prêtres, les évêques et les diacres que Jésus invite personnellement à le suivre, et à tout quitter (leur travail, leur famille, leur pays et leur ville) pour se mettre à la disposition de la mission.

Enfin, aujourd’hui comme autrefois, Jésus nous dit : « le Royaume de Dieu s’est fait proche » (Mt 4, 17). Nous pouvons comprendre que le Royaume de Dieu s’est fait proche en voyant comment l’amour de Dieu pour les hommes est manifesté quand Jésus guérit les malades ou vient en aide aux pauvres. Cet amour de Dieu pour les hommes est à l’œuvre aujourd’hui, chez nous. Il est à l’œuvre si nous nous aimons les uns les autres et si nous nous mettons au service des autres. Il est à l’œuvre à travers des hommes et des femmes comme Frédéric Ozanam et Sœur Rosalie Rendu, qui ont voulu mettre au service des pauvres dans notre ville de Paris, il y a un siècle et demi. Nous ne pouvons pas annoncer que le Royaume de Dieu s’est fait proche si rien ne change dans la vie du monde. Et pour cela, il faut que des personnes se donnent du mal, acceptent de mener une vie pauvre pour partager la vie des pauvres, acceptent de travailler sans gagner d’argent pour aider les gens à vivre. Les signes de ce Royaume qui vient sont donnés quand des gens laissent l’amour de Dieu transformer leur cœur et leur vie.

Chers amis, aujourd’hui vous avez mieux découvert les personnes du Bienheureux Frédéric Ozanam et de la bienheureuse Sœur Rosalie Rendu. Nous bénissons Dieu chaque fois qu’il met sur notre route des hommes et des femmes qui se mettent au service de leur frère. Nous-mêmes, nous sommes vraiment disciples du Christ quand nous nous mettons au service de nos frères, quand nous apprenons à nous déranger, à prendre sur nous, pour que les autres vivent mieux. Pendant quelques instants de silence, nous accueillons en silence cette parole du Seigneur qui nous dit : « le Royaume de Dieu s’est fait proche ». Nous accueillons la lumière qu’il projette sur notre vie, pour entendre son appel afin que chacune de nos existences devienne vraiment un signe d’amour pour nos frères.

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, Archevêque de Paris.

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