Le pape très attendu au Liban

Paris Notre-Dame du 5 juillet 2012

PN.-D. – En voyage au Liban du 14 au 16 septembre, le pape remettra son Exhortation apostolique post-synodale [1] dans un contexte de crise. Quelles sont vos attentes ?

Mgr Mounir Khairallah, évêque maronite de Batroun (Nord-Liban).
© Laurence Faure

Mgr Mounir Khairallah – Les catholiques du Liban, tous les Libanais et, plus largement, les chrétiens du Moyen-Orient, attendent avec impatience cette visite. Ils savent combien Benoît XVI, successeur de Pierre, peut avoir une influence à la fois spirituelle et morale sur l’engagement des chrétiens au Liban et dans la région. Ils attendent d’être soutenus dans leur vocation : être des artisans de paix et de justice sociale. En signant son Exhortation apostolique à Beyrouth, le pape encouragera très certainement le dialogue dans la vérité, soutenu par la charité. Dans ce cadre, le Liban – dont Jean-Paul II a dit « plus qu’un pays, il est un message » –, revêt une importance particulière puisqu’il est reconnu comme un laboratoire de collaboration et de convivialité entre différents peuples. Le Liban – où cohabitent dix-huit communautés confessionnelles – est en effet le seul pays de la région où chacun est libre d’exprimer sa foi et de vivre selon sa religion.

P.N.-D. – Le thème du Synode était « communion et témoignage ». Est-ce une forme d’appel aux chrétiens à rester, à l’heure où beaucoup d’entre eux émigrent ?

Mgr M. K. – Oui. Ces deux termes résument à eux seuls le sens de notre vie sur place et de notre mission. La communion pour poursuivre le dialogue œcuménique au niveau local, afin de rendre vivante cette phrase : « La multitude de ceux qui étaient devenus croyants avait un seul cœur et une seule âme » (Ac 4, 32) et le témoignage pour démultiplier la charité. Je citerai là un exemple significatif. Nous avons accueilli, à Batroun, en août 2006, 15 000 réfugiés chiites, fuyant les bombardements d’Israël dans le Sud. Le jour de leur départ, une jeune fille m’a demandé si elle pouvait prendre la grande croix que nos scouts avaient fabriquée, pour la planter à l’entrée de leur village. « J’ai compris que votre Dieu était devenu homme pour accepter de mourir sur cette croix, pour donner sa vie pour vous et pour nous, m’a-t-elle dit, c’est l’amour infini de Dieu. » Je ne lui ai pas demandé de se convertir ! Mais plutôt qu’elle vive chez elle les valeurs qu’elle a découvertes. Un haut fonctionnaire chiite m’a, quant à lui, avoué qu’il avait décidé d’abandonner sa haine envers Israël en vivant avec nous. Voilà la force de notre témoignage.

P. N.-D. – La montée de l’islam politique n’en reste-t-elle pas moins une menace pour les chrétiens au Moyen-Orient ?

Mgr M. K. – Pas uniquement pour les chrétiens : pour les communautés musulmanes aussi. Je pense toutefois que même sous un régime intégriste, il est possible de dialoguer en vue du bien d’une nation. En outre, Jésus ne nous a jamais mesurés à notre nombre. Il veut des témoins, pas un troupeau. Pourquoi notre effectif devrait-il engendrer tant de craintes ? Jésus avait douze apôtres et il les a envoyés dans le monde entier. Nous n’avons pas peur. Nous avons dépassé ce complexe depuis très longtemps. • Propos recueillis par Laurence Faure (Interview réalisée avec le concours de l’Œuvre d’Orient)

[1Cette exhortation est la conclusion du Synode des évêques pour le Moyen-Orient qui s’est tenu au Vatican du 10 au 24 octobre 2010.

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