Matteo Ricci (1552-1610), un passeur de culture

La Croix, février 2010.

Elève chez les jésuites, le jeune Italien Matteo Ricci étudie ensuite longuement à Rome et à Florence avant d’être envoyé en Extrême-Orient. Il y transmet l’essentiel de la foi catholique et du savoir occidental.

Chez les jésuites, 1552 marque une date très symbolique. C’est l’année du décès de l’Espagnol François Xavier, qui meurt sur une île déserte au large de Canton, juste avant de pouvoir pénétrer en Chine. Mais c’est aussi l’année de la naissance de l’Italien Matteo Ricci.
Moins de cinquante ans plus tard, en 1601, celui-ci sera le premier missionnaire occidental à être autorisé par l’empereur à résider à Pékin. Si François Xavier est bien connu des Européens, Matteo Ricci l’est beaucoup moins : il est pourtant considéré comme « l’intermédiaire culturel le plus éminent de tous les temps entre la Chine et l’Occident » , selon le propos du grand sinologue allemand Wolfgang Franke. Et tous les lycéens chinois le connaissent encore sous son nom sinisé de « Li Matou (1) ».

Macerata, petite ville des Marches italiennes voit naître, le jeune Matteo

À Macerata, petite ville des Marches italiennes qui le voit naître, le jeune Matteo bénéficie dès 9 ans des enseignements de la Compagnie de Jésus, fondée douze ans avant sa naissance. Il se rend ensuite à Rome et à Florence pour étudier le droit, les mathématiques, la théologie et entre au noviciat des jésuites en 1571.

Avant que Matteo ne soit envoyé en Extrême-Orient, une trentaine d’autres jésuites l’y avaient précédé. Trois au moins d’entre eux - François Xavier en Inde et au Japon, Alessandro Valignano à Goa et Macao, Michèle Ruggieri dans la région de Canton - avaient déjà compris qu’il était vain de s’appuyer sur les colonisateurs portugais pour évangéliser les foules, un crucifix à la main.

Face à d’aussi éminentes civilisations, dont les populations supportaient mal l’attitude supérieure des Occidentaux, ils avaient eu l’intuition qu’il fallait inventer d’autres formes d’évangélisation : prendre ces cultures au sérieux, apprendre à parler, lire, écrire la langue avant de pouvoir annoncer un christianisme crédible. Et si possible toucher l’empereur dont tout dépendait.

Lorsque Matteo Ricci rejoint Ruggieri en 1583 à Zhaoqing,
il bénéficie de l’expérience de ses prédécesseurs

Lorsque Matteo Ricci, arrivant de Macao, rejoint Ruggieri en 1583 à Zhaoqing, à une centaine de kilomètres à l’ouest de Canton, il bénéficie de l’expérience de ses prédécesseurs, mais s’engage dans une voie un peu différente : à côté de l’empereur, il prend conscience du rôle des hauts magistrats, des eunuques du palais et des lettrés dans la structure politique de l’empire confucéen. Il assimile vite que la vision chinoise du monde est globale, comme une sorte d’idéologie où science, technologie, éthique et enseignement philosophique formeraient un tout organique. Et il choisit donc de présenter le christianisme, lui aussi, comme une conception organique du monde.

Sa voie sera celle d’un « apostolat intellectuel »

Sa voie sera donc celle d’un « apostolat intellectuel » et ce sera avec les lettrés qu’il entrera en relation, sur la base d’un dialogue principalement scientifique, passant par l’écrit. Dialogue qui le fera prendre très au sérieux par les savants chinois de l’époque.
S’appuyant sur une mémoire prodigieuse, Matteo se lance à fond dans l’étude de la culture chinoise, notamment des quatre livres confucéens qui constituent le socle du corpus des concours mandarinaux. Il multiplie les contacts dans les « académies », communique les derniers enseignements des mathématiques et de l’astronomie occidentale, traduit en chinois tous les éléments de la géométrie d’Euclide.

En 2010, les manuels chinois de mathématiques utilisent toujours ses travaux... Avec ses amis chinois premiers convertis, il établit un lexique chinois-portugais. Il dessine aussi une mappemonde qui révolutionnera la conception chinoise du monde et fascinera l’empereur. Peu à peu, Ricci est perçu par les Chinois lettrés comme un transmetteur du savoir encyclopédique de l’Occident.

L’empereur autorise Matteo à venir s’établir à Pékin

En 1601, l’empereur autorise enfin Matteo à venir s’établir à Pékin à proximité de son palais et à y construire une résidence et une première église catholique. Ricci y demeurera jusqu’à sa mort, en 1610. La Chine comptera alors huit jésuites et 2.500 chrétiens. Ricci n’a pas lui-même accompli beaucoup de conversions, mais son rayonnement a entraîné les dirigeants confucéens vers un savoir de plus en plus pratique, et la plupart des grands lettrés garderont par la suite des contacts avec les pères jésuites.
En 1615, le pape Paul V autorisera la messe en chinois. Mais trente ans plus tard, la « querelle des rites » , puis en 1742 l’interdiction solennelle par Rome des rites adaptés aux traditions chinoises interrompront cette expérience totalement inédite.

Béatrice BAZIL, Journal La Croix, février 2010

(1) Le « r » n’existant pas en chinois, « Li » rend assez bien le « Ri » de Ricci. Et Matou (à prononcer Mato] est devenu le prénom chinois de Matteo.

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