Intervention de Mgr André Vingt-Trois - Rassemblement des Jeunes Adultes Chrétiens

Dimanche 26 mai 2007 - Cathédrale Notre-Dame de Paris

Mgr André Vingt-Trois a participé avec Mgr Benoît Rivière, évêque d’Autun et président du Conseil pour la pastorale des enfants et des jeunes au lancement du Forum des Jeunes Adultes chrétiens, à Notre-Dame de Paris.
Après un temps de prière et l’accueil de Mgr Rivière, quatre jeunes ont présenté leur expérience : un du groupe des Jeunes Professionnels de Saint-Étienne, groupe qui existe depuis les JMJ de Compostelle et se consacre surtout à la découverte du patrimoine artistique chrétien, une du groupe Sant’Egidio de Paris, un jeune ingénieur membre d’un groupe de Jeunes Professionnels à Saint-Cyr l’École et une jeune femme du groupe des Jeunes Professionnels de Montargis.

Chers amis,

Ce week-end de Pentecôte 2007, comme bien d’autres week-end de Pentecôte sans doute, sera un week-end de la jeunesse : ce matin même dans cette cathédrale, des milliers de jeunes se sont mis en route vers Chartres ; cet après-midi, vous êtes là  ; ce soir, ici encore, je confirmerai près de 200 adultes dont 80% ont moins de 40 ans. Demain, j’irai au rassemblement des collégiens d’Ile de France qui sont 12000 jeunes réunis ; demain aussi aura lieu le rassemblement national des Scouts unitaires de France et demain encore le diocèse de Rennes vivra un rassemblement diocésain. Ce ne sont que quelques échantillons qui ont filtré à travers les lettres reçues ou mes conversations, mais ces quelques éléments nous donnent une vision de la puissance de l’Esprit-Saint à l’œuvre dans l’Église. L’Église du Christ à travers le monde est une Église vivante et c’est au nom de cette Église vivante que je voudrais aujourd’hui vous apporter un message d’espérance et de joie. Mon message sera articulé autour de trois thèmes qui recoupent d’une certaine façon des situations que vous connaissez bien :

Ces trois thèmes sont comme trois étapes d’une réflexion. Premier thème, première étape : être dans le monde sans être du monde ; seconde étape : les choix de la liberté ; troisième étape : ce qui est bon dans le monde.

I. Première étape : être dans le monde sans être du monde

Être au milieu du monde, être dans le monde, sans être du monde, c’est la situation que connaissent tous les chrétiens, depuis la mort et la résurrection du Christ jusqu’à nos jours, et c’est la situation qu’ils connaîtront jusqu’à la fin des temps. Pour nous aider à réfléchir à cette situation, je vous ai fait distribuer une feuille sur un côté de laquelle vous trouvez un texte en colonne. C’est un extrait d’un écrit qui date probablement du second siècle de notre ère, connu sous le nom de Lettre à Diognète. Je voudrais en retenir quelques phrases qui éclairent notre situation.

« Les chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les vêtements. Ils n’habitent pas de villes qui leur soient propres. Ils ne se servent pas de quelque dialecte extraordinaire, leur genre de vie n’a rien de singulier. Ils se répartissent dans les cités grecques et barbares suivant le lot échu à chacun ; ils se conforment aux usages locaux pour les vêtements, la nourriture et la manière de vivre, tout en manifestant les lois extraordinaires et vraiment paradoxales de leur république spirituelle. Ils résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des étrangers domiciliés ; Ils s’acquittent de tous les devoirs de citoyens, et supportent toutes les charges comme des étrangers. Toute terre étrangère leur est une patrie et toute patrie une terre étrangère. Ils se marient comme tout le monde, ils ont des enfants, mais ils n’abandonnent pas leurs nouveaux-nés. Ils partagent tous la même table, mais non la même couche. Ils obéissent aux lois établies et leur manière de vivre l’emporte en perfection sur les lois. »

Vous pourrez relire ce texte à loisir. Vous y trouverez un écho de la situation de chacun de nous en notre monde : à la fois pleinement participants de notre monde, de notre société, de notre culture, et en même temps, jamais satisfaits ni de notre monde, ni de notre société, ni de notre culture ; aspirant toujours à ce que le message d’amour du Christ soit reconnu et toujours confrontés à l’opposition que ce message du Christ suscite ; désireux toujours que notre foi chrétienne fasse de nous des artisans de paix, et supportant toujours aussi que notre foi soit un objet de répulsion ou d’objection. Comment arrivons-nous à vivre cette aspiration profonde à la paix et à l’amour en même temps que nous devons supporter avec notre entourage des différences irréductibles ? Faut-il renoncer, faut-il remettre à plus tard, – c’est-à-dire à jamais –, la mise en œuvre de l’Évangile, ou faut-il au contraire devenir des militants ardents de l’Évangile au risque de nous couper de nos semblables ?

Trop souvent, nous considérons que la méconnaissance ou le rejet du Christ ou l’objection à la foi chrétienne viennent simplement d’une erreur, d’une ignorance ou encore d’une faute morale. Nous oublions simplement que cette fracture entre le modèle chrétien et le modèle ambiant est constitutive de la foi chrétienne. Le Christ Fils unique de Dieu, pleinement Dieu, Dieu très saint, Dieu juste, Dieu miséricorde, Dieu amour, est venu partager l’existence d’une humanité qui n’est rassemblée ni par l’amour, ni par la sainteté, ni par la justice, ni par la perfection.

De cela, je tire six conclusions.

1. Il n’y a jamais eu d’âge d’or. Bien sûr, vos grands-mères, encore un peu vos mères ou vos pères, vous racontent que, dans leur jeunesse, tout allait beaucoup mieux, que tout le monde était chrétien, que tous allaient à la messe le dimanche, le sourire au lèvres et le missel sous le bras. Mais nous savons bien que la réalité n’était pas exactement celle-là . L’étrangeté du Christ et l’étrangeté de l’Évangile n’ont jamais été absorbées par aucune société, aucune culture.

2. Deuxième conséquence. Il n’y a jamais de coïncidence complète entre la foi chrétienne et aucun système historique, social ou politique. Il ne suffit pas de dire que le Royaume de Dieu n’est pas de ce monde, il faut encore comprendre qu’aucun royaume de ce monde ne peut être le Royaume de Dieu.

3. Troisième conséquence. La foi chrétienne ne peut jamais se réduire à un système philosophique ou idéologique. Elle produit toujours un écart avec les conceptions de la vie les plus communément admises.

4. Quatrième conséquence. Il n’y a pas de terre promise pour les chrétiens en ce monde. Ils sont donc toujours de quelque façon étranges ou étrangers. On ne peut pas imaginer que le chrétien soit purement et simplement superposable avec le citoyen honnête homme. Être chrétien, cela ne peut, cela n’a jamais pu et cela ne sera jamais être comme tout le monde avec une statue de la sainte Vierge sur sa cheminée. Ça ne marche pas comme cela. Être chrétien introduit forcément une différence.

5. Cinquième conséquence. La mission des chrétiens n’est pas de fuir le monde mais d’y pénétrer et d’y annoncer la Bonne Nouvelle. Au cours des âges, il y a bien eu des tentatives visant à constituer des enclaves chrétiennes .Vous avez sans doute entendu parler des “réductions” jésuites pendant la colonisation espagnole de l’Amérique latine ou des villages chrétiens en Afrique lors de la première évangélisation. Mais même si ces tentatives ont eu une raison d’être au moment où elles ont eu lieu, elles n’ont jamais pu durer. Il n’y a pas d’isolat chrétien dans le monde.

6. Sixième conséquence. Votre situation de chrétiens dans un monde professionnel dominé par les impératifs économiques est inévitablement une situation d’instabilité à surmonter. Quand je parle d’instabilité, je ne pense pas d’abord à l’instabilité de l’emploi dont tout le monde sait qu’elle existe, mais je pense à l’instabilité par rapport à une cohésion étroite avec tous les objectifs d’une société économique, par rapport à une adhésion sans faille à ces objectifs, par rapport au renoncement implicite à toutes autres dimensions de la vie qui sont plus ou moins implicitement nécessaires si la réussite de l’intégration professionnelle prime tous les autres projets. Le chrétien sait de source sûre que la réussite professionnelle n’est pas le critère du bonheur.

II. Deuxième étape : les choix de la liberté.

Il n’y a pas d’amour ni d’engagement sans liberté. C’est pourquoi la libération de l’homme est au cœur de tout système qui ambitionne de proposer le salut. Or la foi au Christ ambitionne de proposer le salut, le bonheur. Si elle ne propose pas le bonheur, si elle ne propose pas le salut, elle n’a aucun intérêt Nous ne sommes pas là pour apporter des nuances dans les couleurs des murs de la maison, nous sommes là pour proposer une autre architecture. Si vous trouvez que l’architecture que tout le monde vous propose est satisfaisante, ne perdez pas votre temps à chercher des nuances pour agrémenter les couloirs ou les portes. Jésus-Christ n’est pas venu pour cela. Il est venu pour nous faire vivre autrement. Mais la question à laquelle nous sommes confrontés par notre vie est : qu’est-ce que la liberté ?

On peut parler de liberté publique. Nous la connaissons dans notre pays. Cela désigne des droits à des biens nécessaires à l’exercice de cette liberté : droit à la vie et droit au respect de la vie et droit à la santé ; droit à la formation et droit à l’éducation ; droit au travail et à la subsistance familiale. Énumérer ces droits et d’autres encore suffit à faire mesurer que nous sommes certes libres de cette liberté publique, mais que, comme disait quelqu’un, nous ne sommes pas tous libres également. Car tout le monde n’a pas le même droit à la vie et au respect de la vie, tout le monde n’a pas le même droit à la santé, tout le monde n’a pas le même droit à l’éducation. La conquête de ces droits, non pas leur conquête métaphysique, - car tout le monde sera d’accord pour dire que ce sont des droits fondamentaux -, mais leur conquête pratique, c’est-à-dire leur mise en œuvre effective, demande un labeur incessant. Mais du moins, dans notre société, l’ambition de faire progresser ces droits, l’engagement pour les faire progresser à travers nos efforts, ne sont pas contestés, du moins pas trop, pas complètement, pas ouvertement.

Mais plus que les libertés publiques, il y a la liberté de l’intelligence, la possibilité pour tous d’avoir accès à la vérité. Que veut dire cela dans une société de la communication dominée par le formatage de l’information et la construction de la “pensée unique” ? Quelle est votre véritable liberté de dire ce que vous croyez et ce que vous pensez ? N’essayez pas de vous consoler en vous disant que si vous devez dire ce qu’il faut dire pour être à la place que vous occupez, vous restez libre de penser ce que vous voulez. Réfléchissez bien qu’une pensée et une conviction qui n’arrivent jamais à trouver une expression sociale sont vouées au secret, à la nécrose et à la mort. On peut vivre un certain temps en cachant ce que l’on croit, mais il vient un moment où l’on finit par ne plus croire ce que l’on cache. Il n’y a de véritable liberté de l’esprit que s’il y a une liberté d’expression, c’est-à -dire une possibilité de dire les choses.

Enfin, troisième degré de la liberté : la liberté morale, la possibilité de choisir nos manières de vivre sans être jugés, sans être condamnés, sans être exclus. Comme vous le savez, au moins pour l’avoir entendu dire, le fonctionnement d’une société démocratique, c’est l’élaboration d’un certain consensus par la négociation. A cela on reconnaît une société démocratique : les transformations ne s’y opèrent pas par la force, mais par la conviction. Pour faire progresser une société démocratique, il faut faire progresser la négociation de façon à aboutir à un certain modus vivendi. Si notre société progresse par l’élaboration de consensus négociés, arrive nécessairement un jour où nous ne pouvons plus être dispensés de faire des choix. Car il y a dans la vie des choses qui ne se négocient pas. Lesquelles ? Il serait intéressant qu’au cours de vos discussions, plutôt que de chercher un modus vivendi négocié, vous parveniez à un partage où chacune et chacun d’entre vous exprimerait, selon ce qu’il veut, ce qui pour lui relève du non-négociable, non pas abstraitement mais concrètement.
Pour éclairer cette réflexion, je vais vous lire quelques lignes du livre du Deutéronome, au chapitre 30 : « Moïse disait au peuple d’Israël : Je te propose aujourd’hui de choisir ou bien la vie et le bonheur, ou bien la mort et le malheur. Écoute les commandements que je te donne aujourd’hui : aimer le Seigneur ton Dieu, marcher dans ses chemins, garder ses ordres, ses commandements et ses décrets. Alors tu vivras et te multiplieras. Je prends aujourd’hui à témoin contre toi le ciel et la terre : je te propose de choisir entre la vie et la mort, entre la bénédiction et la malédiction. Choisis donc la vie, pour que vous viviez, toi et ta descendance, en aimant le Seigneur ton Dieu, en écoutant sa voix, en vous attachant à lui ; c’est là que se trouve la vie, une longue vie sur la terre que le Seigneur a juré de donner à tes pères, Abraham, Isaac et Jacob ? »

D’une certaine façon, cette option radicale de la vie et de la mort, du bonheur et du malheur, de la bénédiction et de la malédiction, cette option radicale est au coeur de chacune de nos libertés. C’est à chacun de nous de savoir quel chemin il veut prendre ; c’est à chacun de nous de savoir quelles ruptures il est prêt à assumer pour être fidèle à des convictions qui ne sont pas négociables. C’est à chacun de nous de savoir s’il veut être fidèle à la Parole de Dieu ou au contraire suivre d’autres chemins.

III. Troisième étape : "Tout ce qui est bien".

On pourrait dire les choses d’une autre façon en posant la question : peut-on être chrétien et joyeux ? Le christianisme ne peut-il être qu’un christianisme de la condamnation, un christianisme de la frustration, un christianisme de la tristesse qui ne progresse que dans l’insatisfaction ou le conflit permanent.

Cinq points de réflexion.

1. Quelle la racine, quelle est la source de la joie ? Qu’est-ce qui nous rend heureux, qu’est-ce qui nous rend joyeux ? Qu’est ce qui nous rend légers ? L’allégresse, c’est la légèreté de l’être. Est-ce d’éviter tout conflit ? Nous serons alors joyeux, heureux, dans la mesure où nous serons assez clairvoyants pour esquiver les chocs, les confrontations, les discussions, les objections.
Est-ce de satisfaire tous les désirs ? Nous serons joyeux, heureux, si nos pouvons nous payer tout ce qui nous plaît, tout ce qui nos tente. Puisque dans ce monde, – cela fait un certain temps que cela dure –, il faut de l’argent pour se payer ce qui nous plaît, pour se payer tout ce qui nous plaît, il faut beaucoup d’argent. Et pour avoir beaucoup d’argent, on ne connaît que trois méthodes : la fausse monnaie, le vol et le travail. Les méthodes annexes, comme l’héritage, ne concernent qu’une minorité statistique. Si donc vous n’êtes ni faux-monnayeur ni voleur et que vous voulez beaucoup d’argent, eh bien ! il faut travailler beaucoup. Plus. Et plus vous travaillez, plus vous êtes fatigué, et plus vous avez besoin de vous détendre et plus vous avez besoin de satisfaire vos désirs, et plus vos désirs vous dominent et plus vous perdez le contrôle de votre existence. Où va s’exercer la maîtrise de la vie ?

2. Deuxième remarque. Dans notre monde, tout n’est pas mauvais. Regardez, sans être des historiens ou des spécialistes de l’histoire ancienne, comme tant de choses ont transformé dans nos pays la vie des hommes et des femmes. J’ai connu un temps d’avant la télévision ; mes parents ont connu un temps d’avant l’électricité ; j’ai connu des maisons sans eau courante. En l’espace de quelques dizaines d’années, combien de progrès ont été faits ! Ils ont amélioré la vie des hommes, ils ont rendu leur vie non seulement moins pénible mais même moins cruelle. Comment ne pas reconnaître aussi la diffusion, l’extension, autour de nous d’un esprit de générosité, pas simplement pour se faire voir, pas simplement pour se donner une bonne image de soi-même, mais aussi parce que beaucoup de nos contemporains éprouvent vraiment un sentiment de compassion.
Il y a beaucoup de choses magnifiques en notre monde. Cela veut dire qu’on ne peut pas avoir un jugement simpliste sur l’univers. Même sur l’univers économique, même sur des aspects très discutés et discutables de l’univers et de la production économiques. Il n’y a que dans les western que le méchant et le bon portent des étiquettes comme pour ne pas se tromper quand ils tirent. Mais, dans la vie ordinaire, rien n’est jamais aussi simple. Il faut examiner avec discernement, réfléchir, peser, peser, juger, ce qui est bien, ce qui est mal. Ce qui est bon ,le retenir ; ce qui est mauvais, l’écarter.

Vous verrez les deux passages des épîtres de saint Paul que je vous ai fait donner :
« L’Esprit le dit expressément, écrit-il à Timothée, dans les derniers temps, certains renieront la foi, s’attacheront à des esprits séducteurs et à des doctrines inspirées par les démons, égarés qu’ils seront par l’hypocrisie des menteurs marqués au fer rouge dans leur conscience : ils interdiront le mariage, ils proscriront l’usage de certains aliments, alors que Dieu les a créés pour que les fidèles, ceux qui connaissent pleinement la vérité, les prennent avec action de grâce. Car tout ce que Dieu a créé est bon, et rien n’est à rejeter si on le prend avec action de grâce. »
Comment aborder le monde avec action de grâce, c’est-à -dire en reconnaissant l’œuvre de Dieu agissant en ce monde ?

3. Troisième remarque : la force des conformismes. Chaque génération, la mienne comme la vôtre, comme la suivante, fait profession d’anticonformisme. Mais elle le fait avec tellement de dépendance et de manque d’originalité qu’elle en devient conformiste. La masse d’information, d’images, de messages médiatisés qui visent à banaliser et à uniformiser des modèles de vie, nous donnant le sentiment que, pour être normal, il faut être conforme au modèle de la publicité, c’est du conformisme. Contre le conformisme, que trouvons-nous ? Ou bien le lobbying qui consiste, quand on est dix, à faire du bruit comme si on était cent, - et quand on est cent mille, à faire croire que l’on est un million. Ou bien la liberté intérieure qui nous permet de définir notre chemin non pas pour imiter les autres mais pour imiter le Christ.

4. Quatrième remarque : nous sommes dans une société du spectacle où nous nous donnons les uns aux autres le spectacle. Nous sommes dans une société des bons sentiments où chaque journal télévisé participe au concours en tâchant de montrer quelque chose de plus attendrissant ou de plus horrible pour émouvoir nos cœurs. Une société des bons sentiments qui se donne en spectacle pour nous donner bonne conscience. Mais ce qui change le monde, ce ne sont pas les promesses de don, ce sont les personnes qui se donnent réellement. On peut aider par une contribution financière, on ne peut pas remplacer le don de soi par un chèque. On ne peut pas s’acheter la liberté de vivre sur nos propres désirs en finançant le dévouement des autres. Nous ne sommes pas appelés à nourrir les bons sentiments, nous sommes appelés à aimer « en acte et en vérité ».

5. Est-il possible de changer quelque chose en ce monde ? Si je ne croyais pas possible de changer quelque chose, je ne serais pas venu cet après-midi. Car ce qui va changer quelque chose dans le monde, c’est la manière dont nous passons, chacune et chacun d’entre nous, de la bonne intention à la mise en acte ; comment nous passons du sentiment de générosité au partage effectif ; comment nous passons de la générosité sensible, de la compassion du journal télévisé à un agir réel ; comment nous passons de nos états d’âme à des manières de faire ; comment nous passons de l’idée à la réalité, et à quel prix. Jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour devenir les constructeurs d’un monde différent, les artisans d’un monde différent ?

Je souhaite que pendant ce week-end vous ayez la possibilité de vous aider les uns les autres à répondre à ce genre de questions, que vous ayez la possibilité de vous éclairer mutuellement, à partir de vos expériences, sur ce que veut dire être disciples du Christ aujourd’hui, dans la société française du XXIe siècle, en essayant d’être honnêtement des professionnels, d’être momentanément des jeunes et d’être fondamentalement des chrétiens.

+André Vingt-Trois
Archevêque de Paris

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