Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe du dimanche in albis et de la Divine Miséricorde en présence des néophytes du diocèse de Paris – Année B

Dimanche 15 avril 2012 - Cathédrale Notre-Dame

Nous croyons au Christ parce que nous faisons confiance à la Parole de Dieu, et non pas parce que nous l’aurions vu ressuscité. Nous recevons les signes du pardon efficace et du détachement des biens de ce monde comme les signes de son action en ce monde.

 Voir l’album-photos du dimanche in albis 2012.

 Ac 4, 32-35 ; Ps 117 ; 1 Jn 5, 1-6 ; Jn 20, 19-31

Heureux sommes-nous puisque nous avons cru sans avoir vu ! Heureux somme-nous puisque nous avons répondu à l’appel du Christ sans l’avoir jamais rencontré ! Heureux sommes-nous, nous qui avons été baptisés dans le Christ ! Heureux sont-ils particulièrement, ceux qui ont été baptisés en cette fête de Pâques 2012 !

Ce passage de l’évangile de Jean, nous aide à comprendre cette béatitude qui est notre béatitude. Thomas avait besoin de voir pour croire. À travers son dialogue avec lui, Jésus nous fait comprendre que croire ce que l’on voit, ce n’est pas vraiment la foi. Si l’évangile peut dire « Heureux ceux qui croient sans avoir vu » (Jn 20, 29), c’est parce que croire sans voir, c’est réellement faire confiance à celui qui nous appelle. C’est se fier réellement à la Parole de Dieu qui nous est donnée, « pour que nous croyons que Jésus est le Messie le Fils de Dieu et afin que par notre foi, nous ayons la vie en son nom » (Jn 20, 31).

C’est là quelque chose de tout à fait original, que beaucoup autour de nous ne comprennent pas, et que nous même ne saisissons pas complètement. Nous pensons que la connaissance que nous pouvons acquérir par nos sens et notre entendement est plus fiable que celle que nous avons du Christ que nous n’avons jamais vu. Et nous pouvons envier les disciples qui l’on vu ressuscité. Nous pouvons même penser que s’il apparaissait, tout le monde croirait. Mais ce n’est pas vrai, et Jésus le dit lui-même dans l’Évangile : « Même s’ils voyaient quelqu’un revenir d’entre les morts, ils ne croiraient pas ! » (Lc 16, 31).

Ce n’est pas à cause de ce que nous voyons ou de ce que nous connaissons par notre intelligence que nous croyons. Le fondement premier de la foi, c’est la confiance que nous mettons dans la Parole de Dieu. Certes, notre foi ainsi fondée s’enrichit et se fortifie par le travail de notre connaissance. Mais pour nous, cette connaissance ne porte pas sur la personne historique de Jésus, que personne n’a vue de ses yeux depuis l’Ascension et que personne ne verra jusqu’à son retour. Nous croyons sans avoir vu le Christ. Comme saint Pierre l’écrit dans sa première épitre : « Nous l’aimons sans l’avoir vu. Nous croyons en lui sans le voir encore » (1 P l, 8).

Cependant, nous avons tout de même quelque chose à voir. Notre foi n’est pas aveugle. Ce n’est pas parce qu’elle ne s’appuie par sur l’expérience sensible, qu’elle ne s’en nourrit pas ! Qu’avons-nous donc à voir, puisque Jésus a disparu à nos yeux, puisque nous ne mettrons jamais nos mains dans son côté ni nos doigts dans les plaies de ses mains, puisque nous n’entendrons jamais sa voix ? L’histoire de la communauté chrétienne depuis la résurrection nous donne à contempler des réalités et des expériences.

Il y a d’abord le grand signe du pardon, de la réconciliation et de la miséricorde C’est la mission que le ressuscité confie à ses apôtres, et pour laquelle il leur donne l’Esprit-Saint : « Il répandit sur eux son souffle et il leur dit : ‘Recevez l’Esprit Saint. Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus.’ » (Jn 20, 22-23). L’efficacité de ce pouvoir extraordinaire donné par Jésus à ses disciples devient, par la puissance de son Esprit, un signe sensible de l’action du Christ ressuscité au cœur de l’humanité. En effet, « qui peut pardonner les péchés, sinon Dieu seul ? ». C’est la question que les pharisiens se posent en eux même lors de la guérison du paralytique (Mc 2, 7). Mais voilà que « ce pouvoir est donné aux hommes » (Mt 9, 8), selon les mots de la foule à la fin de cet épisode dans l’évangile de saint Matthieu. Par la puissance de l’Esprit, les apôtres peuvent accueillir les pécheurs et les réconcilier. Tous, nous pouvons découvrir que l’amour de Dieu est plus grand que le mal que nous pouvons faire, que sa volonté de réconciliation est plus forte que l’endurcissement de nos cœurs, que la haine n’est pas le dernier mot de l’histoire humaine. De tout cela nous pouvons faire l’expérience sensible : nous connaissons des gens (nous d’abord !) qui sont des pécheurs et nous vérifions que leur foi devient une force, qui leur permet de surmonter la faiblesse de leur cœur ; nous voyons que des hommes et des femmes faillibles ou infidèles, sont ramenés à la plénitude de la fidélité par la puissance de l’amour de Dieu.

De même, nous pouvons contempler un autre grand signe dont nous parle le livre des actes des apôtres : « La multitude de ceux qui avaient adhéré à la foi avait un seul cœur et une seule âme ; et personne ne se disait propriétaire de ce qu’il possédait, mais on mettait tout en commun. » (Ac 4, 32). Tout cela se voit ! Si les disciples du Christ sont capables de mettre en pratique un véritable partage, et de ne pas se dire propriétaires de ce qu’ils possèdent, on verra bien que cela ne relève pas de la simple générosité bienveillante, mais de quelque chose de bien plus grand. Et les actes poursuivent : « Les Apôtres portaient témoignage de la résurrection du Seigneur Jésus, et la puissance de la grâce était sur eux tous. » (Ac 4, 33). Nous pouvons voir l’œuvre de la puissance de la grâce, lorsqu’elle transforme la manière de vivre d’hommes et de femmes ordinaires.

Ainsi donc notre foi, même si elle repose d’abord sur la confiance que nous faisons à la Parole de Dieu, peut aussi s’appuyer sur la vision de l’œuvre de l’amour dans le cœur des hommes, et nous pouvons reconnaître que le Christ peut changer quelque chose dans le monde et dans chacune de nos existences. Alors, oui, nous croyons sans avoir vu le Christ, nous croyons plus fermement en voyant les fruits de la puissance du Christ agissant par son Esprit.

La mission que nous avons reçue est de manifester les fruits de sa grâce à travers notre manière de vivre. C’est nous désormais qui devons donner les signes de la miséricorde, du partage et de la puissance de la grâce dans la vie des hommes. Notre vie peut témoigner que le Christ est vainqueur de la mort.

Que le Seigneur fortifie en nous la certitude que nous avons reçu l’Évangile « afin de croire que Jésus est la Messie et que par notre foi, nous ayons la vie en son nom ».

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris

Homélies

Homélies