La famille, héritage ou avenir ? (3/6)

Paris Notre-Dame du 24 mars 2011

Face à la tentation de s’approprier l’enfant dans un contexte où la médecine offre de nombreuses possibilités, que proposent l’Église et la tradition chrétienne comme garde fou ? Que dit la Bible des relations entre parents, enfants et frères et sœurs et de la façon dont elles structurent les personnes ? C’est à ces questions que répondent Françoise Dekeuwer-Defossez, juriste, et le P. Alexis Leproux, théologien, lors de la 3e Conférence de carême, le dimanche 27 mars, à 16h30, à N.-D.de Paris.

© Natacha Lebrun

DIMANCHE 27 MARS : « Paternité, Maternité, Fraternité : comment vivre une relation structurante entre parents et enfants ? »

Françoise Dekeuwer-Defossez, professeur de droit, juriste

P.N.-D. – Qu’évoque pour vous le thème de la « relation structurante entre parents et enfants ? » choisi pour cette 3e Conférence de carême ?

Françoise Dekeuwer-Defossez – Deux grandes questions me viennent à l’esprit : celle des structures de la parenté et celle de l’autorité parentale. La première renvoie à la multiplication actuelle des structures parentales, répondant aux attentes des adultes, mais qui parfois font de l’enfant un objet au lieu de le respecter comme personne. Il y a toujours eu ce risque de la toute-puissance des parents sur les enfants, mais les progrès actuels de la médecine la facilitent. Je pense au sujet des mères porteuses ou de la famille homoparentale, qui transforment des modes de procréation et de filiation structurants. Autrefois, il y avait une forme d’immanence de la nature : les enfants arrivaient lorsqu’ils le voulaient. Aujourd’hui, on revendique le droit a avoir un enfant, sans nécessairement penser au respect qu’on lui doit, à sa dignité en tant que personne humaine. L’enfant trop désiré peut souffrir de l’emprise que ses parents auront sur lui... La deuxième grande question est celle du rôle de l’autorité parentale, nécessaire pour la structuration de l’enfant. A une époque où la séparation des couples est de plus en plus fréquente, celle-ci est mal menée. Pour se développer, l’enfant a besoin de l’altérité de ses parents, d’être confronté à chacun d’entre eux, et qu’ils respectent ce rôle mutuel qui leur est imparti. Or, il n’est pas facile pour les membres d’un couple séparé de respecter l’autorité de l’autre conjoint et sa façon d’élever les enfants. Critiquer l’autre ou sa façon de faire est nocif pour l’enfant qui vit alors un conflit de loyauté.

P.N.-D. – Y a-t-il d’après vous des garde-fous à ces dérives ?

F. D.-D. – Oui, je pense notamment à la Convention internationale des droits de l’enfant datant du 20 novembre 1989, qui pose l’intérêt de l’enfant comme notion fondamentale dans le droit et qui est contraignante pour la loi. Dans ce texte adopté par de nombreux pays, l’enfant est présenté comme une personne existant par elle même. Il a ainsi le droit de connaître ses origines, ce qui pose des questions pour la procréation médicalement assistée avec le don anonyme de sperme, comme pour l’accouchement sous x. L’enfant a également un droit d’expression et ainsi d’être entendu par un juge lors de la séparation de ses parents.

P.N.-D. – Que pensez-vous du rôle de l’Eglise par rapport à ces questions ?

F. D.-D. – Je parle comme juriste et non comme théologienne. Je pense que dans notre société, les droits de l’enfant et la dignité humaine sont des valeurs importantes et partagées, sur lesquelles nous devons tous nous appuyer. Néanmoins, pour moi, dans une culture de la diversité et du vivre ensemble, il est important que l’Eglise puisse exprimer sa vision anthropologique, qu’elle puisse dire ce à quoi elle croit. Il y a des éléments importants et valables de façon universelle dans son mode de raisonnement, notamment en ce qui concerne la procréation. • Propos recueillis par Ariane Rollier

L’ÉCLAIRAGE DU… P. Alexis Leproux, théologien

La loi mosaïque comme fondement de la relation familiale

« Les livres de Moïse (Pentateuque) constituent un fondement réflexif pour poser la relation familiale et sociale. Les chapitres 18 à 22 de la Genèse, qui montrent la valeur de la relation entre Abraham, Isaac, Ismaël et Sarah, permettent de comprendre la structure familiale du patriarche et de sa race à jamais. Le sacrifice d’Isaac révèle la filiation, l’hospitalité des trois hommes à Mambré permet de comprendre la dimension de la paternité comme accueil de l’étranger, et l’accueil de la vie par Sarah, la maternité comme la reconnaissance de ce qui se passe en elle. La révélation mosaïque donne ainsi une réponse à la question de la personne humaine, tout en nous renvoyant au dialogue avec la société dans ce qu’elle vit de bien – la place des femmes, les valeurs de l’égalité, de la fraternité et de la liberté – et dans ses écueils – les points limites du statut de l’embryon et de la personne malade ou handicapée. » • Propos recueillis par A.R.

TÉMOIGNAGES

Gabriel, St-Augustin (8e), 32 ans. « En tant que père de deux petites filles, je pense qu’il est nécessaire de me poser la question des modèles que j’ai reçus et de ce que je veux transmettre à mes enfants. Ce qui est relativement nouveau pour ma génération en terme de conception de l’éducation, c’est qu’un enfant existe par lui-même. Cela implique, entre autres, que l’adjectif structurant ne veut plus dire enfermant, mais plutôt donner des bases ou des fondements solides, sur lesquels l’enfant pourra bâtir ses propres expériences. Cela signifie aussi, pour les parents, être à l’écoute et laisser une place à l’expression de l’enfant. »

Pascale, St-Roch (2e), 58 ans. « Donner l’exemple est la façon la plus simple et la plus efficace de transmettre ce qui me tient à coeur à mes enfants et petits-enfants. Or, je crois que dans notre société judéo-chrétienne, nous avons une certaine réserve, qui nous empêche de dire ce que l’on fait pour les autres, ou de parler de nos doutes. Cette pudeur qui nous pousse à ne pas dire ce que nous vivons spirituellement, voire cette crainte de parler de nos fragilités à nos enfants, est regrettable à mon sens. Le fait de nommer les choses, de montrer ce qui est important pour soi et d’accueillir ses vulnérabilités, est constructif et structurant pour eux. »

REPÈRES

 20 136, tel est le nombre d’enfants nés par AMP (Assistance médicale à la procréation) en 2008, en France, pour un total de 834 000 naissances, soit 2,41% d’entre elles. (Source : www.fivfrance.com et Insee).
 1,2 million d’enfants de moins de 18 ans vivent dans une famille recomposée en 2006 en France. Parmi eux, 800 000 vivent avec un parent et un beau-parent. Un tiers d’entre eux vit sans autre enfant dans la famille. 400 000 enfants sont nés après la recomposition familiale et résident donc avec leurs deux parents et un demi-frère ou une demi-sœur. (Source : Insee.)


 Les textes des conférences sont publiés chez Parole et Silence le 17 avril 2011.
 Horaires et détails pratiques sur les Conférences de Carême.

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