Les laves émaillées de la façade de Saint-Vincent-de-Paul

La repose des laves émaillées de Saint-Vincent de Paul par la Ville de Paris.

Les laves émaillées du peintre Pierre-Jules Jollivet (1803-1871) reprennent leur place sur la façade de l’église Saint-Vincent-de-Paul 150 ans après avoir été posées puis déposées.

 Eglise Saint-Vincent-de-Paul, place Franz-Liszt, Paris 10e. M° Poissonnière, Gare-du-Nord.

Le retour des laves émaillées de Saint-Vincent de Paul

Saint-Vincent-de-Paul ACF-P©AB

De 1846 à 1860, Pierre-Jules Jollivet (1803-1871), élève de Gros, décore la façade de Saint-Vincent de Paul de plaques de laves émaillées qui lui avaient été commandées à la demande d’Hittorff, l’architecte de l’église. Ce dernier pensait ainsi illustrer dans son église ses propres théories sur l’architecture colorée chez les Anciens.

L’invention de la peinture en émail revenait à Mortelèque et Hachette, et favorisée par le préfet Chabrol, comte de Volvic, qui y voyait entre autres un moyen d’aider l’industrie de son Auvergne natale. Par ailleurs cette technique répondait au souci d’une polychromie extérieure résistant aux atteintes du temps, équivalent moderne de la mosaïque.

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Le premier tableau posé fut celui de la Trinité au-dessus de la porte en 1846. Les autres plaques développent des sujets tirés de la Bible : à droite de la Trinité c’est-à-dire à gauche du spectateur, les épisodes du Nouveau Testament, à droite ceux de l’Ancien.

A la création d’Eve correspond l’Adoration des mages ; au Péché d’Adam et Eve, le Baptême du Christ ; au Châtiment d’Adam et Eve, la Cène.

Ces six tableaux furent mis en place vers mars 1860 et firent immédiatement scandale.

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« Un prêtre, raconte Jollivet, du haut de la chaire avait dénoncé aux fidèles l’immodestie des sujets représentés par l’artiste ; les mères devaient défendre à leurs filles de lever les regards sur la face de la maison du Seigneur polluée par les images de la création, de la faute et du châtiment de nos premiers parents et par celle du Christ qui, dépouillé d’une partie de ses vêtements, recevait le baptême dans les eaux du Jourdain. »

Devant l’ampleur des protestations et la pression du clergé, la dépose de ces plaques fut décidée par Haussmann en 1861. Jollivet se sentit incompris. Il attribua à juste raison l’enlèvement de son décor à l’hypocrisie du clergé et au refus de toute nouveauté de la part du public.

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Ce que l’on pourrait appeler l’affaire des laves de Saint-Vincent de Paul est un épisode particulièrement curieux de l’histoire de l’art français au XIXe siècle. On est d’abord étonné de constater avec quelle facilité ont pu disparaître les traces de cette énorme entreprise. Sitôt après le scandale de l’enlèvement, la mémoire s’en était pratiquement effacée ; pendant plus d’un siècle, cet immense décor de façade allait rester dans les dépôts de la Ville de Paris sans que personne ne s’en soucie.
Il faut attendre 138 ans pour les faire sortir de l’oubli. C’est en effet en 1998 que la Ville prit l’heureuse initiative d’en restaurer quelques-unes et de les exposer au Musée de la Vie romantique.

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Cet épisode montre aussi les limites de la solution trouvée par les juristes de la Restauration, de la Monarchie de juillet et de l’Empire pour déterminer les rapports entre pouvoirs publics et l’Eglise. Le clergé se voyait mis en possession de bâtiments, de peintures et de sculptures qu’il n’avait ni commandés ni même discutés dans leur conception ni leur réalisation. Le clergé a rarement réagi pour les décors intérieurs. Il semble qu’il s’est montré plus sourcilleux quant aux images mises sur la voie publique et s’est battu contre les innovations qui ne correspondaient pas à ses aspirations.
Sa préférence devait aller vers l’imagerie sulpicienne qui était en train de naître. Or rien n’est moins sulpicien que les étincelantes peintures émaillées dont Jollivet voulait revêtir la façade de Saint-Vincent-de-Paul et qui, grâce à la détermination de la Ville retrouvent, après 150 ans d’exil, leur place d’origine pour le plus grand plaisir de tous.

Eglise Saint-Vincent de Paul


Cette église monumentale est peu connue des Parisiens qui ignorent ses trésors cachés. Elle raconte par ailleurs une part de l’histoire de la capitale. En effet, pendant la Révolution, ce quartier, aujourd’hui dans le Xe arrondissement, devient constructible à la suite de la vente des biens du clergé. Il s’urbanise peu à peu et n’a pas de paroisse digne de ce nom. Parallèlement, un plan d’urbanisme est mis en œuvre par Gilbert de Chabrol, préfet de la Seine. Ce réaménagement comprend la construction d’une église. Elle sera dédiée à saint Vincent de Paul qui vécut à proximité au prieuré Saint-Lazare. Les autorités choisissent de construire cette nouvelle église sur le point culminant du quartier : elle symbolise le retour de l’Eglise après la Révolution.
Ce temple néo-grec, selon l’expression de Charles Garnier, architecte de l’Opéra, est un témoignage dès l’extérieur : les quatre évangélistes dominent l’attique et au centre du fronton, M. Vincent, au centre d’une sculpture résumant son œuvre, accueille les paroissiens alors que les douze colonnes du porche symbolisent les apôtres. La façade austère depuis 150 ans retrouve aujourd’hui tout son lustre avec le retour des laves émaillées.

Photos © ACF-P

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