La pensée de Simone Weil, une ressource pour aujourd’hui

Paris Notre-Dame du 29 mars 2012

PN.-D. - Vous assurez, les mercredis 11 avril et 2 mai, au Collège des Bernardins, deux conférences sur la philosophe et mystique française Simone Weil (1909-1943). Pourquoi s’intéresser aujourd’hui à cette figure intellectuelle peu connue du grand public ?

Emmanuel Gabellieri, doyen du Pôle philosophie-sciences humaines de l’université catholique de Lyon
© Pierre-Louis Lensel

Emmanuel Gabellieri – Plusieurs raisons rendent Simone Weil passionnante pour notre époque ! Cette figure fulgurante, qui n’a vécu que trente-quatre ans au début du XXe siècle, a développé une pensée d’une amplitude exceptionnellement large. Elle a eu le don d’établir des liens nouveaux et très féconds entre des champs de réflexion généralement séparés ou, du moins, compartimentés : entre philosophie, science, art et politique, ou – ce qui est moins commun – entre religion et politique. Par ailleurs, elle a été un précurseur, on pourrait même dire un « prophète », sur des thèmes devenus d’actualité bien après sa mort, par exemple sur la question du rapport entre le christianisme et les autres religions. Ce qu’a fait Jean-Paul II à Assise pour le dialogue interreligieux rejoint, avec d’autre figures, la profonde intuition de Simone Weil d’une présence secrète du Verbe dans l’histoire. De même, c’est à partir de la certitude de l’universalité de l’Incarnation qu’elle a développé une « spiritualité du travail » opposée au capitalisme libéral et au marxisme – tous deux fustigés pour leur matérialisme brutal qu’elle voit à l’origine directe des totalitarismes. Son itinéraire spirituel, enfin, de l’agnosticisme vers la foi chrétienne, est passionnant. Il peut être comparé à celui d’Édith Stein. Toutes deux ont approfondi et étudié de manière nouvelle le rapport « circulaire » entre raison et foi (que Fides et Ratio définira quarante ans plus tard).

P.N.-D. - En quoi cet itinéraire vous semble t-il parlant dans notre contexte ?

Emmanuel Gabellieri – « Ma recherche de vérité était ma prière inconsciente », a dit Édith Stein. Simone Weil a vécu la même expérience : après sa conversion, analysant rétrospectivement son parcours, elle a compris que sa recherche intellectuelle l’ouvrait à Dieu sans le savoir, car « qui désire du pain ne reçoit pas des pierres ». Pour elle, tout désir du vrai, toute contemplation du beau est un chemin vers Celui en qui tout a été fait. Mais en même temps, Dieu n’est pas évident aux yeux du monde – Il paraît même absent. Dès lors, seule une démarche de liberté orientée vers la grâce peut mener vers Sa présence mystérieuse.

P. N.-D. - Comment allez-vous parler de cette figure exceptionnelle lors de vos deux conférences ?

Emmanuel Gabellieri – Ces conférences s’intitulent « Simone Weil, critique du XXe siècle, prophète du XXIe siècle ». Le 11 avril, je présenterai donc son regard sur son époque, sur la société qu’a bâtie la révolution industrielle et sur les totalitarismes et, le 2 mai, je chercherai à montrer en quoi sa pensée est en avance sur nous, pour penser une mondialisation à la mesure de l’homme, ou le rapport à Dieu et au cosmos évite l’anthropocentrisme des modernes. • Propos recueillis par Pierre-Louis Lensel

Le 11 avril et le 2 mai, à 20h, au Collège des Bernardins.
Tarifs : plein, 5€, réduit, 3€.
Pour en savoir plus sur le sujet : Simone Weil, par Emmanuel Gabellieri, Éd. Ellipses, Paris, 2011.

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