« L’objection de conscience est aussi un devoir »

Paris Notre-Dame du 9 juin 2011

Interview de Mgr Michel Aupetit, vicaire général, parue dans Paris Notre-Dame.

PN.-D. - Des dispositions légales allant à l’encontre de l’éthique défendue par l’Église ont été en discussion au parlement. Quelle peut être la latitude des professionnels de la santé entre ce qu’impose leur conscience et ce que dit la loi ?

Mgr Michel Aupetit, vicaire général
© Ariane Rollier

Mgr Michel Aupetit – Si le droit des États, qu’on appelle droit positif, est contraire aux droits fondamentaux des personnes, le citoyen n’est pas obligé en conscience de suivre les prescriptions des autorités civiles. C’est ainsi que le code de déontologie médicale reconnaît le droit à l’objection de conscience dans le cadre de l’avortement : « Un médecin ne peut pratiquer une interruption volontaire de grossesse que dans les cas et les conditions prévus par la loi ; il est toujours libre de s’y refuser et d’en informer l’intéressé dans les conditions et délais prévus par la loi » (art. 18). L’objection de conscience des professionnels de santé est un droit reconnu et opposable. Il semble que dans les faits, cela soit beaucoup plus difficile à mettre en œuvre. Bien souvent, des infirmières, des sages-femmes et des médecins sont soumis à des contraintes au nom de la suite des soins ou de leur formation hospitalière. Pourtant, le second procès de Nuremberg, fait aux médecins nazis condamnés pour n’avoir pas pratiqué l’objection de conscience alors qu’ils connaissaient les programmes d’extermination, a fait naître le principe dit de Nuremberg : « Le fait d’avoir agi sur l’ordre de son gouvernement ou de celui d’un supérieur hiérarchique ne dégage pas la responsabilité de l’agent, s’il a eu moralement la faculté de choisir. » L’objection de conscience est donc, non seulement un droit, mais un devoir face à un ordre injuste. Le personnel soignant doit pouvoir accomplir sa tâche en fonction des choix éthiques qui sont les siens. Devant la pression que peut exercer la société, il est bon que ces professionnels de santé s’unissent en créant des réseaux et des systèmes d’entraide et de défense.

P.N.-D. - Plus généralement, dans leur vie professionnelle et familiale, de quelle façon les chrétiens peuvent-ils être des témoins de l’éthique chrétienne ?

Mgr Michel Aupetit – Saint Pierre et saint Paul insistent tous deux sur la soumission aux autorités et sur le devoir civil des chrétiens comme citoyens d’un État (1 P 2, 13-14 ; Rm 13, 1). Cependant, saint Pierre rappelle qu’« il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Ac 5, 29), ce que le pape Jean XXIII explicite dans son encyclique Pacem in terris : « L’autorité exigée par l’ordre moral émane de Dieu. S’il arrive aux dirigeants d’édicter des lois contraires à cet ordre moral, et par conséquent, à la volonté divine, ces dispositions ne peuvent obliger les consciences » (n° 51). Les chrétiens doivent se rappeler qu’ils « sont dans le monde » où ils doivent tenir leur place, mais qu’ils « ne sont pas du monde » (cf. Jn 17, 14), c’est-à-dire qu’ils n’ont pas à suivre les tendances fluctuantes de la société. Pour prendre un exemple d’actualité, les parents d’élèves peuvent légitimement protester lorsque l’État impose dans les manuels scolaires une idéologie non scientifique sur le refus de la différence sexuée (dite “gender”). • Propos recueillis par Pierre-Louis Lensel

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