Jeunes prêtres : le défi des premières années

Paris Notre-Dame du 31 janvier 2013

Ordonnés il y a quelques mois ou quelques années seulement, ils découvrent la vie paroissiale en tant que vicaires. Heureux d’être enfin prêtres, ils font leurs premiers pas dans leur communauté, accompagnés par leur curé. Paris Notre-Dame a enquêté sur leurs découvertes joyeuses et les défis qu’ils doivent relever.

Chaque nouveau vicaire se voit confier des missions variées et complémentaires.
© Sophie Lebrun

« Ma plus grande joie est de me sentir à ma place en tant que prêtre, de savoir que je fais la volonté de Dieu », affirme sans hésitation le P. Tanneguy Viellard, ordonné par l’archevêque en juin dernier. Après de longues années de discernement au séminaire, de mûrissement de sa vocation sacerdotale avec les remises en question qui vont de pair, le jeune vicaire en FMPV (Fraternité missionnaire des prêtres pour la ville) à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) se réjouit de se sentir « fait pour sa nouvelle mission ». Que ce soit en célébrant la messe, en assurant la prédication, en portant la communion aux malades ou simplement en visitant les paroissiens, il répond avec une joie profonde à son appel sacerdotal qu’il sent en pleine cohérence avec ce qu’il est. Comme lui, le P. Luc de Bellescize, vicaire à N.-D. de Grâce de Passy (16e) pour la troisième année, parle de « repos dans le don de Dieu » : « Jusqu’à l’ordination, nous sommes tendus vers le sacerdoce, comme des fiancés vers le mariage. Le sacrement induit une rupture qui nous donne d’accomplir notre vocation, avec la certitude que Dieu est fidèle à ce qu’il donne. » Pour autant, si les jeunes prêtres sont heureux de cet accomplissement, ils ne cachent pas l’exigence de leur ministère, surtout lorsqu’ils font leurs premiers pas.

Quelques difficultés

Première difficulté rencontrée : celle de se sentir pécheurs et toujours trop éloignés du Christ auquel ils souhaiteraient être pleinement configurés. Ainsi le P. de Bellescize se dit « angoissé de laisser passer la grâce spéciale qui lui est donnée en tant que prêtre », et le P. Viellard soucieux « de ne pas faire du mal et de ne pas décevoir » ceux vers lesquels il est envoyé. Car forte est la pression qui repose sur leurs épaules : les laïcs attendent beaucoup de ceux qu’ils considèrent comme « leurs pères » et prennent chacune de leurs paroles au sérieux. Une pression néanmoins compensée par la confiance que leur font les paroissiens, avec les amitiés qui se nouent et le soutien qu’ils leur apportent. Deuxième difficulté, d’un autre ordre, qui se présente lors des premières années des prêtres : la charge de travail, « exigeante, difficile, de longue haleine », comme le décrit le P. Stéphane Mayor, vicaire pour la troisième année à Ste-Marie des Batignolles (17e).« Il y a une distance entre la vie rêvée et la vie réelle, livre sans détour le P. de Bellescize. La première année, je me suis un peu senti écrasé par les multiples tâches qui m’étaient confiées : il a fallu apprendre à organiser mon temps, à hiérarchiser les priorités, sans perdre de vue la nécessité de vivre avec intensité le moment présent et de prendre le temps nécessaire à l’oraison. » Heureusement mise en place au séminaire, la vie de prière des jeunes prêtres ne les quitte pas, malgré le défi de lui donner toujours la priorité. « Je sais que si je ne prie pas le matin avant le petit-déjeuner, je risque d’avoir du mal à trouver un moment dans la journée pour le faire », reconnaît avec humilité le P. Viellard. Un peu débordé par tout ce que requiert la gestion de sa paroisse, il doit être sur tous les fronts – du bourrage de la photocopieuse au catéchisme des collégiens –, avec la lenteur propre à celui qui démarre dans la prédication et dans l’administration des sacrements. « Au début, tout prend du temps : quand on célèbre des obsèques pour la première fois par exemple… Et puis, on a moins de recul qu’un prêtre expérimenté », constate-t-il avec lucidité. La vie sacramentelle, la vie de prière et la vie fraternelle sont néanmoins trois points d’ancrage qui portent les jeunes prêtres. « Ici, nous sommes en lien avec beaucoup de familles, et je suis régulièrement invité chez les paroissiens », raconte le P. Mayor, se réjouissant de se voir « donné à son épouse », l’Église, à travers la communauté vers laquelle il a été envoyé. En ce qui concerne la vie communautaire, il juge les repas régulièrement pris avec les autres prêtres de son presbytère « nécessaires » pour partager le quotidien, prendre des décisions et nourrir l’amitié fraternelle. Quant au P. Viellard, il a délibérément choisi d’être membre de la FMPV pour ces raisons-là… Côté fraternité, il n’est pas rare non plus que les jeunes prêtres retrouvent leurs confrères du séminaire pour travailler ensemble sur un thème – comme le font par exemple le P. de Bellescize et le P. Mayor avec le P. Jean-Baptiste Arnaud, vicaire à St-Séverin (5e) et le P. Alexis Leproux, vicaire à St-Germain des Prés (6e), sur les catéchèses Even – ou pour prendre du temps gratuit ensemble un soir de semaine ou un week-end de temps à autre.

La relecture

Ceci sans compter les rencontres entre jeunes prêtres organisées une fois par trimestre au Sacré-Cœur de Montmartre (18e) et une fois par an en dehors de Paris par Mgr Renauld de Dinechin, chargé de l’accompagnement des prêtres ayant moins de trois ans d’expérience pastorale. Des moments gratuits et appréciés, qui visent à favoriser notamment « la relecture » des débuts de ministère.

Une relecture qui se fait progressivement, les mois et les années passant, et qui permet aux jeunes vicaires de mûrir leur être sacerdotal. « Il y a le temps du labour, le temps des semailles, et le temps de la croissance », explique l’évêque auxiliaire. Ainsi, le premier cycle de trois ans permet à chaque vicaire de découvrir de très nombreuses facettes de son ministère et de rencontrer toutes les tranches d’âge de vie, les curés prenant soin de leur confier des missions variées. Chargés de prêcher chaque dimanche à la messe, ils apprennent également, au fur et à mesure des mois, à ajuster leurs propos à la réalité de ce que vivent leurs ouailles. « En rencontrant les paroissiens, en travaillant avec eux, j’ai appris à aimer mon Église à travers eux. Je me rends compte que mes homélies ont évolué, avec un langage plus nuptial, plus ajusté à ce qu’ils sont », souligne le P. Mayor. Et de poursuivre : « Je pense que le cycle de trois ans correspond à une première saison : la première année, on observe, on sème ; la deuxième année, on lance des projets, on approfondit ; la troisième : on récolte les fruits semés, on consolide les liens créés. » Un premier cycle fondamental donc, et pris au sérieux tant par les personnes qui le vivent que par celles qui les suivent. « Si on dit que les séminaristes sont la prunelle des yeux de l’évêque, nous sommes tout autant attentifs à ce passage particulièrement sensible des premières années de sacerdoce, dans lesquelles la croissance de la grâce se déploie de façon privilégiée », insiste Mgr de Dinechin. • Ariane Rollier

Témoignage _ Le P. Hervé Géniteau, curé de St-Jean-Baptiste de Grenelle (15e), accueille chaque année des jeunes prêtres dans sa paroisse.

« Le premier curé est une figure extrêmement importante pour un jeune prêtre. J’ai encore en mémoire celui qui m’a initié au ministère pastoral. Ma mission est un peu comme celle d’un “tuteur” qui accompagne les premiers pas d’un prêtre dans la vie paroissiale. Les premiers mois, je forme mes vicaires à célébrer tous les sacrements : la première fois ils m’assistent, la deuxième fois ce sont eux qui président et je les seconde. Par ailleurs, je veille à ce que sur le cycle des trois premières années, ils aient un aperçu du ministère paroissial, balayant à peu près l’ensemble des activités : du catéchisme aux visites de personnes âgées, en passant par l’aumônerie des étudiants et les activités caritatives... Disponible pour eux à tout moment, je les rencontre environ une heure tous les quinze jours en tête-à-tête pour faire le point sur la façon dont ils vivent le ministère. Je me rends compte de l’importance pour eux de partager ce qu’ils découvrent. En outre, comme un père, je veille à ce qu’ils aient une vie équilibrée (prière,ministère, détente…), afin de ne pas consumer trop vite toute l’énergie généreuse qui les caractérise. » • Propos recueillis par A. R.

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