Homélie du cardinal André Vingt-Trois - Messe en la basilique Ste Marie Majeure dans le cadre du Pèlerinage diocésain à Rome pour l’Année de la foi.

Mardi 30 avril 2013 - Basilique Sainte-Marie Majeure de Rome

Avec Élisabeth et Marie se nouent mystérieusement continuité et rupture à travers les personnes de Jean-Baptiste et de Jésus. Par la foi, Marie est la première des créatures qui manifeste par la naissance de Jésus sa maternité sur l’Église tout entière.

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 Jdt 13, 14.17-20 ; Lc 1, 39-47

Judith représente le prototype de ces femmes qui interviennent tout au long de l’histoire de l’Alliance et qui ont été des intermédiaires pour l’action de Dieu en faveur de son peuple. Judith l’a fait de manière violente en tuant Holopherne et en sauvant ainsi le peuple de la destruction. D’autres l’ont réalisé par des voies différentes comme Esther ou comme Anne, la mère de Samuel. Mais tout au long de cette histoire, une certitude s’est implantée et développée dans la conscience d’Israël : la filiation divine passe par la mère, la mère des vivants, Eve, et ensuite par toutes celles qui vont donner naissance aux enfants du Peuple élu. C’est pourquoi l’appartenance au Peuple de l’Alliance, appartenance indissoluble, vient de la filiation avec la mère.

Dans cette longue histoire, à l’orée du Nouveau Testament, Élisabeth et Marie tiennent évidemment un rôle particulier. Élisabeth va donner naissance au dernier prophète et au précurseur qui préparera la venue du Messie, et cette naissance, comme tant d’autres, au long de l’histoire d’Israël sera miraculeuse puisqu’elle est avancée en âge et que seule l’intervention de Dieu peut lui permettre d’enfanter. Marie deviendra la mère du Sauveur en répondant oui à l’appel de Dieu. De ces deux femmes, qu’unissent des liens de parenté, vont se nouer d’une façon mystérieuse, ce que nous pourrions appeler la continuité et la rupture : la continuité de la première alliance qui s’accomplit dans la personne de Jean-Baptiste et dans la personne de Marie, et la rupture qui s’accomplit par la naissance de Jésus, Fils-Unique de Dieu, Fils de Dieu lui-même. Mais les deux personnages liés par la parenté, puisque leurs mères étaient cousines, unissent dans une même toile cette continuité et cette rupture, pour manifester que la venue du Fils dans les derniers temps est l’accomplissement de la promesse faite par Dieu au long de l’histoire de l’Alliance.

En Jean-Baptiste et en Jésus, l’Ancien Testament trouve son achèvement et son accomplissement, il porte son fruit et ouvre l’Alliance à l’humanité toute entière. Marie, comme mère du Christ, n’est pas installée dans une position qui lui épargnerait l’acte de foi. Au contraire, c’est par la foi qu’elle répond « oui » à l’appel de l’Ange, puisque lorsqu’elle demande « comment cela se fera-t-il ? », il lui répond que c’est Dieu lui-même qui la couvrira de son ombre. C’est donc par la foi en cette parole de Dieu qu’elle engage sa vie et c’est par fidélité à cette parole de foi qu’elle va accompagner son fils depuis la naissance à Bethléem jusqu’à la mort sur le calvaire. Et nous avons tous présent à la mémoire, l’instant où Jésus désigne celles et ceux qui le suivent et qui mettent en pratique sa parole, comme sa nouvelle famille, non pas pour exclure Marie de cette nouvelle famille, mais pour exprimer que les liens de la chair sont dorénavant remplacés par les liens de la foi. Ainsi la place éminente de Marie ne vient pas seulement du fait qu’elle est la mère de Jésus, mais de ce qu’elle vit cette situation maternelle dans la foi profonde.

Pour nous, qui cheminons dans la foi au long des âges, cette figure de la foi de Marie est une référence permanente et constitutive de notre propre foi. Elle est la première des créatures qui entre dans cette relation d’une foi absolue en la parole de Dieu, elle est la première des créatures qui manifeste par la naissance de Jésus, la fécondité de la parole de Dieu au cœur de ceux qui lui obéissent et qui cherchent à la mettre en pratique. C’est pourquoi, pour tous les croyants, Marie devient non seulement la mère de Jésus mais aussi la mère de l’Église et la mère des croyants. Pour tous ceux qui essayent de vivre dans la foi, la figure de Marie est non seulement un exemple, mais encore une aide et une protection. Quand nous sommes habités par le doute, quand les événements de la vie semblent combattre la confiance que nous essayons de vivre dans notre relation avec Dieu, la figure de Marie depuis la grotte de Bethléem jusqu’au pied de la croix sur le calvaire devient une référence, une force et un rempart.

En cette célébration où nous vénérons la Vierge Marie, demandons au Seigneur que sa foi inspire notre foi et nous renforce dans notre relation avec Dieu.

Amen.

+ André cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris.

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