Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Confirmations des adultes - Vigile de Pentecôte

Samedi 11 juin 2011 – Cathédrale Notre-Dame de Paris

L’Esprit Saint rend chaque chrétien témoin de ce que Dieu transforme dans sa vie. L’Eglise reçoit la mission d’annoncer que Dieu est proche et qu’en Lui toute existence peut être réconciliée dans l’amour.

 Année A
 Ac 2, 1-11 ; Ps 103 ; 1 Co 12, 3b-7. 12-13 ; Jn 20, 19-23

Frères et Sœurs,

Pour vous qui allez être confirmés, votre présence aujourd’hui marque une étape dans l’histoire de votre vie, de votre relation avec Dieu, de votre connaissance de la personne de Jésus-Christ et de votre capacité à mettre votre espérance en Lui. Depuis un certain nombre d’années, chacun et chacune d’entre vous vit une relation avec le Christ qui n’est comparable à aucune autre. Vous avez certainement fait mémoire de ce long parcours en vous préparant à recevoir la confirmation. Vous avez pu évoquer ce chemin au long duquel Dieu a manifesté sa présence par des signes et des paroles, par des rencontres, des appels, des invitations discrètes, et parfois par des évènements plus durs ou plus cruels. A travers tout cela votre familiarité avec le Christ a pu naître et grandir.

Cette proximité a besoin de se nourrir et se développer. C’est pourquoi elle passe par votre participation à la vie de l’Église. Ainsi, à l’intérieur de votre cheminement, vous allez ce soir recevoir la confirmation, le troisième sacrement de l’initiation, qui va marquer définitivement votre appartenance au Christ et conformer votre vie à la sienne. Certains et certaines d’entre vous d’ailleurs vont aussi ce soir communier pour la première fois.

Cette découverte progressive de l’importance de la pratique des sacrements, vous a fait percevoir qu’il ne suffit pas d’avoir un petit jardin secret avec Dieu, où résonnent quelques paroles par-ci par-là, et où brillent quelques lumières au milieu de quelques ténèbres. Il faut que ces signes, ces évènements, ces invitations et ces appels que Dieu a mis en œuvre dans votre vie s’agrègent et s’intègrent à la vitalité du corps entier de l’Église. On n’est pas chrétien tout seul ! On n’est pas chrétien seulement dans le secret de son cœur ! On est chrétien par son appartenance à un corps, qui est l’Église. En recevant la confirmation, votre relation à l’Église prend un cours nouveau. Avec les disciples qui ont reçu l’Esprit Saint le jour de la Pentecôte, avec la multitude des croyants qui l’on reçue depuis deux mille ans, avec celles et ceux que vous connaissez aujourd’hui et qui ont été pour vous des témoins de la foi, vous devenez pleinement membres de l’Église et témoins du Christ.

Comme vous l’avez entendu dans la lecture des Actes des Apôtres, les Apôtres étaient barricadés dans la crainte et le souvenir peut-être un peu vain de la présence du Christ qui les avait quittés. Mais le don de l’Esprit ouvre l’espace dans lequel ils étaient retirés et les projette à la rencontre des pèlerins du monde entier qui étaient venus à Jérusalem. Le don de l’Esprit n’est pas une force destinée à cristalliser nos souvenirs, c’est un dynamisme répandu en nos cœurs pour nous envoyer vers les hommes et les femmes de notre temps, et pour faire de nous, pour eux, les témoins de la Bonne Nouvelle.

Mais peut-être me direz-vous : De quoi suis-je témoin ? Que Pierre, Jacques, Jean et les autres aient pu être témoins de ce qu’ils avaient vécu avec le Christ, je le comprends. Mais moi qui n’ai été témoin ni du baptême de Jésus, ni de ses miracles et de ses discours, ni de sa mort et de sa résurrection, de quoi puis-je témoigner ? De mes petites histoires ? Mais nos contemporains ont chacun les leurs et n’ont pas besoin des miennes ! ? Que puis-je apporter dans ce monde qui nécessite que je reçoive aujourd’hui la plénitude du don de l’Esprit-Saint ? Quels vont être les fruits de l’Esprit répandu en vos cœurs ?

Nous sommes appelés à devenir témoins du Christ non pas parce que nous aurions été les spectateurs visuels de la vie de Jésus de Nazareth mais parce que nous expérimentons dans notre vie la puissance du Christ ressuscité, alors même que nous ne l’avons jamais vu. Nous ne devenons pas témoins historiques de la vie de Jésus à Nazareth, mais témoins de l’action du Christ dans la vie des hommes aujourd’hui. C’est à l’Église que ce témoignage est confié comme une mission prioritaire. Elle est envoyée par l’Esprit Saint dans le monde entier pour annoncer la Bonne Nouvelle du Salut : Dieu n’a pas abandonné les hommes, il s’est fait proche d’eux et le demeure à travers les siècles.

Cette proximité du Dieu, invisible à nos yeux, ne s’impose pas à nous comme une expérience sensible. Mais nous en avons la certitude parce que l’Esprit de Dieu habite en nos cœurs et ouvre notre propre liberté pour que nous devenions capables de reconnaitre cette présence. Dieu est présent dans notre vie parce que nous en voyons les signes à travers l’amour qui se répand entre les hommes, par la persévérance de celles et de ceux qui sont fidèles à la parole donnée et qui n’abandonnent pas le combat aux premières difficultés, par la volonté que nous avons d’aider nos frères à trouver une vie meilleure, par le souci qu’un père et une mère se font pour leurs enfants, par la persévérance, la patience et l’endurance de ceux qui souffrent dans leur corps ou dans leur cœur…

Dieu est présent dans notre vie chaque fois qu’il ouvre les portes et les fenêtres de notre existence pour nous lancer au devant de nos frères. Aucun et aucune d’entre vous ne peut devenir par lui-même un héros de la Bonne Nouvelle et oser par lui-même annoncer Jésus-Christ dans ce monde. Mais tous, nous devenons dans l’Esprit capables d’illustrer la mise en pratique de cette Bonne Nouvelle à travers notre manière de vivre. Dans l’Église, dont vous êtes pleinement membres, chacun reçoit des dons particuliers qui ne sont pas ceux des autres. C’est ce que nous avons entendu dans l’épître de saint Paul. A chacun sont confiées des missions à accomplir. Par-dessus tout, chacun reçoit la tâche prioritaire d’annoncer Jésus-Christ à ses frères les hommes, en vivant en homme ou en femme libre, construit sur l’amour qu’il a reçu, emporté par cette charité pour la partager, missionnaire de la miséricorde du Christ pour manifester à l’humanité qu’elle n’est pas enfermée dans le péché.

Autour de nous, tant d’hommes et de femmes sombrent dans la tristesse, le scepticisme ou le cynisme parce qu’ils ne croient plus que leurs fautes puissent être pardonnées et ne se croient plus capables de mener une vie conduite par l’amour. L’Esprit Saint que Jésus répand sur ses disciples quand il leur donne la mission de pardonner les péchés est l’Esprit de réconciliation, de la réconciliation entre Dieu et les hommes, de la réconciliation entre les hommes, et de la réconciliation de chacun avec lui-même. Nous sommes pécheurs et faibles, nous faisons des erreurs et des fautes, mais nous savons que Dieu est plus grand que notre faiblesse et même que notre cœur et que son Esprit peut toucher le plus profond de notre âme. Alors même que parfois, nous serions tentés de croire qu’il n’y a plus rien à faire, Dieu nous relève. Être chrétien, ce n’est pas douter de l’homme ni du monde, c’est croire que Dieu veut le salut de tous les hommes et qu’il met en œuvre toute la puissance de son amour pour nous racheter et faire de chacun nous un témoin de sa paix, la paix des troubles intérieurs, de la culpabilité ou du désespoir. En Dieu, nous pouvons donner au monde le témoignage d’assumer notre existence dans la joie et la sérénité.

Frères et sœurs, notre Église vit aujourd’hui une grande journée lorsqu’elle vous accueille si nombreux comme ses membres actifs et déterminés. Elle vit une grande journée en accueillant le don de l’Esprit à travers ces hommes et ces femmes qui vont être confirmés. Elle vit une grande journée en étant encore une fois poussée par l’Esprit à donner au monde le témoignage de la paix. Que Dieu vous donne de trouver votre joie dans ce témoignage. Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, Archevêque de Paris

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